Philisto

L'Histoire de France, de l'Europe & du Monde

Un dictateur est-il nécessairement tyrannique ? Au coeur du XXe siècle, le système politique du Portugal délivre à l’analyse politique, l’un de ces despotes éclairés que l’on croyait avoir disparus avec les dernières années du XIXe siècle. Issue d’un pays en banqueroute, malmenée par les menées communistes internes et les philippiques de l’État soviétique, la dictature de l’économiste António de Oliveira Salazar semble imprimer au sein de la rubrique politique un cas unique et à ce jour, encore relativement méconnu par nos contemporains.

Débuts de Salazar

Enfance du dictateur

António de Oliveira Salazar naît le 28 avril 1889 à Santa Comba Dao, au sein d’une famille rurale. Il a cinq soeurs. Comme elles, le futur autocrate baigne alors dans un climat empreint de modestie, de piété ainsi que de méfiance instinctive à l’égard des titres de la naissance et de l’argent. Un tel enseignement de l’existence, quand il est dispensé durant l’enfance, marque le caractère d’un individu pour le restant de sa trajectoire. Fernando Moran, ex-diplomate de l’Espagne, déclare ainsi qu’il s’agissait d’ « un homme courtois, retirant lui-même leur manteau à ses invités. Il était assisté de domestiques, jeunes filles en uniforme noire avec coiffe et tablier. […] Et il répondait par lui-même au téléphone. » Dès son jeune âge, Salazar démontre la souplesse de l’intellect dont il est pourvu : aussi le curé local conseille au père, aubergiste, d’orienter son fils vers les études et de ne point l’engager dans l’entreprise familiale. En 1899, António obtient, à Viseu, son certificat d’études et intègre l’année suivante le séminaire, se destinant, dans un premier mouvement, à devenir prêtre. Il est cependant vrai que l’étape du séminaire permettait, aux enfants d’origine pauvre, d’élever leur condition d’existence au sein d’un Portugal socialement rigidifié.
Après avoir triomphé des études secondaires, il suit ensuite, pendant trois ans, des cours au collège Barreiros. Mais nous sommes alors en 1910 et la République est proclamée au dépend de la monarchie parlementaire qui, jusqu’ici, régentait la Nation en ayant également incorporé au sein de son mode de fonctionnement, certains principes tirés de la Révolution Française de 1789-1799. Comme beaucoup de ses condisciples, Salazar est royaliste et a l’occasion d’accéder, enfin, au cycle d’études supérieures.

Construction intellectuelle

Observant les bouleversements politiques et constitutionnels du Portugal, il choisit de manière stratégique de s’inscrire à l’université de Coimbra afin de suivre deux cursus : économie et Droit. Durant ses études, Salazar fait la connaissance d’un prêtre qui, quelques temps plus tard, deviendra le cardinal Cerejeira. De cette rencontre naît une amitié complice qui jamais ne se désagrègera entre deux hommes qui tour à tour, allieront confidences et aide mutuelle. À Cerejeira, António Salazar déclare qu’il considère la situation idéale de l’exercice du pouvoir politique, comme Premier Ministre d’un Roi absolu. En 1917, Salazar termine son cycle d’études et obtient l’autorisation d’enseigner.
Il est alors Docteur en Droit mais tend à focaliser ses recherches sur le domaine économique, peut-être conscient de la critique situation financière de son pays. Tout naturellement décide-t-il de faire ouvertement connaître ses positions idéologiques, en publiant quelques articles dans les gazettes : sont ainsi découverts par le grand public « la Question Agraire » et « la Prime de l’Or ». Par ce fait parvient-il à faciliter son évolution au sein de la société du temps et, véritable exploit pour un homme aux origines modeste, à se faire percevoir comme un bon parti de la part de la haute-société.

Au Gouvernement

Débuts en politique

Sa première expérience de politique concrète prend place en 1921, lorsqu’il est élu député du Centre Catholique à l’égard duquel il entretient plusieurs caractères doctrinaux communs. Une fois arrivé au Parlement, il n’y reste néanmoins qu’un jour puis démissionne. Salazar, faut-il le rappeler, reste dominé par la tradition de l’anti-parlementarisme : la vie parlementaire et la démagogie ne le séduisent pas. Revenant enseigner à la faculté de Coimbra d’où il observe, attentivement, le théâtre politique, il ne revient à Lisbonne que bien plus tard, une fois devenu une autorité en matière financière. En mai 1926, un coup d’État militaire éclate et un triumvirat se constitue. Un général nommé Oscar Carmona sort du lot et les finances d’État étant misérables, s’aperçoit que le redressement du pays doit passer par l’action de quelque économiste chevronné : Salazar est appelé au pouvoir politique.

Au milieu de ces tumultueuses années 1920, c’est la dictature de la rue alors que le lynchage des prêtres catholiques ne va qu’en s’amplifiant. Une voiture noire stoppe au-devant de la demeure du docteur Salazar et celui-ci, bien qu’hésitant, accepte sur demande de sa mère de participer au Gouvernement d’inspiration militaire. Après avoir examiné la situation nationale, le futur chef d’État liste une série de conditions drastiques que l’on refuse. « Dans ce cas, déclare-t-il, je n’ai plus rien à faire ici ». Il prend le train et retourne à Coimbra : néanmoins tout à changé puisque la situation financière et sociale s’aggrave. Carmona, de nouveau, est résolu à demander l’aide de cet économiste.
António de Oliveira Salazar est toutefois tranchant : qu’on lui refuse encore ses conditions, et il ne reviendra plus à Lisbonne quoi qu’il puisse à nouveau se produire. Salazar est finalement investi de son Ministère et le dirigeant du Portugal prononce alors un discours annonçant le ton de ses futures années de commandement : « Je sais ce que je veux et où je me dirige, mais n’espérez pas que nous atteignions le but en quelques mois. Au plus que le pays étudie, questionne, réclame ou débatte, mais qu’il se tienne prêt à obéir quand viendra l’heure de commander. » Nommé ministre des Finances en 1928, il établit un premier budget qui, par un doigté tenant du miracle, permet au Portugal d’opérer un excédant monétaire de 285 millions d’escudos. Ainsi en sera-t-il pour les budgets nationaux suivants.

Époustouflé devant le prodige, Oscar Carmona, ayant auparavant ravit la Présidence de la République, offre à Salazar davantage : le titre de Président du Conseil. À dater de cet instant, celui-ci conjugue ses efforts à bâtir une Constitution dont les principes fondamentaux s’appuient sur l’égalité politique des citoyens, l’ordre social du pays ainsi qu’une place éminente au catholicisme qui, et Salazar le déplore, ne peut redevenir religion officielle. Par la suite, une batterie de lois sévères est instaurée afin de permettre l’emprisonnement préalable d’opposants au régime ainsi que la détention constante des émeutiers communistes. Salazar est également Ministre de la Guerre (1936-1944) et de la Défense (1932-1950), ainsi que des Colonies -un bref passage en 1930.
Avec l’argent qui, de nouveau, entre dans les caisses de l’État, la politique de grands travaux et de redressement économique peut commencer : elle sera essentiellement le fait de grands groupes privés industriels et financiers. António Salazar tend également ses efforts à permettre au Portugal de réduire ses importations céréalières et d’augmenter ses élevages. Un protectionnisme, que Salazar lui-même reconnaît comme modéré, est établi aux frontières. Il est réalisé un grand investissement en travaux publics et constructions sociales sous l’égide du ministre Duarte Pacheco et sans aucun emprunt public. Dans les dernières années de la dictature, la croissance nationale culmine finalement au même niveau que celle de la plupart des pays asiatiques, c’est-à-dire entre 6% et 8% pour s’arrêter à dater de la Révolution des Oeillets en 1974.

En Espagne cependant, les élections générales de 1936 sont remportées par le Frente Popular, coalition de socialistes et de communistes tout à fait voisine de celle qui, en France, obtient aussi la majorité des sièges à la Chambre des Députés. De nombreux crimes anarchistes éclatent alors pendant que plusieurs prêtres catholiques sont crucifiés. Il y a pis : le Frente Popular travaille à exporter ses idées subversives au reste de la péninsule ibérique. Plusieurs généraux espagnols, exilés au Portugal, sont toutefois décidés à ne pas se laisser malmener par ce gouvernement : parmi eux, un militaire prend la tête de la junte, un dénommé José Sanjurjo. Mais celui-ci périt dans un accident d’avion, à Estoril, et un certain Francisco Franco y Bahamonde devient par-conséquent figure de proue de la rébellion. Au 18 juillet 1936, la guerre d’Espagne éclate lorsque les troupes coloniales du Maroc envahissent les camps de Melilla et Tétouan.

1936 : la guerre civile d’Espagne

Deux Espagnes se battent dès lors sans merci pour le contrôle du pays. Or cette guerre est un incendie risquant de propager ses flammes jusqu’au Portugal. Que faire ? Salazar doit rapidement trouver une solution sûre et définitive au problème espagnol. Il se décide à soutenir les phalangistes du général Franco et ne l’avoue que plus tard au Parlement, lorsque les troupes nationalistes envahissent Madrid, dernier bastion de l’ordre ancien. Également l’autocrate refuse-t-il d’offrir l’exil aux milliers de réfugiés constitués de socialistes, d’anarchistes, de communistes liés à l’URSS et parfois même de repris de justice qui, finalement accueillis par Léon Blum, prennent la route de France et qui, en 1944, pillent et exécutent avec le brassard de FTP au bras. Apprenant que son voisin écarte de soutenir le Frente Popular, Franco lui en fera témoignage de gratitude. Les forces franquistes, constituées certes d’Espagnols mais aussi de Français, d’Allemands et d’Italiens venus apporter de l’aide aux nationalistes, choisissent de faire transiter leurs armes et leur matériel par le biais du libre-passage qu’octroi le Président du Gouvernement portugais.

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Salazar à gauche, Franco à droite.

Certes la question peut-elle prendre place : pourquoi avoir apporté l’aide du Portugal à Franco plutôt qu’aux dits « Républicains » ? Le choix est d’abord d’ordre politique, plutôt qu’idéologique. Bien que Franco entretienne des idées nationalistes relativement proches de celles que proclame le « Nouvel État », le dirigeant du Portugal sait également qu’une victoire des forces militaires de gauche alliées de l’URSS, signifierait le retour au coeur du débat politique de l’idée d’une Union Ibérique, à savoir une fusion économique et politique entre les deux voisins de la péninsule, et si cela se produisait l’Espagne serait bien évidemment le principal bénéficiaire et le pouvoir dominant. Le Dr. Antonio Salazar sait en homme politique pragmatique, que sans liberté du Portugal il ne peut y avoir liberté du peuple portugais : sur la base de cette logique, le soutien à l’armée nationaliste s’érige en évidence. Quand Franco remporte, le 1er avril 1939, la guerre d’Espagne, une des plus sanglantes du XXe siècle avec un bilan d’un demi-million de morts, il est fort conscient d’avoir une dette envers António Salazar pour la démonstration de son rapprochement diplomatique et militaire, tout en remerciant par la même occasion Hitler et Mussolini, de lui avoir octroyé plusieurs bombardements salutaires sur les positions ennemies -le massacre de Guernica en est le plus célèbre exemple.

Un nouvel ordre mondial

Au coeur des troubles : 1939-1945

En janvier 1933 s’opère un virage net, au sein du paysage politique allemand : le NSDAP, antisémite et anticapitaliste, accède au pouvoir en la personne d’Adolf Hitler. Celui-ci mène une politique de ségrégation au sein de l’État allemand et introduit une violation des libertés publiques en profitant de l’incendie du Reichstag, dont un document récemment découvert exonère le parti nazi d’une supposée responsabilité. Dès 1934, Hitler se saisit des pouvoirs exceptionnels et, par une série de coups de force spectaculaires tels que le retrait de l’Allemagne de la Société des Nations, l’Anschluss, les Accords de Munich et l’annexion des Sudètes, proclame le Reich de mille ans. Débutant en septembre 1939 avec l’invasion de la Pologne, le nouveau conflit mondial, d’une ampleur inégalée jusqu’alors, amène Franco et Salazar à adopter une stratégie commune : sauvegarder la neutralité de la péninsule. Salazar, il est vrai, admire Hitler. D’autre part, il sait également que les liens historiques avec l’Angleterre sont trop étroits pour les relâcher quelque peu tandis qu’en s’alliant militairement avec l’Axe, il met en péril les colonies portugaises d’Outre-mer que l’Angleterre, encore Reine de l’océan Atlantique, conserve le pouvoir d’isoler.

Quant au dictateur espagnol, il subit une pression de Hitler et Mussolini qui le pressent d’entrer en guerre. Une rencontre est préparée à Hendaye, ville frontière de la France et de l’Espagne, mais se termine par un échec : Franco soumet au Führer une liste de revendications, bien trop longue de l’avis de ce dernier. Il y est notamment question d’une aide économique et du don à l’État espagnol des colonies françaises d’Afrique du Nord, que Mussolini convoite également. Hitler, ne pouvant continuer son expansion vers l’Ouest et envahir le Portugal faute de l’aide espagnole, se détourne de Salazar au détriment de Staline, qui se fait attaquer dès 1941 par la plus grosse coalition militaire jamais rassemblée. Pour ménager l’Axe, Franco a cependant pris soin d’accorder à Hitler une division de volontaires de quelques milliers d’hommes, nommée « Azul », pour appuyer la campagne de Russie.

Quel est, au milieu de ces troubles, le rôle précis d’Antonio Salazar ? Un double jeu est organisé. Commerçant à la fois avec l’Allemagne national-socialiste et les Alliés, le Portugal exige d’être d’abord payé en or : et la Grande-Bretagne est trop affaiblie pour refuser. Salazar demande également à Hitler de le payer avec l’or nazi en échange du zinc portugais : sans doute plus qu’ailleurs pouvons-nous dire ici que l’argent n’a pas d’odeur. À la fois opportuniste et ne s’embarrassant pas de stériles considérations morales, l’astucieuse technique permet au Portugal d’être, en 1945, le pays ayant le plus gros stock de métal précieux d’Europe, ce dont les États-Unis d’Amérique s’irritent. Franklin D. Roosevelt, qui vient d’être réélu pour un quatrième mandat, demande au Nouvel État de rendre l’or acquis par ses transactions avec l’Allemagne, ce à quoi le Dr. Salazar oppose un non catégorique.

Toujours durant le conflit et bien que déclaré neutre, le Président du Conseil octroie de plus en plus d’aide aux Alliés, sentant que le vent est en train de tourner en faveur de la puissante coalition anglo-saxonne. Ainsi dès 1943, offre-t-il à l’Amérique du Nord la possibilité d’établir une base navale aux Açores. Finalement, l’Allemagne capitule deux ans plus tard et Salazar, apprenant le suicide de Hitler, ordonne de mettre en berne les drapeaux du Portugal pendant une journée : singulier hommage envers un individu qui, jamais, ne camoufla son projet d’envahir les territoires lusitaniens.

Maux de l’ordre bipolaire

En août 1945, le Japon capitule : non content d’avoir causé 50 millions de victimes, le conflit aura également projeté sur la scène mondiale deux nouveaux géants que sont les États-Unis et le bloc de l’Est. Face à ces deux superpuissances qui, chacune, affirment leur identité par le biais de leur idéologie économique, force est de constater que la diplomatie du globe traverse une phase de transition : ainsi, avec l’abandon de l’Inde dès 1947, puis avec le lâchage de l’Afrique du Nord et de l’Asie du sud-est ainsi que la défaite politico-militaire de l’expédition de Suez, se confirme la fin du système international européen au profit du système multicivilisationnel post-européen. L’Amérique du Nord s’est substituée à l’Empire britannique comme proue de la civilisation occidentale et l’URSS, inspirée par son esprit anti-impérialiste, bataille à l’ONU dans le but de rompre le cou aux quelques puissances coloniales restantes.
Mais le dirigeant portugais résiste à la pression et demeure ferme sur le sujet ; ainsi lorsqu’en février 1961 le MPLA, Mouvement Populaire de Libération de l’Angola, déclare sa toute première offensive contre les forces militaires allochtones, assassinant femmes et enfants, Salazar déclare : « Tous en force en Angola ! » Un corps expéditionnaire y est envoyé.
Conscient de l’enjeu, le Président du Conseil sait désormais qu’à l’image des combats antérieurs menés par la France, ses propres guerres d’Afrique viennent de débuter. António Salazar sait toutefois aussi qu’en résistant au changement général qui s’opère, le Portugal finira encore plus isolé. Son pays maintient de lui-même ses relations extérieures : le slogan officiel du régime, « Fièrement seuls », fut ainsi plutôt destiné à un usage exclusivement interne puisque seul Salazar, volontairement sans foyer familial, s’était enfermé dans la solitude du pouvoir. Progressivement accepté par les nations occidentales, le Portugal fut membre de l’OCDE, de l’AELE, de la Banque Mondiale, du FMI, ainsi que de l’ONU et de toutes ses agences où le dictateur portugais, par ailleurs quelquefois présent comme représentant de sa Patrie, contre-attaquait aux multiples discours et résolutions condamnant sa politique coloniale.

Fin du Portugal salazariste

Salazar, superstitieux, avait contracté l’habitude de se faire préparer une carte du ciel astrologique pour l’année en cours par un amour d’enfance, une très belle femme rousse s’appelant Felismina et avec laquelle il était resté en contact. Mais la carte du ciel pour l’année 1968 s’avère bien mauvaise : la concordance des planètes annonce, en effet, un bouleversement du régime. Inquiet, il se décide durant les mois chauds de l’année, à profiter du soleil surplombant Lisbonne : s’allongeant un instant sur une chaise longue, placée sur son balcon, la toile se déchire soudainement. Le crâne de Salazar heurte le sol. Une grave attaque cérébrale le frappe et, devenu incapable de gérer le pays, le Président de la République Américo Tomás se résout malgré sa réticence, à le remplacer par le professeur Marcello Caetano, un fidèle du régime ayant rédigé la Constitution de la dictature. Ignorant son remplacement par la peur qu’ont ses compagnons à l’égard de la réaction qu’il serait susceptible d’avoir à l’annonce de la nouvelle, Salazar continue ses habitudes quotidiennes jusqu’à sa mort, le 27 juillet 1970 à Lisbonne, sans savoir que les ordres qu’il continue à donner, ne sont plus suivis.

C’est toutefois un pays éreinté par les guerres coloniales et en proie à la stagnation économique, que le Pr. Salazar lègue comme héritage à son successeur. Ce dernier, poussé par de grondantes révoltes populaires, fixe quelques réformes plus symboliques qu’efficientes et en 1974, l’armée noyautée par une minorité de jeunes officiers communistes, décide du sort de la Nation : ses commandants marchent sur Lisbonne et le peuple, encouragé par cette rébellion militaire, appuie les putschistes. Caetano s’enfuie du Portugal et avec lui meurt le régime dictatorial d’António Salazar. Un système démocratique est réinstauré et par voie de conséquence, la place de l’État portugais au sein du concert des démocraties occidentales. Quant au voisin espagnol, il faut attendre la mort du général Franco en 1975 pour que Juan Carlos, devenu Roi, puisse établir de manière progressive une monarchie parlementaire avec l’aide d’Adolfo Suarez.

Avant 1968 et l’éloignement définitif de Salazar du pouvoir politique, le Portugal ne connaissait pas de scandale de corruption à grande échelle : sur ce point-là, il fut un homme intraitable. Quand éclate en 1974 la Révolution des Oeillets, la démocratie naissante tente de divulguer au grand jour les hypothétiques scandales qu’elle suppose avoir été camouflés par le régime salazariste. Après d’intensives recherches au sein des archives portugaises, aucun n’est cependant trouvé. Ce professeur, taciturne pour ses connaissances et sévère pour la Patrie, demeura fermé quant à toute éventualité de changement de son régime : convaincu que la démocratie entraînait des changements d’hommes et donc des changements de politique empêchant tout pays de se doter d’une politique de long terme, Salazar exerça une dictature que l’historien monarchiste Jacques Bainville jugeait comme la meilleure du monde moderne. Certes n’était-il ni un libéral, ni un démocrate, mais, faute d’un caractère pudique et secret, n’exerça pas de culte de personnalité ou de défilés militaires grandioses. Ni souci de légitimité ni totalitarisme revendiqué ne le poussèrent à exercer sur la nation dont Oscar Carmona lui avait confié la charge en 1932, plus d’autorité que le besoin ne lui en imposait. Jamais l’intention de créer quelque Homme Nouveau ne s’était jamais dessiné en son esprit et cela, sans doute, suffit à éloigner le Dr. Salazar des totalitarismes du XXe siècle incarnés par les figures du Führer germanique, du Duce italien ou du Vöjd soviétique, qui conjuguèrent leurs efforts à anéantir les fondements de la vieille civilisation occidentale.


Bibliographie :
DUCRET Diane, Femmes de dictateur, Éditions Perrin, 2011.
LÉONARD Yves, Salazarisme et Fascisme, Éditions Chandeigne, 1996.
MEGEVAND Louis, le vrai Salazar, Nouvelles Éditions Latines, 1958.
RUDEL Christian, le Portugal et Salazar, Éditions Ouvrières, 1968.
SALAZAR Antonio, Principes d’Action, Éditions Arthème Fayard, 1956.

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