Le 11 Octobre [11 Septembre en réalité] fut le jour que cette Bataille, nommée de Malplaquet, se donna, qui doit être mémorable dans l'Histoire, par les actions surprenantes de valeur et d'intrépidité de nos Troupes.
Le maréchal de Boufflers commanda l'aile droite, et la Maréchal de Villars l'aile gauche ; l'affaire commença par quelques escarmouches et plusieurs coups de canon.
Le Maréchal de Villars ayant animé les Troupes par ses discours, en attendant de le faire par son exemple, et avec cet air martial qu'on lui a toujours vu dans les actions les plus périlleuses, qui donne de la confiance et de grandes espérances aux Soldats, attaqua à la tête de son aile gauche la droite des Ennemis.
Nos Troupes pleines de confiance, et animées par l'exemple d'un si grand Général, chargèrent avec tant de fureur que la première ligne des Ennemis fut bientôt culbutée sur la seconde : le Maréchal de Boufflers en fit autant de son côté.
Le Prince Eugène et Mylord Marlborough ne pouvant rallier leurs troupes de l'aile droite, jetèrent leurs derniers efforts au centre.
Le Maréchal de Villars qui vit que sa présence y était nécessaire, y courut sur le champ ; c'est là où il se fit un feu et un combat dont on n'a jamais vu de semblable, mais ayant appris qu'à son aile gauche les Ennemis prenaient avantage depuis son absence, il s'y transporta au plus vite.
A son arrivée tout fut rétabli ; il retourne au centre où était le plus fort du combat : enfin on le vit plusieurs fois comme un Mars voler entre le plus grand feu des deux Armées, on ne voyait que lui, il était aussi l'âme et le mobile de toutes les grandes actions qui s'y firent.
Il s'exposa trop pour ne pas essuyer les suites d'un courage démesuré ; la victoire, qui avait été jusqu'alors chancelante, commençait à se déclarer pour nous, lorsque le Maréchal de Villars fut blessé à la cuisse au-dessus du genou par un coup de mousquet ; la blessure fut si grande et si douloureuse qu'il fut d'abord mis hors du combat et sans connaissance ; l'on fut obligé de l'emporter évanoui.
Le Maréchal de Boufflers, qui de son côté renversait tout ce qui s'opposait à lui, fut obligé par ce changement de soutenir longtemps les efforts des ennemis qui avaient acquis une grande supériorité sur notre aile gauche et sur notre centre par l'absence du Maréchal de Villars.
Cela fit juger au Maréchal de Boufflers, de la nécessité qu'il y avait à faire cesser le combat, et de faire une si belle retraite qu'elle put servir d'exemple aux plus grands Généraux ; il la fit avec un si grand ordre, que les Ennemis étonnés n'osèrent jamais l'attaquer, ni le suivre.
Mémoires du duc de Villars, t. III, 1736. Orthographe modernisée.
Cours lié(s) :
Partagez ce document sur un forum (bbcode):
Partagez ce document sur un site web ou un blog (html):
Top 3 du concours du mois |
---|
Vous êtes ...