Les Heures perdues de Pierre Barth�s, r�p�titeur en Toulouse,

ou les choses dignes d'�tre transmises � la post�rit� arriv�es en cette ville ou pr�s d'icy

Juin [1754]

Fonte des autres cloches

Le samedy 22e de ce mois, � neuf heures du matin, le temps �tant extr�mement beau, ce fondeur lorrain dont j'ay parl� cy dessus, ses moules et sa mati�re �tant dans les dispositions requises, au m�me lieu dans le jardin de la Daurade, jetta le reste des cloches pour former le carrillon r�solu par les moines. Elles r�ussirent parfaitement bien au nombre de dix y compris le timbre de l'horloge, � l'aspect d'une infinit� de personnes de toute condition, g�n�rallement ravies d'admiration de voir 10 cloches d'un seul jet r�ussir de cette fa�on sans que rien ait failli en aucune d'icelles, et ce qui est de plus surprenant, les tons marqu�s pour chacune s'y trouver dans une consonance parfaite.
Malgr� cette beaut� et cette excellente r�ussite, elles ont �t� proscrites et rejett�es en entier par les habitans de la parroisse qui demandent avec instance, et par des sommations r�it�r�es, le r�tablissment des anciennes ainsy que toutes les autres choses dont on croit d�tempteurs mesrs les B�n�dictins qui ont d�j� chant� le palinodio Il faut l'accomoder.

Op�rateur italien, com�die

Le 24e de ce mois parut en cette ville un op�rateur italien nomm� Jean Creci. Dans une pompe et un appareil qui �tonn�rent tout le monde, il �toit pr�c�d� dans ses sorties publiques d'un trompete � cheval et d'un more timbalier portant ses livr�es, et de dix � douse autres ses domestiques tous � cheval au milieu desquels paroissoit notre h�ros, mont� � l'avantage, v�tu � la houzarde, couvert d'or, d'argent et de pierreries pour plus de cinquante mille livres. Il fit dresser un th��tre � la place du Salin o� il se faisoit porter dans son carrosse, ainsy que ses acteurs � diverses reprises accompagn� d'une quantit� de domestiques couverts de ses livr�es qui �taient telles qu'elles surpassoint de beaucoup les plus magnifiques des plus grands seigneurs, de sorte qu'on n'a jamais veu dans cette ville d'op�rateur plus riche. Il s'est donn� pour si scavant dans la compositions de ses rem�des et dans toutes les parties qui appartiennent � la m�decine, soit pour la chimie et les op�rations de la main, qu'on l'a tenu pour un homme universel et qu'une grande partie de malades de Toulouse et des environs n'ont fait aucune difficult� de se confier � ses soins. Il en a gu�ri beaucoup par le seul aspect des urines, en quoy il a excell�, et sa maison qui n'a jamais d�sempli me l'a fait comparer � l'ancien esculape de la Gr�ce, dans la personne d'Hippocrate, ce prince de la m�decine, un de ses successeurs.
On a pris tant de go�t pour les petites pi�ces qu'il donnoit au public, � cause d'un arlequin qu'il avoit dans sa troupe, que la plus grande partie de la ville, et surtout de gens de la premi�re distinction, s'y rendoit en �quipage. Jusques l� que la ville se trouvant sans com�diens depuis longtems, on luy a permis de repr�senter sur le th��tre des spectacles o� l'affluence �toit extraordinaire tous les soirs, et la recette cons�quemment tr�s bonne.
Pour moy qui n'ai jug� de celluy-ci que comme on a pens� cy devant des gens de cette esp�ce, je n'ai pu m'emp�cher de le regarder que comme un charlatan qui scait mieux � la v�rit� �blouir les autres mais dont la r�putation n'est pas mieux �tablie, malgr� ses titres pompeux et sa devise favorite qu'il a cependant usurp�e � bien d'autres.
Non verbis fed operibus credite.

Ex�cution militaire

Le mardy 25e de ce mois, on cassa la t�te � un soldat du r�giment d'Anjou actuellement en cette ville, il avoit d�sert� de Toulouse depuis le mois de janvier pass�, il fut pris � Lion d'o� il �toit et o� son p�re le livra � la marechauss�e pour des exc�s commis contre sa propre personne et contre sa maratre � qui, dit-on, il avoit cass� les bras � coups de b�che. Ce jeune homme, tr�s bien fait de sa personne, de la taille de cinq pieds troix ou quatre pouces, fut exp�di� au fonds du quai lieu ordinaire, regr�t� de peu de personnes, v�rifiant en cecy le dire de l'orateur romain, nemo parricidae supplicio misericordia commovetus.

Volume 4, pp. 11-14.

May < Juin 1754 > Juillet

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