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L'Histoire de France, de l'Europe & du Monde

A l’issue d’une longue guerre civile (1927-1949) interrompue par l’invasion japonaise lors de la Seconde Guerre mondiale, le Parti communiste remporte la victoire sur le parti nationaliste de Tchang Kaï-chek qui se réfugie avec le reste de son armée et administration sur l’île de Taïwan. Mao Zedong (1893-1976), issu d’une famille de paysans aisés, diplômé de littérature et philosophie, à la fois président du gouvernement populaire de Chine et du parti communiste chinois, va pouvoir transformer le pays en profondeur pour en faire le deuxième coeur du « monde rouge ».

La « soviétisation » de la Chine

Lors des premières années, la Chine populaire se veut le bon élève de l’URSS. « L’URSS d’aujourd’hui, c’est la Chine de demain » déclare Mao, président du parti communiste et du gouvernement chinois. La Chine évolue rapidement vers la collectivisation. En juin 1950, deux lois marquent un changement décisif : la première abolit la famille patriarcale en donnant l’égalité juridique aux femmes (volonté de rupture avec la Chine traditionnelle), la seconde confisque les terres des grands propriétaires pour être redistribuées aux 300 millions de paysans qui n’en possèdent pas ou peu. 45 % de la surface cultivée chinoise change de main en deux ans.
Ces changements s’accompagnent d’une politique de Terreur. A la campagne, les autorités fixent un quota d’ennemis du peuple à éliminer : au moins une famille par village (3 à 5 millions de victimes). Dans les villes, entre mars et septembre 1951, un million de personnes perdent la vie pendant la campagne de terreur.

Le 16 décembre 1949, Mao se rend à Moscou où il rencontre Staline. En février 1950 est signé un traité d’amitié, d’alliance et d’assistance mutuelle avec l’URSS pour trente ans. Des experts soviétiques se rendent en Chine ; l’URSS, qui vient de se doter de la bombe atomique, aide la Chine à développer la sienne. La même année, la Chine perd son siège de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU au profit de Taïwan, en raison de son intervention dans la guerre de Corée, contre les forces américaines envoyées par l’ONU.

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L’amitié sino-soviétique sur un timbre (1950).

En 1953 est adopté le système unifié d’achat et de vente des céréales (monopole étatique du commerce des céréales) qui prive les paysans de toute indépendance économique. En 1954-1955, les paysans chinois doivent rejoindre des coopératives agricoles : les terres sont ainsi collectivisées.

De l’amitié à la rupture avec l’URSS

La lune de miel entre la Chine et l’URSS ne dure pas. Dès 1955, des tensions apparaissent quand la Chine choisit de se situer dans les pays « non-alignés » à la conférence de Bandung. La Chine aspire au rôle de co-dirigeant du camp socialiste quand l’URSS ne voit le pays que comme un brillant second. En 1956, la critique de Staline par Khrouchtchev au XXe congrès du parti communiste de l’Union soviétique à Moscou déplaît à Pékin. Mao et les cadres du PC chinois s’oppose à la thèse de la « coexistence pacifique » avec l’impérialisme. Mao fait la même année la critique du modèle soviétique, considérant notamment que l’agriculture a été sacrifiée au profit de l’industrie, qu’il faut donner plus de pouvoir aux administrations locales (contrairement à l’URSS), augmenter les crédits affectés à l’édification économique (en abaissant ceux de la défense nationale) et doter le pays de la bombe nucléaire. Il prône ainsi une autre voie de développement du socialisme, adaptée à la réalité chinoise.

En 1959, l’URSS abroge unilatéralement le traité de coopération nucléaire avec la Chine ; l’année suivante, elle rappelle les experts soviétiques présents en Chine. En juin 1963, l’URSS, les Etats-Unis et le Royaume-Uni signent un accord mettant fin aux essais nucléaires. L’année suivante, le 16 octobre 1964, la Chine fait exploser sa première bombe atomique et dénonce le « club nucléaire ». La rupture est consommée.

Les expériences utopiques

Les « Cent Fleurs » (1956-1957)

En mai 1956, Mao lance le mouvement des « Cent Fleurs », tentative de libéralisation du régime. Il permet et encourage les intellectuels à critiquer le régime : « Que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles rivalisent ! ». Mais le mouvement va trop loin : étudiants et intellectuels s’en prennent au parti unique, aux privilèges des cadres du parti, au dogmatisme, et à Mao lui-même. Une partie des ouvriers se met en grève tandis que les paysans quittent les fermes collectives. Le 8 juin 1957, Mao met fin à l’expérience : plus d’un million de Chinois sont sanctionnés à des degrés divers.

Le Grand Bond en avant (1958-1961)

Mao profite de la campagne menée contre la contestation du régime pour lancer le Grand Bond en avant. Il s’agit d’accroître considérablement la production agricole et industrielle en un temps record par la collectivisation de l’agriculture et de grands travaux publics pour améliorer les infrastructures. Le régime créé 70.000 communes populaires, comptant en moyenne 5000 familles, devant devenir des unités de base quasiment autosuffisantes de la société chinoise. L’ensemble des masses paysannes sont mobilisées, à grands renforts de propagande.

Très vite, l’échec apparaît : les paysans affectés aux travaux d’infrastructures (canaux, barrages) ne peuvent pas rentrer les récoltes qui pourrissent sur pied, l’acier fondu dans les petits haut-fourneaux (sans savoir-faire) est inutilisable. Les livraisons obligatoires de céréales à l’Etat (sortes d’impôts), augmentées en 1958, aggravent la situation. La consommation de denrées alimentaires chute à la campagne. Entre 18 et 23 millions de paysans meurent de faim de 1959 à 1961.

Dès l’hiver 1960, le gouvernement fait marche arrière, en rétablissant par exemple les lopins de terre privés. En 1962, il achète des tonnes de grains à l’Australie et au Canada pour mettre fin à la famine. Entre temps, Mao s’est mis en retrait en quittant la présidence de la République, remplacé par Liu Shaoqi, plus modéré (avril 1959). Il reste toutefois à la tête du parti communiste chinois.

La Révolution culturelle (1966-1969)

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Gardes rouges (illustration d’un
manuel scolaire de Guangxi de 1971).

Mao prend sa revanche sur les modérés en 1966. Considérant que la jeunesse doit faire son expérience révolutionnaire, Mao lance la « Révolution culturelle » : il l’engage à critiquer et attaquer les « cadres [du parti] engagés dans la voie de la restauration du capitalisme, les Khrouchtchev chinois et leurs complices ». Il l’appelle à rejeter ce qui reste de la Chine traditionnelle, au niveau familial, scolaire et social.

En août 1966, Mao critique la « dictature bourgeoise » qui s’est, selon lui, mise en place depuis 1961 et Liu Shaoqi est écarté. Les millions de Gardes rouges – nom des adolescents fanatisés engagés dans cette Révolution – arrêtent, humilient, frappent, parfois tuent, les « ennemis du peuple » (écrivains, journalistes, professeurs, cadres du parti, …). Les scènes de violences se multiplient. Ainsi, en juillet 1967, des casernes et bâtiments militaires sont pillés à Pékin, le mois suivant, le ministère des Affaires étrangères et l’ambassade du Royaume-Uni sont mis à sac.

Le retour à l’ordre est progressif. A l’automne 1967, l’armée reçoit l’autorisation de se servir de ses armes en cas d’attaque. Des comités révolutionnaires se mettent en place (associant Gardes rouges assagis, militaires et cadres du parti) et ramènent l’ordre. A partir de septembre 1968, plus de 16 millions de jeunes chinois sont envoyés autoritairement dans les campagnes. C’est la fin des Gardes rouges.

Les dernières années

A l’issue de la Révolution culturelle, trois factions s’opposent : celle de Lin Biao, ministre de la Défense et dauphin de Mao ; celle des « pragmatiques » autour de Zhou Enlai et celle des « idéologues » dont fait partie Jiang Qing, épouse de Mao ayant joué un grand rôle dans la Révolution culturelle.

Mao inquiet du pouvoir de Lin Biao, lequel entretient des désaccords idéologiques (il s’est ainsi opposé à la visite de Nixon en 1971), choisit de l’éliminer. Accusé d’un complot, Lin Biao s’enfuit précipitamment en septembre 1971 ; son avion s’écrase par manque de carburant en Mongolie extérieure.
Les pragmatiques sont au pouvoir à partir de 1971 et obtiennent quelques succès comme la normalisation des relations sino-américaines et la récupération du siège de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU (octobre 1971). Cependant Mao choisit de favoriser les idéologues qui lancent à partir de 1973 des campagnes idéologiques contre les droits bourgeois ou le risque de rétablissement du capitalisme. En 1976, quand le premier ministre Zhou Enlai meurt, le peuple manifeste en l’honneur du défunt en déposant des couronnes de fleurs et en lisant des poèmes à sa gloire. Il s’agit de la première grande contestation populaire des idéologues qui dominent alors au pouvoir.

Mao, qui n’est plus écouté, meurt le 9 septembre 1976. Moins d’un mois plus tard, le 6 octobre, la faction pragmatique, forte du soutien populaire, prend le pouvoir en arrêtant les principaux chefs des idéologues dont Jiang Qing. La Chine se détache du maoïsme et entame des réformes qui vont faire du pays une grande puissance économique.


Bibliographie :
ROUX Alain, La Chine au XXe siècle, Paris, Armand Colin, 1998.

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