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L'Histoire de France, de l'Europe & du Monde

Couronné empereur des Français en 1804, Napoléon Bonaparte est alors en guerre contre l’Angleterre depuis 1803, guerre qui ne cessera qu’en 1815 avec la chute de l’Empire. Une série de campagnes victorieuses contre les grandes puissances européennes va permettre à l’empereur de dominer l’Europe et d’y imposer sa loi (comme le blocus continental contre l’Angleterre). Napoléon Ier modernise le continent européen à partir de l’expérience française, alors que que le régime napoléonien, oubliant les principes révolutionnaires, prend une tournure de plus en plus monarchique. Dans le même temps se produit, en réaction et grâce à la domination française, un éveil des nationalismes dirigé contre l’Empire. Après l’échec de 1812 en Russie, les mouvements nationaux vont transformer les défaites de Napoléon en déroute et conduire à l’effondrement de l’Europe napoléonienne.

Le temps des victoires

Les grandes campagnes victorieuses

Suite des guerres de la Révolution, les guerres napoléoniennes prolongent le territoire français bien au-delà des frontières « naturelles ». Dès le printemps 1803, la France se prépare à la reprise de la guerre contre l’Angleterre. Celle-ci s’allie alors avec la Russie, l’Autriche et la Suède, formant la troisième coalition. La défaite navale française de Trafalgar (1805) met fin au projet napoléonien d’invasion de l’Angleterre. Napoléon se tourne alors vers le continent. Le 2 décembre 1805, un an jour pour jour après le couronnement impérial, a lieu à Austerlitz la bataille dite « des Trois Empereurs » où Napoléon taille en pièces les armées réunies des empereurs François II et Alexandre Ier. L’Autriche doit alors accepter la paix de Presbourg. La victoire française aboutit à une nouvelle réorganisation de l’Europe : l’Autriche est chassée d’Italie et en 1806, la Confédération du Rhin, dont Napoléon est le protecteur, se substitue au Saint Empire.

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François Pascal Simon Gérard, La bataille d’Austerlitz (1810).

La constitution de la Confédération du Rhin provoque une réaction de la Prusse, inquiète de l’attitude française en Allemagne. Elle envoie un ultimatum à la France auquel Napoléon réplique en menant une guerre éclair qui conduit aux victoires d’Iéna et d’Auerstädt (1806). A l’exception de la Prusse orientale, c’est tout le royaume de Frédéric-Guillaume III qui tombe entre les mains de Napoléon. La Prusse poursuit la guerre avec l’aide de la Russie. Après l’incertaine mais sanglante bataille d’Eylau (1807) contre les troupes russes et prussiennes, les Français entrent en Pologne et remportent l’incontestable victoire de Friedland (1807). Alexandre Ier, d’ailleurs brouillé avec ses alliés, décide alors de traiter avec Napoléon et signe la paix avec lui à Tilsitt. Si la Russie doit faire des concessions minimes, le traité est nettement plus sévère avec la Prusse qui perd ses territoires occidentaux qui constitueront un royaume de Westphalie pour Jérôme et ses territoires polonais qui forment le grand-duché de Varsovie, soumis à la France.

Napoléon se tourne ensuite vers l’Espagne où règne le Bourbon Charles IV. En 1807, le général Junot traverse l’Espagne en accord avec Charles IV pour chasser les Anglais du Portugal. A ce moment là l’infant Ferdinand chasse son père Charles du trône et devient roi sous le nom de Ferdinand VII. Le roi déchu en appelle à l’empereur des Français. Se posant en arbitre de l’Europe, et après avoir appris une insurrection à Madrid contre les Français le 2 mai 1808, Napoléon règle la question du trône d’Espagne en y plaçant son frère Joseph. Une guerre civile éclate alors en Espagne, qui va user jusqu’en 1814 les forces de l’Empire.

Le 12 avril 1809, l’empereur d’Autriche, avec le soutien de l’Angleterre, déclare la guerre à la France. Les Français prennent de nouveau Vienne et écrasent l’armée de l’archiduc Charles à Wagram (1809). La paix de Vienne agrandit encore le territoire français en y rajoutant les provinces Illyriennes.

Le blocus continental et ses conséquences

Le blocus continental est instauré par les décrets de Berlin (1806) et de Milan (1807), constituant une arme de guerre contre l’Angleterre qui tient les mers depuis la cuisante défaite française de Trafalgar (1805). Il s’agit d’empêcher à tout navire britannique de mouiller dans les ports de l’Empire ou de ses alliés et à tout navire neutre de se rendre dans les ports anglais.

Le blocus montre vite ses limites :

  • L’empereur est conduit à assouplir son application pour éviter que la France ne soit totalement privée de produits coloniaux et que les productions agricoles ou manufacturières nationales ne voient leurs débouchés fermés.
  • La contrebande et l’impossibilité de verrouiller l’ensemble du littoral européen créent de nombreuses brèches dans le blocus.

Le blocus continental aboutit à la réorganisation du marché européen autour de la France. Les grands ports du continent tels Rouen, Nantes, Bordeaux, Gênes ou Livourne se trouvent ruinés. La production agricole, en particulier celle de la Prusse et de la Pologne, voient la fermeture de leur débouché traditionnel : l’Angleterre. Les victimes du blocus rejoignent l’opposition à Napoléon.
Au contraire, l’industrie naissante, isolée de la concurrence d’une industrie britannique bien plus performante, est la grande gagnante du blocus. Le textile et la métallurgie connaissent un essor considérable.
Aussi, Napoléon souhaite réorganiser l’économie européenne autour de la France et dans l’intérêt de celle-ci, ce qui dresse des opposants à l’impérialisme français.

Cependant, les victimes du blocus continental ne sont qu’une minorité et de nouveaux équilibres économiques se mettent peu à peu en place. Le système économique mis en place par Napoléon, s’il perturbe les anciens circuits, ne conduit pas le continent à l’effondrement.

L’Europe napoléonienne à son apogée

Le Grand Empire

L’Empire napoléonien se fonde d’abord sur l’extension du territoire français bien au-delà de ses frontières « naturelles ». Outre la Belgique déjà rattachée pendant la Révolution, peu à peu des parties de l’Allemagne et de l’Italie, de la Hollande sont intégrées à l’Empire. Directement ou indirectement, Napoléon est maître de plus de la moitié du continent. La France de 1811 comprend 130 départements et s’étend sur 750.000 km2.

En dehors même des limites de la France, Napoléon est également roi d’Italie ; dans les Etats où les anciens souverains ont été chassés, ce sont des membres de la famille Bonaparte qui sont installés sur le trône. Ainsi, Jérôme Bonaparte règne sur le royaume de Westphalie à partir de 1807, Louis Bonaparte est roi de Hollande jusqu’en 1810, le maréchal Murat, beau-frère de l’empereur est roi de Naples sous le nom de Joachim-Napoléon à partir de 1808, Elisa Bonaparte devient grande-duchesse de Toscane puis reine d’Etrurie. Là où les dynasties traditionnelles restent en place (comme pour les princes de la Confédération du Rhin qui rassemble 36 Etats), elles sont tenues d’une fidélité à toute épreuve envers l’empereur.
Le grand-duché de Varsovie, confié au roi de Saxe Frédéric-Auguste, petit-fils du roi de Pologne Auguste III représente un cas plus original. Une véritable adhésion des patriotes polonais s’y fait jouir, qui voient en la France de Napoléon une libératrice.

Dans le même temps, l’aspect monarchique du pouvoir s’accentue avec le second mariage de Napoléon avec l’archiduchesse Marie-Louise d’Autriche en 1810 et la naissance en 1811 d’un héritier, le roi de Rome. Si la « Grande nation » apparaît toujours comme la pionnière de la modernité, le règne de Napoléon dérive vers un despotisme éclairé. Les concessions faites à l’héritage de la Révolution au début du Consulat sont progressivement remises en cause. Au service du despotisme, Napoléon peut compter sur une puissante police qui surveille tout et n’hésite pas à recourir à la détention arbitraire. La liberté individuelle, bien que garantie par la Constitution, est violée. La liberté de la presse est également confisquée.

La France impériale de 1811 rappelle donc plus la monarchie absolue que la pratique des assemblées révolutionnaires. Napoléon est devenu un despote éclairé, aspirant à devenir le souverain de l’Europe dont il entreprend par ailleurs la modernisation.

La modernisation de l’Europe

Napoléon entreprend la rationalisation de l’administration des divers Etats européens du système continental. Il souhaite supprimer les corps intermédiaires entre son pouvoir et ses sujets, le désir d’efficacité primant sur l’amour des innovations de la Révolution française.

Fortement influencé par l’esprit universaliste du siècle des Lumières, Napoléon pense que tous les hommes sont semblables en tous temps et en tous lieux. Ainsi, ce qui est bon pour les Français peut être applicable à tous les peuples européens. Il impose donc partout les réformes révolutionnaires retenues par le Consulat et consignées dans le Code civil : dans la Confédération du Rhin, en Hollande, en Westphalie, au Portugal, en Espagne et surtout en Italie, pays où l’influence de la modernisation française a été la plus forte. Partout est instaurée l’égalité civile, la liberté religieuse, la suppression des corporations, l’abolition de la dîme et des droits féodaux, la vente des biens ecclésiastiques et le développement d’administrations modernes.
Des résistances se dressent face à cette volonté d’uniformisation. L’empereur, bien que fortement agacé par ces résistances, décide d’en tenir compte. Ainsi, par exemple dans le royaume de Naples, le Code civil n’est introduit que partiellement et la noblesse et le clergé gardent une place à l’assemblée.

L’effondrement de l’Empire

L’éveil des nationalismes

Depuis la fin du Moyen Âge, un sentiment d’appartenance à une communauté spécifique ou à une dynastie a germé dans l’ensemble des pays d’Europe, formant les prémices des nationalismes. L’idée du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes issue de la Révolution et propagée en Europe par la force des armes va bouleverser l’Europe et se retourner contre les conquérants français. Le mouvement des nationalismes va jouer un rôle essentiel dans la chute de l’Empire napoléonien, la domination française étant vécue comme la tentative hégémonique d’une nation de subordonner le continent tout entier. Un patriotisme anti-français apparaît et se développe.

Des soulèvements anti-français éclatent : en Espagne d’abord (mai 1808) où est défendue la dynastie des Bourbons d’Espagne, le roi Ferdinand VII devenant le symbole de la nation ; dans les Etats du Pape, le royaume de Naples ou le Tyrol où sont mal vécus le poids des impôts ou du service militaire, mais aussi où sont affirmés l’attachement au catholicisme et aux souverains nationaux déchus ; et également en Prusse où le sentiment national est exalté et où se développe une véritable haine de la France. Le nationalisme va donc être un des facteurs principaux de la dislocation de l’Europe napoléonienne.

De la campagne de Russie aux Cent-Jours

Outre le regain de dynamisme de l’idée nationale, la domination napoléonienne se heurte à trois autres obstacles :

  • L’impossibilité de « tenir » à long terme le continent par les armes.
  • La puissance – sous-estimée par Napoléon – du christianisme en Europe (opposition des catholiques après l’excommunication de Napoléon par Pie VII).
  • Le retournement de la conjoncture économique (mauvaises récoltes, hausse du chômage).

A partir de 1812, l’équilibre des forces militaires, jusque là favorable à la France, s’inverse. D’abord, la guerre de la France en Espagne tourne à la défaite en raison de l’intervention des Anglais dans la péninsule.
Mais surtout la campagne de Russie (1812) porte un coup fatal à l’Empire. Parvenue après une série de victoires jusqu’à Moscou, la Grande armée, composée alors de l’effectif impressionnant de 700.000 hommes, est délogée par l’incendie de la ville. Le manque de fourrages conduit à une retraite qui se transforme en désastre. Harcelée par les Cosaques et soumise au douloureux hiver russe, l’armée est décimée. Lorsqu’elle traverse le Niémen (décembre 1812), environ 500.000 hommes ont été tués, blessés ou faits prisonniers et on ne compte plus les déserteurs.

En janvier 1813, Napoléon, de retour en France, organise une nouvelle armée pour faire face à la nouvelle coalition que forment l’Angleterre, la Russie et la Prusse qui se soulève sous la pression des patriotes allemands. Napoléon mène une dure campagne en Saxe où il obtient de fragiles victoires avec de jeunes troupes peu expérimentées. L’Autriche puis la Suède se joignent à la coalition. Les Français, inférieurs en nombre, sont écrasés dans la décisive bataille de Leipzig (1813), dite « Bataille des Nations ». Dans le même temps, les Français se retirent d’Espagne (défaite de Vittoria en 1813). C’est désormais dans une France exténuée que se déroulent les ultimes combats. Napoléon fait appel au sentiment patriotique et obtient une série de brillantes victoires mais la pression ennemie est désormais trop forte. Le 6 avril 1814, ce sont ses propres généraux qui forcent Napoléon à abdiquer. L’empereur est exilé à l’île d’Elbe dont il obtient la souveraineté.

Les Cent-Jours constitueront les derniers feux de l’Empire. Le 1er mars 1815, Napoléon revient de l’île d’Elbe. Le 20 mars, sans avoir tiré un coup de feu, il est à Paris après s’être rallié l’armée et l’administration. Aussitôt, une nouvelle coalition se forme et déclare la guerre à outrance à la France. Napoléon est vaincu à Waterloo le 18 juin 1815 et abdique une seconde fois le 22 juin. Il est définitivement exilé à l’île de Sainte-Hélène où il finira ses jours en 1821.

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Clément-Auguste Andrieux, La bataille de Waterloo (1852).

Malgré le Congrès de Vienne qui se tient à partir de 1814 et qui tente d’effacer purement et simplement un quart de siècle de bouleversements révolutionnaires, c’est une Europe nouvelle qui émerge des décombres de l’Europe napoléonienne. Napoléon, en tant que soldat de la Révolution et héritier des Lumières, a conduit l’Europe toute entière à une nouvelle époque, effaçant les derniers vestiges de la féodalité. Les idées libérales et les mouvements nationaux vont s’imposer au XIXe siècle et être les acteurs principaux de la chute de l’Europe des équilibres et des monarchies absolues instituée par les principaux protagonistes du Congrès de Vienne.

Bibliographie :
BIARD Michel, BOURDIN Philippe, MARZAGALLI Silvia, Révolution, Consulat, Empire, 1789-1815, Paris, Belin, 2010.
BERSTEIN Serge, MILZA Pierre, États et identité européenne. XIVe siècle-1815, tome 3, Paris, Hatier, 1994.

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