Les Heures perdues de Pierre Barth�s, r�p�titeur en Toulouse,

ou les choses dignes d'�tre transmises � la post�rit� arriv�es en cette ville ou pr�s d'icy

May [1754]

Cloches de la Daurade

Sur le dessein con�eu par monsieur Cammas, peintre de la ville, et insinu� � messieurs les B�n�dictins � l'effet de mettre leurs cloches en carrillon, � d'instar de celluy du Taur qu'il a form� luy-m�me. Ces moines, sans consulter personne de la parroisse, se croyant sans doute les ma�tres l�gitimes des cloches les firent rompre et n'en laiss�rent qu'une pour servir � l'appel de l'office divin, le clas ayant cess� pendant pr�s de six mois au grand regret de tout le monde. Voulant donc mettre leur projet � ex�cution, ils s'accord�rent avec un fondeur de la ville, qui apr�s avoir deux fois de suite manqu� les deux grosses, ils furent oblig�s de suspendre l'ouvrage et de faire venir un fondeur �tranger, lorrain d'origine, ouvrier excellent, comme il a par�, apell� Chr�tiennol.
Tout �tant donc pr�t dans l'attellier dress� dans le jardin des moines et les moules au nombre de cinq rang�s de suite au dessous du fourneau. Le samedy 11e de ce mois, � 6 heures du soir, avec une pluye �pouventable, les moines s'�tant dispos�s � une procession pour implorer l'assistance divine sur la r�ussite de l'ouvrage, descendirent dans le jardin, malgr� le mauvais tems, et virent avec admiration le fondeur intr�pide fondre cinq cloches d'un seul jet, r�ussir � merveilles, les d�terrer le lendemain � l'aspect d'une multitude infinie qui pr�ta volontiers la main pour les exposer � la vue de tous.
Ces cloches, dont la plus grosse p�se, � ce que l'on dit, 45 quintaux, et les autres � proportion sont marqu�es aux armes des moines et inscrites des noms des saincts de leur ordre et de l'�poque de leur dernier chapitre, ainsy la plus grosse a pour l�gende sur le haut
Capitulum Beato maria Deaurato 1754
et au dessous, Sanctissimo trinitati.
La seconde est d�di�e � St. Beno�t avec ces mots, Beato Benedicto, et sur le haut Capitalum, comme � toutes.
La 3�me est d�di�e � St. Maur avec ces mots, Beato Mauro.
La quatri�me � St. Placide, avec ces mots Beato Placido.
Et la cinqui�me � Sainte Scholastique.
Ces cloches, aussy belles qu'on puisse les d�sirer ont fait l'admiration de tous ceux qui les ont veues, et l'ouvrier qui � l'heure qui j'�cris se dispose � fondre les neuf autres avec le timbre de l'horloge fait esp�rer une �galle r�ussite, tout � la fois, comme les autres.

Gal�riens, Dalbaricy

La cha�ne �tant arriv�e comme c'est la coutume tous les ans, on y attacha un nomm� Dalbaricy, fils batard d'un conseillier de ce nom. Ce jeune homme accus� de vol et d'autres crimes fut condamn� aux gal�res pour six ans avec le nomm� Verseby, associ� de ces troix qu'on pendit le 1er juillet 1752 et qu'on avoit reserv� pour un plus amplement enquis. Il fut port� au canal � l'embouchure sur une charrette enfl� comme un balon d'une hydropisie, et le bruit se r�pandit que l'officier de marine, fatigu� d'un sujet inutille, l'avoit fait jetter dans la mer, apr�s s'estre embarqu�s � Bourdeaux pour aller � Brest, o� la cha�ne devoit se rendre.

C�r�monie de baigner la Croix sans exemple

Le mercredy 22e de ce mois, veille de l'Ascension, les pescheurs se disposant � la c�r�monie uzit�e en pareil jour ne purent y proc�der par les voyes ordinaires. La rivi�re de Garonne se trouvant extraordinairement grosse, et eux ne pouvant en aucune fa�on s'embarquer pour aller aller au Ramier, ils prirent le p�re, et �tant sortis par la porte de Muret, ils se rendirent au bruit des tambours au pied de la croix de pierre situ�e sur la mote St. Hillaire, � la pointe des chemins de Portet et de St. Simon, et l�, ayant fait un trou en terre, le p�re y mit la croix en r�citant les oraisons prescrites. Apr�s il fut � Garonne tremper la croix et la donna � baiser aux assistans qui s'en retourn�rent par le m�me chemin droit � St. Nicolas et ensuite � St. Pierre toujours par terre, ne pouvant y aller par eau, comme j'ay dit, eu �gard � la crue des jours pr�c�dens.
Cecy, qui est sans exemple, du moins qui soit venu � ma connoissance, nous fait voir qu'on peut trouver un temp�rament � toutes choses et qu'il n'est point de mal sans rem�de, surtout si l'int�r�t s'en m�le, qui a �t�, et qui sera toujours le tiran de l'esprit et du c�ur.

Arr�t pour la Daurade

Le m�me jour 22e de ce m�me mois, la souveraine Cour de Parlement, sur l'instance pendante entre le sindic de la confr�rie du tr�s saint sacrement de l'�glise de la Daurade et les pr�v�ts et dindic de l'archiconfr�rie de la conception de Notre Dame de la m�me �glise, au rapport de Mr. de Reymond, fut rendu l'arrest qui a jug�
Que les confr�res de l'archiconfr�rie des Toulousains �rig�e dans l'�glise de la Daurade, sous l'invocation de l'immacul�e conception de la Vierge, sont seuls en droit d'assister en corps de confr�rie � la procession du tr�s saint sacrement, que les religieux du chapitre de la Daurade font tous les ans le dimanche dans l'octave de la f�te Dieu, et d'y marcher deux � deux sous la Croix. Et fait d�ffenses tant aux confr�res du saint sacrement qu'� tous les autres de se m�ler parmi avant ni apr�s ceux de la conception, sous et imm�diatement apr�s la croix, ni de leur donner aucun trouble ny emp�chement � peine d'enquis et de punition, a comdamn� en outre le sindic du saint sacrement aux d�pens envers lesd[its] pr�v�ts et sindic de lad[ite] confr�rie des Toulousains, m�me en ceux r�serv�s par l'arr�t du 29e may 1750, la taxe r�serv�e.
C'est arr�t qui comme l'on voit, exclut totallement les confr�res du saint sacrement, qui dans cette parroisse sont en si grand nombre que presque tous les parroissiens se sont toujours regard�s comme associ�s � lad[ite] confr�rie, a mis les esprits dans une si grande fermentation et les a si fort aigris contre les moines qu'on regarde comme les autheurs, les instigateurs et les solliciteurs les plus ardens de ce proc�s, que la plus grande partie des habitans de la parroisse en plusieurs et diverses assembl�es tenues ch�s monsieur le Pr�sident de Nupces, et en sa pr�sence a pris des d�lib�rations tendantes � revendiquer tout ce qu'on pr�tend avoir �t� usurp� par ces moines comme appartenant � la parroisse, ainsy que l'orgue, le clocher, la sonnerie, les offices de parroisse faits au ma�tre autel par le cur� et surtout le r�tablissement des cloches telles qu'elles �toins cy-devant, comme ayant �t� trouv� appartenir � la parroisse et non � eux. A la remise desquelles choses, ils ont �t� somm�s et assign�s par d bons actes.

Volume 4, pp. 5-10.

Avril < May 1754 > Juin

Accueil