Les uns mouraient sans secours, les autres entourés de soins. On ne trouva, pour ainsi dire, pas un seul remède d'une efficacité reconnue ; ce qui avait fait du bien à l'un faisait du mal à l'autre. Aucune constitution, forte ou faible, ne mettait à l'abri du fléau ; il enlevait tout, quel que fût le traitement suivi. [...]
LII. Ce qui aggrava encore le fléau, ce fut l'entassement des campagnards dans la ville. Les nouveaux venus eurent particulièrement à souffrir. Ne trouvant plus de maisons disponibles, ils se logeaient, au cur de l'été, dans des huttes privées d'air ; aussi mouraient-ils en foule. Les corps inanimés gisaient pèle-mêle. On voyait des infortunés se rouler dans les rues, autour de toutes les fontaines, à demi-morts et consumés par la soif. Les lieux saints où l'on campait étaient jonchés de cadavres ; car les hommes, atterrés par l'immensité du mal, avaient perdu le respect des choses divines et sacrées. Toutes les coutumes observées jusqu'alors pour les inhumations furent violées ; on enterrait comme on pouvait. Les objets nécessaires aux funérailles étant devenus rares dans quelques familles, il y eut des gens qui eurent recours à des moyens infâmes : les uns allaient déposer leurs morts sur des bûchers qui ne leur appartenaient pas, et, devançant ceux qui les avaient dressés, ils y mettaient le feu ; d'autres, pendant qu'un premier cadavre brûlait, jetaient le leur par-dessus et s'enfuyaient.
Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, II. Traduction de E.-A. Bétant, 1863.
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