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L'Histoire de France, de l'Europe & du Monde

Le décès sans enfant d’Elisabeth Ière en 1603 permet à une nouvelle dynastie, la Maison Stuart, d’accéder au trône d’Angleterre en la personne de Jacques Ier (roi d’Ecosse sous le nom de Jacques VI). Les ambitions absolutistes de ce roi et de son successeur Charles Ier aboutissent à la guerre civile de 1642 et 1648 et au procès puis exécution de ce dernier. La République anglaise, issue de la guerre civile, n’est qu’éphémère : la monarchie est restaurée dès 1660 en la personne de Charles II Stuart, avant qu’une nouvelle révolution ne renverse le roi Jacques II son fils, pour des raisons politiques (conflit avec le Parlement) et religieuses (catholicité de Jacques II). L’avènement de Guillaume d’Orange en 1689 marque la double victoire de la cause anglicane et de la cause du Parlement.

Les ambitions absolutistes des premiers Stuarts (1603-1642)

Le règne de Jacques Ier

A la mort d’Elisabeth, le roi d’Ecosse Jacques VI, fils de Marie Stuart, devient roi d’Angleterre sous le nom de Jacques Ier. Bien qu’intelligent et cultivé, il se rend impopulaire tant à cause de son caractère que de ses maladresses. Durant son règne, il cherche à rapprocher les couronnes d’Ecosse et d’Angleterre sans résultat probant. Malgré un regain de l’antipapisme, les passions religieuses s’atténuent. Jacques Ier développe aussi une théorie du droit divin des rois, affirmée dans une somme théorique imprimée en 1616, et s’engage dans la voie de l’absolutisme à l’instar des rois français. En 1618, il fait de son favori le gentilhomme George Villiers comte puis duc de Buckingham (1623). Ce dernier se voit pratiquement confié le pouvoir, suscitant de vives rancoeurs à la Cour.
Dans le palais de Whitehall, la Cour rayonne encore de l’éclat de l’époque élisabéthaine avec des hommes tels le dramaturge William Shakespeare qui produit, au sommet de sa gloire, Othello (1604) et King Lear (1608).

A sa mort en 1625, le roi Jacques Ier est peu regretté de ses sujets du fait notamment de ses folles dépenses de Buckingham et de sa politique extérieure (tentative de rapprochement avec l’Espagne).

Charles Ier et les débuts du conflit avec le Parlement

Charles Ier, très populaire au début de son règne, va peu à peu se couper de sa nation. Il garde auprès de lui Buckingham (qui sera assassiné en 1628), met à la tête des affaires ecclésiastiques l’impopulaire évêque William Laud, et enregistre des échecs sur le plan de la politique extérieure, avec la piteuse expédition de Cadix lancée en 1625 pour soutenir les Provinces-Unies contre l’Espagne, et la tentative de secours des protestants de La Rochelle révoltés contre Louis XIII (1627-1628). La dégradation des finances suite à ces deux guerres amène le roi à convoquer le Parlement qui adresse au roi la Pétition du droit (1628) lui rappelant les libertés anglaises traditionnelles (comme le consentement à l’impôt, lequel doit être voté par le Parlement) et l’obligation pour le roi de les respecter. Ce dernier renvoie le Parlement en 1629 et affirme son intention de régner en monarque absolu.

Durant la « Tyrannie de onze années » (1629-1640), Charles Ier tente de faire triompher l’absolutisme et l’anglicanisme conjointement. Il peut compter notamment sur Thomas Wenthworth, comte de Strafford, qui, après avoir été l’un des défenseurs de la Pétition du droit, devient l’un des plus fidèles partisans du roi et met son énergie à son service en l’aidant dans la mise en oeuvre du thorough system, plan d’instauration de l’absolutisme en Angleterre.
Charles Ier met fin aux conflits extérieurs pour rétablir les finances. Le budget est même équilibré en 1635. La croissance de la pression fiscale (notamment par l’extension en 1635 du ship money – taxe pour l’équipement de vaisseaux de guerre – qui entraîne de vives protestations) entraîne une grève de l’impôt (1639-1640). Dans le même temps, la volonté de Charles Ier d’imposer l’anglicanisme dans l’Ecosse presbytérienne provoque un soulèvement des Ecossais pour sauvegarder leur liberté religieuse (1637). En 1639, une armée écossaise bat Charles Ier et le force à traiter.

Le déclenchement de la guerre civile

Le roi ayant besoin d’argent et de nouvelles troupes se résout à convoquer le Parlement qui lui demande des comptes sur la politique menée depuis 1629. Renvoyé au bout de quelques semaines, ce qui est appelé le Short Parliament est remplacé un nouveau Parlement : le Long Parliament(1640-1653). Ce nouveau Parlement réclame aussitôt la condamnation de Strafford (qui est exécuté en 1641), l’exclusion des évêques anglicans de la Chambre des lords, le licenciement de l’armée royale créée par Strafford et l’abolition de toutes les Cours de prérogative, notamment la Chambre étoilée (Star Chamber). Il vote aussi le Triennial Act (1641) qui impose la réunion d’un Parlement au moins tous les trois ans. Le roi cède à toutes ces revendications.
Profitant de la confusion, l’Irlande catholique se soulève (1641) et massacre plusieurs milliers de protestants. Cette révolte a pour effet de souder l’opinion publique anglaise autour de son Parlement, défenseur de la cause protestante, contre le roi, soupçonné de sympathie pour les Irlandais. Le Parlement vote (à une faible majorité) en novembre 1641 la Grande Remontrance, violent réquisitoire contre la politique menée par le roi depuis onze ans. Celui-ci, sachant que le texte n’a été voté qu’à quelques voix de majorité, pense pouvoir écraser l’opposition parlementaire et tente un coup de force : il déclare cinq des députés les plus hostiles coupables de haute trahison. Londres se soulève alors au profit du Parlement et Charles Ier est contraint de quitter la capitale (janvier 1642) et de se rendre dans le Nord où il rassemble ses partisans.

L’échec de Charles Ier et l’échec de la République (1642-1660)

La guerre civile et ses suites (1642-1649)

La guerre civile divise l’Angleterre entre le camp des « Cavaliers » (les partisans du roi) et le camp des « Têtes rondes » (les partisans du Parlement). La première phase de la guerre civile, de 1642 à 1646, reste longtemps indécise, les parlementaires de Londres et le roi au Nord essuyant plusieurs échecs. Ce n’est qu’avec l’arrivée du gentilhomme Oliver Cromwell en 1645 qui devient lieutenant tout-puissant du nouveau commandant en chef des troupes parlementaires, Fairfax, que la situation tourne en faveur du Parlement. Le roi, vaincu à la bataille décisive de Naseby (1645), part se réfugier en Ecosse mais est livré pour 400 000 livres par le Parlement d’Edimbourg au Parlement de Londres (1647).

Les vainqueurs commencent à s’entre-déchirer. L’armée se politise et se montre de plus en plus hostile au Parlement, au point qu’une nouvelle guerre civile semble sur le point d’éclater. Les parlementaires réclament en effet l’établissement d’une nouvelle Eglise d’Angleterre sur le modèle de l’Eglise presbytérienne d’Ecosse tandis que l’armée, qui finit par être licenciée par le Parlement (1647), rejette une Eglise d’Etat et demande la tolérance religieuse pour tous, y compris les catholiques. Charles Ier, capturé par l’armée, arrive à s’échapper et choisit de traiter avec les Ecossais plutôt qu’avec le Parlement. L’alliance qu’il conclut avec eux conduit à la reprise de la guerre civile. Cromwell bat les Ecossais et entre à Edimbourg en 1648 puis ramène le roi à l’île de Wight. L’armée se retourne ensuite contre le Parlement et procède à son épuration : le Long Parliament réduit à une soixantaine de membres (c’est le « Parlement croupion » ou Rump). La première décision du Rump est de faire ouvrir le procès du roi devant une Haute Cour qui le condamne à mort : Charles Ier est décapité en février 1649 devant Whitehall.

La République et le Protectorat de Cromwell (1649-1660)

Le Rump déclare l’abolition de la royauté et proclame la République (régime du Commonwealth). Il détient l’autorité, exerce le pouvoir législatif et contrôle la politique intérieure et extérieure d’un Conseil d’Etat de 41 membres (dont Cromwell), renouvelés chaque année et élus par lui. Cromwell doit lutter contre les Ecossais qui ont reconnu comme roi d’Ecosse Charles II, fils de Charles Ier, et contre les Irlandais. L’Ecosse est vaincue et Charles II parvient à se réfugier en France. Sur le plan politique, Cromwell doit faire face à double menace : à sa gauche celle des Niveleurs, partisans de réformes politiques et sociales avancées (dont le droit de vote étendu à tous les hommes à partir de 21 ans, l’abolition des privilèges et des taxes et la liberté de conscience), et à sa droite celle d’un Parlement conservateur. Par crainte des Niveleurs, qui disposent d’une grande influence dans l’armée, le Parlement apporte son soutien à Cromwell.

Cromwell devient finalement le seul chef de l’Angleterre : en avril 1653, il se débarrasse du Rump, puis se fait accorder le titre le protecteur de la République d’Angleterre, d’Ecosse et d’Irlande en décembre. Malgré l’instauration d’un régime d’austérité et d’une dictature de type militaire, les Anglais lui sont reconnaissants car il a ramené la paix, protégé l’ordre social et pratiqué une politique de tolérance vis-à-vis des sectes protestantes. A sa mort en 1658, son fils Richard lui succède. Mais celui-ci n’a pas les qualités de son père et ne parvient pas à empêcher l’armée de procéder à la restauration du Rump (mai 1659) qui le force aussitôt à démissionner. En février 1660, l’impasse politique provoquée par les divisions parlementaires pousse le général Monk, qui occupe alors l’Ecosse, à marcher sur Londres à la tête de ses troupes et à faire élire un Parlement-convention qui appelle Charles II sur le trône (mai 1660).

De la restauration à la fin des Stuarts (1660-1714)

La Restauration, du grand pardon à la crise de l’Exclusion

Le début du règne de Charles II se caractérise par une tentative de réconciliation nationale, affirmée par l’Indemnity and Oblivion Act, voté par le Parlement en 1661, qui pardonne les actes commis durant la guerre civile à l’exception de ceux liés au régicide, tandis que les lois promulguées entre 1642 et 1649 sont considérées comme nulles. Le nouveau roi s’efforce de concilier habilement les différentes tendance de ses sujets mais, à partir de 1668, se lance dans une politique personnelle qui exaspère les Anglais (alliance avec Louis XIV, politique de tolérance religieuse qui s’applique aux catholiques). En réaction au philocatholicisme du roi, le Parlement vote en 1673 le Test Act qui oblige tout candidat à une charge publique à prêter serment de non-adhésion aux dogmes de l’Eglise romaine. L’évolution du pouvoir royal vers l’absolutisme l’amène également à voter l’Habeas Corpus en 1679, qui oblige une Cour de justice à examiner la légalité de tout emprisonnement, de façon à éviter les arrestations arbitraires. Le Parlement vote à la même période le Bill de l’Exclusion ayant pour but d’exclure Jacques, frère du roi et son unique héritier, de la succession du trône. Cette crise amène la cristallisation, au sein du Parlement, des partis whig, en faveur de l’exclusion et défenseur des pouvoirs du Parlement, et tory, attaché à la prérogative royale. Exaspéré, Charles II s’oppose à l’exclusion de son frère de la succession et dissout le Parlement à plusieurs reprises avant de gouverner seul à partir de 1681. Le roi se convertit secrètement au catholicisme peu avant sa mort, en 1685.

La Glorieuse Révolution (1688-1689)

Le frère de Charles II lui succède sous le nom de Jacques II. Dans un premier temps, les Anglais se résignent devant ce règne qui sera certainement court. Mais Jacques II multiplie maladresses et provocations et se met à dos les anglicans et les dissidents. Surtout, il se marie à une princesse catholique et a un fils qui est aussitôt baptisé par un prêtre catholique. Effrayés par la perspective de l’établissement d’une lignée catholique, sept Lords demandent en 1688 à Guillaume d’Orange de venir secourir la religion protestante menacée : c’est le début de la Glorieuse Révolution. Guillaume d’Orange, mariée à Marie Stuart (fille de Jacques II) et qui a besoin de l’Angleterre pour une guerre prochaine avec la France, débarque en novembre 1688 avec 15.000 hommes. L’armée royale se débande après que ses chefs se soient ralliés à Guillaume d’Orange. Le roi est contraint de s’enfuir en France où l’accueille Louis XIV. Guillaume se voit confié à Londres le gouvernement provisoire du royaume.

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The Bill of Rights, huile sur toile de James Northcote, 1827.

Finalement, Guillaume d’Orange et la protestante Marie sont déclarés conjointement roi et reine d’Angleterre en 1689, sous les noms de Guillaume III et Marie II. Ils acceptent le Bill of Rights qui réduit le pouvoir royal et fonde une véritable monarchie parlementaire. Le changement de pouvoir à Londres a pour conséquence une vaste émigration de partisans de Jacques II vers le continent et la constitution d’une véritable Cour à Saint-Germain-en-Laye, où a trouvé refuge le monarque déchu.

La fin des Stuarts

A la suite de son couronnement, Guillaume d’Orange doit écraser en Irlande une révolte menée par Jacques II avec le soutien de la France et mener sur le continent la guerre franco-hollandaise (1690). Après la mort de Marie sans enfant en 1694, il se retrouve seul maître de l’Angleterre. Ses fréquentes absences permettent l’affirmation du pouvoir parlementaire. En 1694, le Parlement vote d’ailleurs le Triennal Act qui fixe la législature à trois ans et prévoit une séance annuelle pour le budget.

En 1702, la reine Anne, soeur de Marie, succède à Guillaume. L’absence de descendance de cette dernière suscite les inquiétudes du Parlement, qui craint la succession éventuelle du catholique Jacques-Edouard Stuart (fils de Jacques II). Afin d’éviter de nouveaux troubles, l’Act of Settlement de 1701 exclut ce fils catholique de Jacques II de la succession et prévoit qu’au décès d’Anne, les droits à la Couronne passeront à Sophie de Hanovre, petite-fille protestante de Jacques II. Sous le règne de la reine Anne est réalisée l’union politique de l’Ecosse et de l’Angleterre sous le nom de Royaume-Uni de Grande Bretagne (Acte d’Union de 1707) : les Parlements anglais et écossais sont fusionnés, à l’avantage du Parlement anglais toutefois. A la mort d’Anne en 1714, le Parlement proclame l’électeur de Hanovre, fils de Sophie de Hanovre, roi de Grande-Bretagne sous le nom de George Ier.

Bibliographie :
François LEBRUN, L’Europe et le monde. XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin, 2002.
Serge BERSTEIN, Pierre MILZA, États et identité européenne, tome 3, XIVe siècle-1815, Paris, Hatier, 1994.
Stéphane HAFFEMAYER, Etat, pouvoirs et contestations. Monarchies française et britannique et leurs colonies américaines, 1640-1780, Paris, Atlande, 2018.
Jérôme HÉLIE, Petit atlas historique des Temps modernes, Paris, Armand Colin, 2004.

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