Oui, Messieurs, c'est dans les abus même que se trouve un fonds de richesses que l'État a droit de réclamer, et qui doivent servir à rétablir l'ordre. C'est dans la proscription des abus que réside le seul moyen de subvenir à tous les besoins. C'est du sein même du désordre que doit jaillir une source féconde qui fertilisera toutes les parties de la Monarchie.
Les abus ont pour défenseurs l'intérêt, le crédit, la fortune, et d'antiques préjugés que le temps semble ravoir respectés : mais que peut leur vaine considération contre le bien public et la nécessité de l'État ?
Le plus grand de tous les abus serait de n'attaquer que ceux de moindre importance, ceux qui n'intéressant que les faibles, n'opposent qu'une faible résistance à leur réformation, mais dont la réformation ne peut produire une ressource salutaire.
Les abus qu'il s'agit aujourd'hui d'anéantir pour le salut public, ce sont les plus considérables, les plus protégés, ceux qui ont les racines les plus profondes, et les branches les plus étendues.
Tels sont les abus dont l'existence pèse sur la classe productive et laborieuse ; les abus des privilèges pécuniaires ; les exceptions à la loi commune, et tant d'exemptions injustes qui ne peuvent affranchir une partie des contribuables, qu'en aggravant le sort des autres :
L'inégalité générale dans la répartition des subsides, et l'énorme disproportion qui se trouve entre les contributions des différentes provinces, et entre les charges des sujets d'un même souverain.
La rigueur et l'arbitraire de la perception de la taille.
La crainte, les gênes, et presque le déshonneur imprimés au commerce des premières productions.
Les bureaux de traites intérieures, et ces barrières qui rendent les diverses parties du royaume étrangères les unes aux autres.
Les droits qui découragent l'industrie, ceux dont le recouvrement exige des frais excessifs et des préposés innombrables ; ceux qui semblent inviter à la contrebande, et qui tous les ans font sacrifier des milliers de citoyens.
Le dépérissement du domaine de la Couronne, et le peu d'utilité que produisent ses faibles restes.
La dégradation des forêts du Roi et les vices de leur administration.
Enfin tout ce qui altère les produits, tout ce qui affaiblit les ressources du crédit, tout ce qui rend les revenus insuffisants, et toutes les dépenses superflues qui les absorbent.
Discours prononcé de l'ordre du roi et en sa présence par M. de Calonne, contrôleur général des finances dans l'assemblée des notables tenue à Versailles, le 22 février 1787, 1787, pp. 20-21.
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