Philisto

L'Histoire de France, de l'Europe & du Monde

La défaite de Napoléon en 1815 marque la fin d’une tentative d’unification impérialiste de l’Europe mais constitue une date majeure de l’Histoire, marquant l’entrée dans l’ère contemporaine. Ce siècle va être marqué par le triomphe du libéralisme (politique et économique) mais aussi le triomphe des nationalismes, réveillés par l’Empire napoléonien.
L’oeuvre du Congrès de Vienne en 1815 constitue une tentative de retour à l’équilibre européen et d’une manière générale au XVIIIe siècle, négligeant les aspirations nationales et libérales. De ce fait, l’ordre de la Sainte-Alliance va être contesté dans les décennies à venir.

Restauration monarchique et réaction

L’effondrement de l’empire napoléonien

L’Empire de Napoléon atteint son apogée en 1811. Le territoire national français comporte alors 130 départements. Différents territoires sont confiés aux membres de la famille napoléonienne : ainsi Jérôme Bonaparte est roi de Westphalie en 1807, le royaume d’Italie est administré par Eugène de Beauharnais, beau-fils de Napoléon, etc. On peut alors dire que Napoléon contrôle l’Europe.
Mais les soulèvements espagnols aboutissent au retrait d’Espagne en 1812 puis la campagne contre la Russie la même année se révèle être un fiasco total. La Grande Armée, qui maintenait l’empire, est en bonne partie décimée. La bataille de Leipzig de 1813 (dite « bataille des nations ») puis la campagne de France de 1814 aboutissent à l’abdication de l’empereur le 6 avril 1814, qui est exilé sur l’île d’Elbe.
Le retour de Napoléon durant les Cent-Jours marque un dernier sursaut de l’Empire mais la défaite de Waterloo (18 juin 1815) y met définitivement un terme. Napoléon est cette fois déporté à l’île de Sainte-Hélène où il finit ses jours, en 1821.

La « révolution conservatrice » du Congrès de Vienne

Au lendemain de la défaite de Napoléon, les vainqueurs réunissent le congrès de Vienne pour redessiner la carte de l’Europe. Le but du congrès est d’ordre politique et idéologique : il s’agit de revenir à un équilibre européen, de rendre la souveraineté aux anciennes familles régnantes (Louis XVIII en France, Ferdinand VII en Espagne,…), d’effacer un quart de siècle de bouleversements révolutionnaires. L’objectif implicite est de ressusciter l’Europe du XVIIIe siècle.

La victoire sur Napoléon marque l’heure des réjouissances, plusieurs milliers de personnes affluent de toute l’Europe dans la capitale des Habsbourg : de grandes fêtes sont organisées, des bals masqués, des dîners, des chasses géantes… que les Cent-Jours ne troublent qu’à peine.

Sont notamment présents au Congrès de Vienne : le prince de Metternich, chancelier autrichien ; Alexandre Ier, tsar russe ; Nesselrode, ministre russe ; Wellington, général anglais ; Castlereagh, ministre des affaires étrangères britannique ; Talleyrand, représentant de la France ; Friedrich Wilhelm III: roi de Prusse. Le rôle principal est tenu par le britannique Castlereagh : celui-ci fait entendre la voix de l’Angleterre, qui, davantage intéressée par des avantages commerciaux et coloniaux, n’attend aucun accroissement territorial mais seulement l’établissement d’un équilibre européen.
Le prince de Metternich, monarchiste pur et dur, exècre la Révolution et souhaite rétablir une Europe étroitement conservatrice. Il va donner son nom au système européen qui va perdurer jusqu’en 1848. Il poursuit le même but que Castlereagh, c’est-à-dire la recherche d’un équilibre européen.

Le prince de Metternich et Castlereagh s’opposent au tsar Alexandre Ier, élevé dans la pensée libérale, qui souhaite une fédération des Etats européens dont il prendrait la tête (n’a-t’il pas été, après tout, le principal artisan de la défaite napoléonienne ?). Cette idée d’Europe unie inquiète très fortement les Anglais et les Autrichiens qui s’alarment aussi de l’intérêt important qu’éprouve le tsar à l’égard du « vieil homme malade de l’Europe » que devient l’Empire ottoman. L’Autriche ne souhaite en effet pas être concurrencée par la Russie dans les Balkans et les Anglais redoutent que les Russes atteignent la mer Méditerranée.

A côté de ces trois personnages, les autres participants au Congrès de Vienne font pâle figure, même si l’habile Talleyrand, se faisant le porte-parole des petits Etats, parvient à faire oublier que la France est la puissance qui a été vaincue, évitant qu’elle soit ramenée à un rang secondaire.
Finalement, ce sont les Anglais et les Autrichiens qui s’imposent, et c’est sur cette base qu’est redécoupée l’Europe.

Le redécoupage de l’Europe

L’Angleterre est la plus habile et obtient des points d’appui ou des bases navales : l’îlot d’Héligoland au large du Danemark, Malte en Méditerranée, et les îles Ioniennes, qui permettent, ajoutés à Gibraltar, possession anglaise depuis un siècle, aux Britanniques de dominer la mer. Elle obtient aussi la constitution des Pays-Bas, rassemblant en un unique royaume la Belgique et de la Hollande, ce qui a pour but d’empêcher les français toute entreprise vers la côte flamande et Anvers.

La Russie est l’Etat qui connaît l’accroissement territorial le plus important : les deux tiers de la Pologne, l’acquisition de la Finlande au Nord et celle de la Bessarabie. La Prusse reçoit la Poméranie suédoise et la plus grande partie de la Rhénanie. L’Autriche reçoit, outre les provinces Illyriennes, la plus grande partie de l’Italie du Nord qui forme le royaume Lombard-vénitien ce qui la fait passer d’une puissance centrale à une puissance ouverte à la mer (Adriatique).

La France, grande perdante de la guerre, est amoindrie sans être démembrée. Elle est en grande partie ramenée à ses frontières de 1789. Elle perd aussi une partie de ses colonies, est obligée de payer un lourd tribu et doit rendre les œuvres volées pendant les campagnes. Les vainqueurs se méfient de la France où l’on sent encore couver le feu révolutionnaire et mettent en place une série d’Etats-tampons pour bloquer son expansion : les Pays-Bas, la Rhénanie prussienne, la Confédération suisse, le Royaume de Savoie.

Enfin, le redécoupage fait des mécontents, principalement les Polonais à qui Napoléon avait redonné un territoire sous le nom de Grand Duché de Varsovie et qui se retrouvent partagés entre les Etats prussiens, russes et autrichiens, mais aussi les Belges soumis à un prince étranger, les Italiens qui désespèrent de voir leur pays morcelé en sept Etats ou les Allemands répartis sur trente-neuf royaumes et principautés. En ignorant les aspirations nationales que la Révolution avait fait naître, les leaders du Congrès de Vienne se sont condamnés à ne pouvoir maintenir leur oeuvre que par une politique de force. La « Sainte-Alliance », réunissant la Russie, la Prusse et l’Autriche en septembre 1815 (puis la Grande-Bretagne en novembre), est scellée pour répondre aux dangers des mouvements nationaux et libéraux européens. Une alliance automatique est prévue dans le cas où un Bonaparte monterait à nouveau sur le trône de France et une consultation doit se tenir si une révolution embrasait à nouveau la France.

L’héritage révolutionnaire et impérial

Les idées révolutionnaires

Sous l’influence des Girondins à l’Assemblée nationale, les idées de la Révolution sont exportées dans les pays européens. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est une de ces grandes idées de la Révolution qui s’est répandue dans l’ensemble de l’Europe et change la façon de penser sur le continent.

Les idées démocratiques gagnent toute l’Europe par le biais des conquêtes de Napoléon, mais aussi l’administration à la française ou l’abolition du servage. L’esprit des Lumières influence certains despotes européens. Le système français est copié partout, même les écoles (comme Polytechnique), les archives et les bibliothèques nationales.

Le système métrique (mètre et kilo), adopté par le gouvernement révolutionnaire, révolutionne l’Europe, facilitant les échanges. Le Code Civil, dit « Code Napoléon », est conservé même après la chute de l’Empire napoléonien, disparaissant juste en partie le temps de la Restauration.

Malgré l’image despotique de Napoléon, ses conquêtes étant vécues par les européens comme une volonté d’hégémonie sur le continent, l’image de la France auprès des Européens reste celle du pays de la liberté.

Les évolutions sociales

En 1815, une frange de la population française s’étant enrichie durant l’Empire grâce aux apports de la Révolution (nouvelle bourgeoisie) se sent menacée. La Révolution a en effet facilité l’essor économique avec la création d’une monnaie unique (le Franc germinal) et la fin des corporations (facilitation de la concurrence). Le Premier Empire a aussi mis en place une nouvelle hiérarchie sociale basée non plus sur la naissance mais sur le mérite et les services rendus à l’Etat, dans l’administration et l’armée.

A côté de la bourgeoisie, les paysans ont vu leurs conditions de vie s’améliorer : fin des privilèges, fin du servage, des banalités, des impôts seigneuriaux. Les sans-culottes sont cependant les plus attachés aux idées de la Révolution et de l’Empire et entretiennent le souvenir de Bonaparte.

Le cas français : Louis XVIII et la Charte de 1814

En 1814, les armées étrangères occupent le pays. Les souverains européens se rallient à la restauration des Bourbons. Louis XVIII, en exil depuis 1791 se proclame le 2 Mai 1814 à Saint-Ouen « Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre » et de sa propre autorité, promet d’établir une constitution libérale.

Louis XVIII, en 1814, cherche à obtenir un compromis avec le peuple, resté attaché aux principes de la Révolution, avec la Charte promulguée le 4 Juin. L’égalité devant la loi, la liberté, la propriété, l’indépendance des tribunaux et la liberté de la presse sont reconnues. Le roi dispose seul du pouvoir exécutif et possède une partie du pouvoir législatif. Deux Chambres sont prévues : la Chambre des pairs, nommés par le roi à vie; et la Chambre des députés élus pour cinq ans avec renouvellement d’un cinquième tous les ans.

Le suffrage est censitaire, c’est-à-dire que les électeurs doivent payer un cens minimum de 300 F d’impôts directs et être âgés de 30 ans. Pour être éligible, il faut être âgé de 40 ans et payer un cens de 1000 F. La France compte donc environ 110 000 électeurs et 16 000 éligibles.

Mais il ne s’agit tout de même pas d’un régime parlementaire, car il n’y a pas de suffrage universel et pas de responsabilité pour les élus. Le roi peut aussi renvoyer à sa guise le chef du gouvernement. Il le nomme ainsi que ses ministres. Il a aussi un droit d’ordonnance, c’est-à-dire qu’il peut prendre des décisions urgentes sans en référer au Parlement. Le seul pouvoir des députés est de proposer le budget et de donner un avis sur la politique du roi.

Bibliographie :
ANCEAU Eric, Introduction au XIXème siècle. Tome 1 : 1815 à 1870, Paris, Belin, 2003.
BARJOT Dominique, CHALINE Jean-Pierre, ENCREVÉ André, La France au XIXe siècle. 1814-1914, Paris, PUF, 2008.
BERSTEIN Serge, MILZA Pierre, Nationalismes et concert européen. 1815-1919, tome 4, Paris, Hatier, 1996.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *