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L'Histoire de France, de l'Europe & du Monde

La guerre de Cent Ans (1337-1453) est d’abord une prolongation des rivalités opposant Capétiens et Plantagenêts aux XIIe et XIIIe siècles. La fin de la maison capétienne en 1328, avec l’avènement des Valois, donne au roi d’Angleterre une nouvelle arme : Edouard III, en tant que petit-fils de Philippe IV le Bel, peut réclamer la couronne. La confiscation de la Guyenne par le roi de France en 1337 est l’événement déclencheur du conflit. La guerre, entrecoupée par des trêves, peut être divisée en quatre grandes phases : celle des succès anglais aboutissant au traité de Brétigny (1360), la contre-offensive française sous Charles V (1364-1380), le reflux français sous Charles VI et les premières années du dauphin (1380-1429) et la victoire définitive du roi de France (1429-1453).

Les origines de la guerre

Une querelle dynastique

En 1316, à la mort de Louis X le Hutin, se pose pour la première fois la question de la succession au trône. En effet, pour la première fois depuis Hugues Capet, un roi de France meurt sans laisser d’héritier mâle (c’est la fin du « miracle capétien »). Les pairs de France choisissent d’écarter sa fille, Jeanne de Navarre, car « femme ne succède pas au royaume de France » (il s’agit aussi d’empêcher un étranger de devenir roi en l’épousant). Philippe V le Long, frère de Louis X le Hutin, est choisi pour roi de France et est couronné en 1317. A la mort de Philippe V en 1322, Charles IV le Bel (son frère), lui succède naturellement car bénéficiant du choix de 1317.

A la mort de Charles IV le Bel en 1328, le royaume de France se retrouve à nouveau sans successeur désigné, Charles IV n’ayant pas laissé d’héritier mâle. Les femmes sont écartées conformément au précédent de 1317. Cependant, si les femmes ne peuvent pas devenir reines, peuvent-elles néanmoins transmettre la Couronne ? La question n’est pas tranchée. Le roi d’Angleterre Edouard III, petit-fils de Philippe IV par sa mère Isabelle de France, et Philippe d’Evreux, fils de Louis d’Evreux, demi-frère de Philippe IV, apparaissent donc comme des candidats possibles. Les pairs de France refusent de voir Edouard III sur le trône de France et donc décident que les femmes ne peuvent pas transmettre l’héritage royal, écartant le souverain anglais et du même coup Philippe d’Evreux. Ils choisissent Philippe de Valois, neveu de Philippe le Bel par son père Charles de Valois, roi couronné le 29 mai 1328 sous le nom de Philippe VI de Valois. Son surnom de « roi trouvé » (c’est-à-dire parvenu) marque le discrédit qui frappe le roi.

La question de la Guyenne

Malgré le choix de Philippe VI de Valois, la querelle dynastique ne s’ouvre pas immédiatement. Le roi d’Angleterre ne conteste pas la décision des pairs, seule sa mère s’y oppose. La guerre de Cent Ans trouve en effet aussi son origine dans un conflit larvé autour de la question de la Guyenne.

La Guyenne est une possession du roi d’Angleterre depuis 1188. En tant que duc de Guyenne, le roi d’Angleterre est vassal du roi de France et tenu de lui rendre hommage, ce qui pose difficulté : comment peut-on à la fois être roi et vassal ? Le souverain anglais rechigne à prêter hommage, et plusieurs fois le duché a été confisqué, comme en 1324. En 1329, Edouard III est menacé d’une nouvelle confiscation de la Guyenne et rend hommage au roi de France à Amiens ; en 1331, il reconnaît que cet hommage était lige. A partir de 1333, Philippe VI décide de soutenir les Ecossais dans leur nouvelle guerre contre les Anglais, réactivant la Vieille Alliance, ce qui contribue fortement à dégrader les relations franco-anglaises. En 1337, Philippe VI de Valois confisque à nouveau la Guyenne pour cause de félonie. Cette fois, Edouard III se saisit de l’occasion et déclare la guerre à « Philippe de Valois, qui se dit roi de France ». Il réclame la couronne.

Le royaume de France dans la tourmente (1337-1364)

Les défaites françaises (1337-1364)

Au début de la guerre de Cent Ans, les offensives restent limitées, les deux rois manquant d’argent. La bataille de l’Ecluse (1340), qui voit la destruction de la flotte française, donne la maîtrise de la Manche aux Anglais. La même année, la Flandre anglophile reconnaît Edouard III pour roi de France. Les deux rois s’opposent dans la guerre de Succession de Bretagne (1341-1343) qui se conclut par une trêve permettant aux Anglais de prendre pied dans la péninsule bretonne. En 1345, la guerre prend une plus grande ampleur et, à Crécy (Nord de la France), les Anglais infligent en 1346 une écrasante défaite aux Français. La défaite française permet à Edouard III de prendre Calais (1347). Une trêve est conclue, due entre autres à l’arrivée de la peste noire, et le règne de Philippe VI se termine dans la honte ; Jean II le Bon lui succède en 1350.

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La bataille de Poitiers par Jean Froissart, Chroniques.

La guerre reprend en 1355 avec la chevauchée d’Edouard Woodstock, le Prince Noir, de Bordeaux à Narbonne. L’année suivante, l’armée française est écrasée à Poitiers (1356) en tentant de barrer la route au Prince Noir ; le roi est capturé et emmené à Londres. Ce dernier doit accepter le traité de Londres en 1358 qui cède entre autres au roi d’Angleterre un large territoire dans le Sud-Ouest, autour de la Guyenne.

La crise politique ouverte après la bataille de Poitiers grandit les ambitions personnelles dans le royaume de France. Charles le Mauvais, roi de Navarre et petit-fils de Louis X, dispose d’un véritable « parti » au sein du royaume et semble jouer un double-jeu avec le dauphin Charles et le roi d’Angleterre, soutenant alternativement l’un et l’autre.

En 1359, Edouard III tente de se rendre à Reims lors d’une nouvelle chevauchée afin de s’y faire couronner roi de France mais n’y parvient pas ; cet échec débouche sur le traité de Brétigny (1360) revenant sur le traité de Londres. Le roi d’Angleterre garde un large Sud-Ouest (un tiers du territoire français) mais renonce à la couronne de France et la rançon demandée pour Jean II le Bon est abaissée.

La jacquerie d’Etienne Marcel (1358) et les troubles sociaux

A Paris, suite au traité de Londres, éclate en 1358 la révolte des jacques d’Etienne Marcel, prévôt des marchands. Le 22 février, une émeute organisée aboutit au meurtre de Regnault d’Acy, l’un des négociateurs du traité de Londres, puis à l’invasion du palais de la Cité où le maréchal de Champagne Jean de Conflans et le maréchal de Normandie Robert de Clermont sont tués sous les yeux du dauphin Charles. Ce dernier est ensuite coiffé du bonnet rouge et bleu, couleurs de Paris, en signe d’humiliation. Le dauphin, se sentant en danger, quitte la capitale qui reste aux mains d’Etienne Marcel. En juin 1358, le dauphin marche sur Paris avec une armée. Apprenant cela, Etienne Marcel songe à faire appel aux Anglais, ce qui lui vaut d’être assassiné le 31 juillet pour trahison. Le dauphin Charles peut entrer dans Paris et pacifier la ville.

La révolte des jacques d’Etienne Marcel, si elle est la plus impressionnante de la période, n’est pas la seule. Les campagnes d’Île-de-France se révoltent fin mai 1358. Au début de juin, les paysans de Champagne, de l’Artois, de la Picardie et de Normandie se soulèvent contre leurs seigneurs. Dans ces régions, des paysans menés par un nommé Guillaume Carle s’attaquent aux châteaux de nobles, pillés et incendiés. Charles le Mauvais, roi de Navarre, réprime les Jacques en Champagne, territoire qu’il revendique, capture Guillaume Carle et le fait décapiter.

Nouveaux espoirs et nouvelles désillusions (1364-1422)

Charles V et le redressement éphémère (1364-1380)

Charles V succède à son père en 1364. Dans un premier temps, il neutralise Charles le Mauvais, lequel convoite la Bourgogne. Bertrand du Guesclin, qui mène l’armée royale, bat les Anglo-Navarrais à Cocherel (1364). Du Guesclin est l’instrument du redressement français sous Charles V. Il débarrasse le royaume des compagnies qui pillent les campagnes avant de reconquérir progressivement le territoire. Il est fait connétable en 1370. La reconquête est sans gloire, faite de coups de mains avec une petite armée (les grandes batailles sont évitées), mais redoutablement efficace. Les Français négocient aussi avec les populations locales sous domination anglaise, et nombreuses sont les villes qui se déclarent françaises. A la mort de Du Guesclin en 1380, le roi d’Angleterre ne contrôle plus que Bordeaux, Bayonne, Calais, Cherbourg, Brest et quelques forteresses du Massif central. Dans les faits, le traité de Brétigny est presque effacé.

Charles V meurt la même année que son connétable. Le roi a pu réorganiser le royaume : les fortifications des villes et châteaux sont rénovées et une nouvelle muraille est érigée sur la rive droite de Paris ; les Grandes Compagnies ont été chassées, permettant le renouveau du commerce ; l’artillerie est développée ; la maîtrise des mers est retrouvée grâce à la victoire navale de La Rochelle (1372).

Des réformes sont entreprises. La fiscalité est développée : officiellement extraordinaires et provisoires, le fouage (impôt direct), les aides et la gabelle (impôts indirects) deviennent permanents (1355-1356). Afin d’empêcher une répétition de la crise successorale de 1328, un édit précisant les règles de succession au trône est promulgué en 1374, lequel exclut complètement les femmes. La même année, une petite armée permanente est mise sur pied et soldée même en tant de paix (idée reprise par Charles VII).

Charles VI hérite à son avènement d’une situation solide. Les réformes ne survivront pas toutes à la folie du roi et la lutte des partis.

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La bataille navale de La Rochelle par Jean Froissart, Chroniques.

Charles VI et le nouvel abaissement du royaume (1380-1422)

La jeunesse de Charles VI (12 ans) à son avènement, puis la folie qui se déclare chez le roi en 1392, après seulement quatre ans de règne effectif, stimule les appétits personnels. A la Cour, Louis, duc d’Orléans, et son oncle Philippe le Hardi, duc de Bourgogne cherchent à établir leur domination. Le duc d’Orléans et le duc de Bourgogne s’opposent sur toutes les questions importantes : la réforme de l’Etat, le Grand Schisme d’Occident (1378) et la reconquête des territoires perdus. Si le conflit demeure larvé sous Philippe le Hardi, il prend la forme d’une guerre civile sous Jean sans Peur qui succède à son père en 1404 au duché de Bourgogne. Le nouveau duc de Bourgogne fait assassiner Louis d’Orléans en 1407 à Paris. Désormais, Jean sans Peur domine le Conseil du roi. Le fils de Louis d’Orléans, Charles, entreprend de venger son père. Bernard VII d’Armagnac, le père de son épouse, va donner son nom à son « parti » : les Armagnacs. Chaque « parti » a son programme politique : les Armagnacs sont partisans d’un Etat fort ; au contraire Jean sans Peur se pose en défenseur des libertés et des coutumes. Les Armagnacs et les Bourguignons se livrent une lutte sans merci, n’hésitant pas à faire appel au roi d’Angleterre.

Du côté militaire, le conflit ne reprend pas sous Henri IV (1399-1413) occupé à résoudre des problèmes intérieurs en Angleterre. Henri V, son successeur, décide en revanche d’entreprendre la conquête de la France, rêvant de joindre la couronne de France à celle d’Angleterre. Il est d’autant plus décidé que la lutte entre Armagnacs et Bourguignons lui donne l’image d’un royaume affaibli, facile à prendre.

En 1415, l’armée anglaise remporte une grande victoire à Azincourt, dans le Nord de la France, sur une armée française pourtant largement supérieure en nombre. La Normandie est conquise de 1417 à 1419. Dans le même temps, un nombre croissant de villes se rallient au duc de Bourgogne Jean sans Peur, comme Lyon. Une entrevue a lieu à Montereau entre Jean sans Peur et le dauphin Charles (futur Charles VII) ; mais lors de la médiation, les proches du dauphin assassinent le duc. La rupture entre Armagnacs et Bourguignons est consommée, et Philippe le Bon, nouveau duc de Bourgogne, se range définitivement du côté des Anglais. Paris est conquise par Henri V en 1420. Jusqu’en 1424, les Anglais nettoient la plupart des territoires au Nord de la Loire, avant que la guerre ne s’enlise à nouveau.

Bibliographie :
BALARD Michel, GENÊT Jean-Philippe, ROUCHE Michel, Le Moyen Âge en Occident, Paris, Hachette, 1999.
KERHERVÉ Jean, Histoire de la France : la naissance de l’Etat moderne. 1180-1492, Paris, Hachette, 1998.
VERNEUIL Christophe, Etat et Etat-nation en France du XIIIe siècle à nos jours, Paris, Ellipses, 2012.

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