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Les chrétiens dans la société romaine


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Modifié : 05/12/2011 à 13h24


XLII. L'on nous adresse encore un autre reproche ; on dit que nous sommes inutiles à la société. Mais sur quel fondement, puisque nous vivons avec vous, usant de la même nourriture, des mêmes habits, des mêmes meubles et de tout ce qui vous est nécessaire à la vie ? Car nous ne sommes pas comme les brahmanes ou les gymnosophistes des Indes qui habitent dans les forêts, et se séparent du commerce des hommes. Nous savons que nous devons notre reconnaissance à Dieu, comme le Seigneur et le Créateur de ce monde. Nous ne rejetons rien de tout ce qu'il a fait pour nous ; mais nous n'en prenons qu'avec modération pour ne point commettre d'excès ni en abuser ; aussi vivons-nous ici bas avec vous. Nous fréquentons vos places, vos bains, vos boutiques, vos marchés, vos hôtelleries, vos foires, et nous achetons de tout ce que vous vendez. Nous naviguons avec vous, nous portons les armes avec vous, nous labourons, nous trafiquons, par conséquent, nous exerçons les mêmes métiers que vous, et pour votre usage. Je ne puis donc pas comprendre pourquoi vous nous regardez comme inutiles à la société, puisque nous vivons avec elle, et que c'est d'elle que nous tirons les choses nécessaires à la vie. Mais si je ne fréquente pas vos cérémonies, cependant, ce jour-là je suis homme. Pendant les saturnales je je ne vais pas au bain avant le jour pour ne pas perdre le jour et la nuit ; cependant je me lève à une heure convenable où je ne risque rien pour ma santé, et où le bain ne puisse pas m'ôter la chaleur et me figer le sang. C'est bien assez que, lorsqu'après ma mort on aura lavé mon corps, le froid le raidisse et le rende pâle. Dans certaines fêtes de Bacchus, je ne mange pas en public comme font, pour la dernière fois, ceux qui sont destinés à combattre contre les bêtes ; cependant, quelque part que je sois, je mange des viandes que vous me vendez ; je ne me couronne point de fleurs, mais j'en achète ; et que vous importe comment je m'en sers ? Je les aime mieux éparses qu'attachées, et si elles forment une couronne, je me contente de la sentir. Ne fais-je pas mieux que ceux qui se la mettent sur la tête ? Nous n'allons pas aux spectacles ; mais si j'ai besoin de ce qui s'y vend, je vais plutôt l'acheter à la place. Nous n'achetons point aussi d'encens. Si les marchands d'Arabie s'en plaignent, qu'ils sachent cependant que les chrétiens en consomment plus pour les sépultures, que les autres n'en emploient dans les sacrifices. Mais, dites-vous, les revenus des temples diminuent tous les jours. Combien y a-t-il qu'on ne met plus dans les troncs ? C'est que nous ne pouvons suffire aux hommes et aux dieux qui ont besoin de nos aumônes, et nous croyons que nous ne devons donner qu'à ceux qui nous demandent. Que Jupiter lui-même tende la main, et nous lui donnerons. Car les aumônes que nous distribuons dans les rues, sont plus considérables que toutes les dépenses que vous faites dans vos temples pour vos sacrifices. Pour les autres tributs, on doit savoir gré aux chrétiens de les payer avec d'autant plus de fidélité, qu'ils sont bien éloignés de toute fraude. Au contraire, si l'on examine combien vous en détournez par tromperie, et en faisant de fausses déclarations, cet article seul l'emportera sur tout le bien que vous pouvez d'un autre côté faire à l’État.

Tertullien, Apologétique, XLII (vers 197). Traduction de l'abbé Meunier et publié par A. H. Dampmartin, 1822, pp. 181-185.





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