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L'Histoire de France, de l'Europe & du Monde

Le terme de nationalité fait son apparition dans le premier tiers du XIXe siècle et marque une prise de conscience des peuples du début de l’époque contemporaine. Mais c’est surtout vers 1830 qu’il se répand avec le sens suivant : « condition d’une agglomération d’hommes formant en fait, ou aspirant à former, en vertu d’origines, de traditions et d’intérêts communs, une nation distincte des autres » (Dictionnaire de l’Académie).
Au lendemain des traités de 1815 qui redistribuent les territoires et les peuples de l’Europe aux mains des vainqueurs de Napoléon, nombre de nations se retrouvent sans Etat : elles se trouvent soit englobées dans des Etats multinationaux (l’empire d’Autriche ou la Russie) soit au contraire partagées entre divers Etats (l’Allemagne ou l’Italie). Or, le principe des nationalités stipule que l’Etat doit coïncider avec la nation. Le mouvement des nationalismes au XIXe siècle aura justement pour but de mettre en application ce principe.

L’idée nationale

Les origines du nationalisme

Le mouvement national a deux sources principales et distinctes. La première, c’est la Révolution française qui véhiculait l’idée du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Cette idée, la Révolution puis et surtout l’Empire napoléonien l’ont propagée partout en Europe par la force des armes. Par la suite, le sentiment national s’est érigé en réaction à l’Empire (dans les pays autres que la France). Les patriotismes allemands, espagnols et italiens étaient caractérisés par un sentiment anti-français et contre-révolutionnaire.

L’autre origine du sentiment national se trouve dans la redécouverte du passé. Ce mouvement du romantisme naissant se caractérise par la volonté de rechercher les racines profondes spirituelles, intellectuelles d’un peuple.
Cette prise de conscience repose sur plusieurs éléments :

  • Les langues : développement de la philologie, c’est-à-dire l’étude de la langue, recherche de standardisation.
  • Les traditions populaires : chants, contes, danses (ainsi, en Catalogne, on remet aux goûts du jour une vieille tradition médiévale : les Jeux floraux, joutes de poésie improvisée).
  • L’Histoire : les premières histoires nationales sont écrites et deviennent un élément de combat. Il se pose le problème des nations historiques sans territoire comme les Polonais.
  • La religion lorsque la puissance dominante pratique une autre religion que celle de la minorité nationale soumise (exemple des Grecs, Bulgares, Roumains dans l’Empire ottoman).

Cette deuxième source du mouvement national se trouve partout où dominent encore les forces de l’Ancien Régime, c’est-à-dire en Europe centrale, orientale et méditerranéenne. Elle est particulièrement influente en Allemagne.

Deux conceptions de la nation

Deux conceptions de la nation s’opposent : les conceptions subjective et objective. La première se retrouve surtout dans les pays ayant connu l’influence de la Révolution française et de l’Empire. Sans mettre à l’écart l’aspect ethnique, la religion, la culture, l’histoire, elle considère ces facteurs « objectifs » ni suffisants ni nécessaires à la formation d’une nation. Une nation peut être pluriconfessionnelle, multilingue (Suisse, Belgique) et riche de folklores locaux : son existence dépend avant tout de la volonté des individus qui la composent de vivre ensemble. A l’inverse, la conception « objective », prépondérante dans les pays germaniques, présente la nation comme un organisme vivant dont la langue, la religion, les traditions forment le socle.

Insurrections et révolutions en Europe

De la révolution de 1830 …

Etabli par le congrès de Vienne, l’ordre européen de 1815 (le système de Metternich) ne va pas tarder à être ébranlé par les aspirations nationales et libérales des peuples européens, héritage de la Révolution.
L’insurrection grecque de 1820 contre l’Empire Ottoman, associé à la puissance du mouvement philhellénique et aux intérêts de la Russie, de l’Angleterre de la France, va déboucher en 1830 sur l’indépendance de la Grèce, première brèche aux traités de 1815 et à l’esprit de la Sainte-Alliance.

En France, la révolution de 1830 marque la chute de la dynastie légitime restaurée en 1815. Ramenée en France par les armées étrangères après la chute de Napoléon, la dynastie des Bourbons était devenue le symbole de la défaite. Louis XVIII s’est trouvé débordé par les plus zélés de ses partisans : les ultras (Chambre introuvable, Terreur blanche) et Charles X est apparu très vite comme le symbole d’un courant rétrograde (loi du milliard des émigrés, renforcement de l’influence du clergé,…).

Ailleurs en Europe, la Belgique se soulève contre le souverain des Pays-Bas, les Polonais se révoltent contre les Russes, des mouvements d’agitation apparaissent en Allemagne et en Italie.
Si l’idée nationale est victorieuse dans les pays de l’Europe de l’Ouest (la Belgique acquiert son indépendance, les idées nationales et libérales triomphent en France et en Angleterre, une monarchie libérale est installée au Portugal), la réaction l’emporte dans les empires centraux : les révolutions allemandes, italiennes, la répression en Pologne s’achèvent par la victoire de la réaction.

… au Printemps des Peuples (1848)

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Combats de barricade sur Alexanderplatz dans la nuit du 18 au 19 mars 1848 (Berlin), 1848.

Les assauts contre l’Europe du Congrès de Vienne qui avaient échoué en 1830 paraissent devoir l’emporter en 1848.
A l’origine de la vague révolutionnaire se trouve une crise économique mixte, composée d’une crise classique d’Ancien Régime et d’une crise nouvelle, associant la pénurie des denrées alimentaires (récoltes catastrophiques de 1845, 1846) à une surproduction industrielle. En Irlande, la maladie de la pomme de terre entraîne une véritable famine qui fait un demi-million de morts et pousse au moins un million de personnes à l’émigration.

En France, l’avènement en 1830 de Louis-Philippe, « roi bourgeois » avait satisfait la bourgeoisie d’affaires. Mais le régime prend une tournure conservatrice, et la révolution de 1848 laisse sa place à la Seconde République, marquant ainsi l’échec du système monarchique.

La carte de l’Europe du Congrès de Vienne a fait de l’Autriche la grande puissance de l’Europe centrale et a placé l’Italie sous sa domination. Symbole de l’absolutisme, l’empire d’Autriche, dont Metternich est le théoricien et le défenseur, est resté figé dans des structures d’Ancien Régime. Dans ce grand empire, les minorités ethniques (Tchèques de Bohême, Polonais de Galicie, Serbes du Danube, Roumains de Transylvanie, Italiens du Trentin et du Trieste, …) supportent mal leur domination. Suite à des manifestations à Vienne qui se transforment en émeutes, et à des heurts avec la troupe, Metternich est conduit à la démission. Le vieil homme (75 ans), quitte le pouvoir et s’enfuit dans une voiture de blanchisseuse.

L’insurrection parisienne et l’abdication de Louis-Philippe déclenchent en Allemagne un mouvement national. Les mouvements révolutionnaires partis du Sud et qui entraînent la démission du roi de Bavière (Louis Ier) ainsi que l’établissement de libertés politiques en Saxe, au Wutenberg, en Hesse-Nassau, gagnent le Nord (Francfort, Hambourg, Brême, la Prusse). Ce puissant mouvement aboutit à la convocation, à Francfort, d’un Parlement constituant qui doit jeter les bases d’un Etat allemand.

En Italie, la plupart des souverains accordent aussi des Constitutions (Constitution de Ferdinand II le 10 février 1848, le 14 mars celle de Pie IX, …), et le mouvement national conduit à une révolte contre l’Autriche.

Mais l’écrasement par l’armée autrichienne du mouvement tchèque, de la Révolution viennoise, puis avec les Russes, de l’insurrection hongroise, marque la fin du Printemps des Peuples. Les Italiens, vaincus, signent la paix. Les constitutions allemandes sont annulées et le Parlement de Francfort dissout. Le roi de Prusse, sous la pression autrichienne, doit renoncer à unifier l’Allemagne.

Les unités allemande et italienne

L’Allemagne

La Prusse, scindée en deux, principale puissance économique, va être le guide de l’unification. Déjà, de 1834 à 1851, la Prusse avait réussi à réunir différents Etats allemands dans une union douanière : le Zollverein, jouant un rôle important dans la cohésion allemande, permettant aux marchandises, aux idées et aux personnes de circuler plus facilement. Un fort patriotisme se retrouve chez les élites. Des philosophes tels que Fichte ou Herder animent le sentiment national allemand.
En 1862, le roi de Prusse, Guillaume Ier, nomme Otto von Bismarck au poste de chancelier. Celui va prendre en main la réalisation de l’unité allemande autour de la Prusse, par « le fer et le sang ». Diplomate de talent, il va réunir derrière lui tous les Etats allemands à la suite de trois conflits. En 1865, il s’allie à l’Autriche pour vaincre le Danemark, puis, en 1866, s’assurant de la neutralité de l’Europe, il écrase l’Autriche à la bataille de Sadowa. Bismarck en profite pour annexer les petits Etats allemands situés entre les deux parties de la Prusse. Ainsi est créée la Confédération d’Allemagne du Nord en 1867 qui est dirigée par le roi de Prusse. D’autre part, Bismarck signe des pactes défensifs avec les Etats allemands du Sud. Inquiet de la puissance militaire de la Prusse, et à la suite à la « dépêche d’Ems » rédigée de façon humiliante pour la France par Bismarck, le gouvernement de Napoléon III déclare la guerre à la Prusse. La France est écrasée dès l’été 1870 et c’est à Versailles, en janvier 1871, que Guillaume Ier est proclamé par tous les princes allemands empereur d’Allemagne. L’Allemagne unifiée devient rapidement la première puissance du continent.

L’Italie

Le sentiment national italien a été très fortement stimulé par la Révolution française et l’Empire, l’Italie ayant été très ouverte aux idées révolutionnaires.
Après 1848, la plupart des Etats italiens sont sous la dépendance ou l’influence de l’Autriche. Le moteur de l’unification italienne va être le royaume de Piemont-Sardaigne avec à sa tête le roi Victor-Emmanuel II. Son ministre Cavour entame une politique de rapprochement avec la France de Napoléon III, favorable à la cause italienne. Ce rapprochement, concrétisé par une alliance, aboutit à l’intervention militaire de la France en Italie contre l’Autriche (1859), aux côtés du royaume de Piémont-Sardaigne. Après les victoires de Magenta et Solférino, le royaume de Piémont-Sardaigne intègre le territoire de Lombardie, la France récupérant en échange le comté de Nice et la Savoie.
Les patriotes italiens se soulèvent dans les duchés de Parme, Modène, Toscane et en Romagne, obtenant leur rattachement au Piémont-Sardaigne. En 1860, Garibaldi, un républicain soutenu en secret par Cavour, s’empare du Royaume des Deux Siciles avec mille volontaires (« l’expédition des mille »). Sous prétexte d’arrêter Garibaldi qui risque d’occuper Rome et de s’emparer du pouvoir, l’armée piémontaise occupe la Marche et l’Ombrie, prise au pape. En mars 1861, le roi de Piémont-Sardaigne, Victor-Emmanuel, devient roi d’Italie. La Vénétie (1866) et les Etats du pape (1870) sont rattachés à l’Italie suite à une nouvelle guerre contre l’Autriche. En 1870, l’Italie est unifiée.

Bibliographie :
ANCEAU Eric, Introduction au XIXème siècle. Tome 1 : 1815 à 1870, Paris, Belin, 2003.
ANCEAU Eric. Introduction au XIXème siècle. Tome 2 : 1870 à 1914, Paris, Belin, 2005.
BERSTEIN Serge, MILZA Pierre, Nationalismes et concert européen. 1815-1919, tome 4, Paris, Hatier, 1996.

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