Nous-même nous avons vu les vastes plaines de la Champagne, de la Beauce, de la Brie, du Gâtinais, du pays de Chartres, du pays de Dreux, du Maine et du Perche, du Vexin, tant français que normand, du Beauvaisis, du pays de Caux, depuis la Seine jusque vers Amiens et Abbeville, du pays de Senlis, du Soissonnais et du Valois jusqu'à Laon, et au delà du côté du Hainaut, absolument désertes, incultes, abandonnées, vides d'habitants, couvertes de broussailles et de ronces, ou bien, dans la plupart des régions qui produisent les arbres les plus drus, ceux-ci pousser en épaisses forêts. Et, en beaucoup d'endroits, on put craindre que les traces de cette dévastation ne durassent et ne restassent longtemps visibles, si la divine providence ne veillait pas de son mieux aux choses de ce monde.
Tout ce qu'on pouvait cultiver en ce temps-là dans ces parages, c'était seulement autour et à l'intérieur des villes, places ou châteaux, assez près pour que, du haut de la tour ou de l'échauguette, l'il du guetteur pût apercevoir les brigands en train de courir sus. Alors, à son de cloche ou de trompe ou de tout autre instrument, il donnait à tous ceux qui travaillaient aux champs ou aux vignes le signal de se replier sur le point fortifié.
C'était là chose commune et fréquente presque partout ; à ce point que les bufs et les chevaux de labour, une fois détachés de la charrue, quand ils entendaient le signal du guetteur, aussitôt et sans guides, instruits par une longue habitude, regagnaient au galop, affolés, le refuge où ils se savaient en sûreté. Brebis et porcs avaient pris la même habitude. Mais comme dans lesdites provinces, pour l'étendue du territoire, rares sont les villes et les lieux fortifiés, comme, en outre, plusieurs d'entre eux avaient été brûlés, démolis, pillés par l'ennemi ou qu'ils étaient vides d'habitants, ce peu de terre cultivée comme en cachette autour des forteresses paraissait bien peu de chose et même presque rien, eu égard aux vastes étendues de champs qui restaient complètement déserts, sans personne qui pût les mettre en culture.
Thomas Basin, Histoire de Charles VII, t. I, traduit et publié par Ch. Samaran, Paris, Les Belles Lettres, 1933, pp. 87-89.
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