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L'Histoire de France, de l'Europe & du Monde

Au Ier siècle après J.-C., Rome se trouve à la tête d’un empire comptant plus de 50 millions d’habitants (estimation à la mort d’Auguste), les citoyens romains formant une petite minorité en son sein (10 à 15 %). L’Empire s’appuie sur deux échelons pour encadrer les territoires et les populations : les provinces, sous la direction de gouverneurs, et les cités, qui disposent d’une relative autonomie sous des statuts divers (cités pérégrines, municipes, colonies). La cité étant le cadre essentiel de la civilisation (humanitas), elle joue un rôle essentiel pour l’intégration des populations et le maillage du territoire, la province servant de relais entre les provinciaux et l’empereur.

Rome, capitale du monde romain

La ville de l’empereur

Rome est la ville où réside l’empereur, même si certains voyagent dans les provinces de l’Empire, comme l’empereur Hadrien, ou passent beaucoup de temps sur les théâtres d’opération. La présence de l’empereur à Rome se manifeste notamment par le complexe palatial érigé sur la colline du Palatin, colline où Romulus aurait pris les augures avant de fonder la ville. Octave y possédait une domus avant même de devenir Auguste, noyau initial qui s’agrandit. En 64, Néron profite de l’incendie de Rome pour édifier un immense complexe palatial, la Domus aurea (« Maison dorée ») comprenant un vaste parc paysager de 50 hectares. Le pouvoir impérial se met en scène dans la capitale à travers diverses autres constructions : Auguste fait construire son forum au nord du vieux forum avec un temple dédié à Mars vengeur (en référence à César), et édifie l’ara pacis, bâtiment carré marquant la paix retrouvée ; Vespasien, qui cherche à se poser en nouvel Auguste, fait bâtir aussi son propre forum impérial avec un temple de la Paix.

Le siège de l’administration centrale

Rome est le siège de l’administration impériale composée du Conseil impérial (concilium principis) et des bureaux palatins (chancellerie impériale).
Le Conseil impérial, groupe informel de proches et de conseillers du princeps sans existence institutionnelle, est destiné à conseiller l’empereur. Ce Conseil prend, dans les faits, un rôle d’organe décisionnel à la place du Sénat. La chancellerie impériale forme les services administratifs centraux et est composée de différents bureaux et services spécialisés par l’empereur Claude (ainsi le bureau ab apistulis est chargé de la correspondance officielle avec les provinces, le bureau a rationibus est chargé des finances). Auguste et les premiers empereurs ont recours à des esclaves et à des affranchis, mis à la tête de ces bureaux ; à partir de Domitien, les bureaux passent sous la direction de chevaliers à quelques exceptions près. Sous le règne d’Hadrien, les affranchis sont désormais évincés.
Même si le Sénat a perdu le rôle de premier plan qu’il tenait sous la République, l’empereur est tenu de le respecter. Les premiers empereurs en particulier assistent aux séances du Sénat. Le Sénat se voit notamment confiée la gestion des provinces sénatoriales, même si l’imperium de l’empereur lui permet en théorie d’intervenir dans toutes les provinces. Au niveau législatif, le Sénat vote des sénatus-consulte qui sont cependant à l’initiative de l’empereur. Le Sénat garde aussi des attributions judiciaires (crimes de concussion et crimes politiques et de haute trahison) et administratives (comme la gestion de l’aerarium Saturnii, ancien Trésor de la ville de Rome).

L’administration de la ville

Auguste a joué un rôle majeur dans la réorganisation de l’administration de la ville. Il créé ainsi les préfectures, détenues par des chevaliers : la préfecture de l’annone (chargée du ravitaillement en blé), la préfecture des vigiles (chargée de la police nocturne et de la lutte contre les incendies) et la préfecture du prétoire (chargée de la sécurité personnelle du princeps). Très rapidement, le préfet du prétoire acquiert aussi le rôle de conseiller impérial (exemple de Séjan pour Tibère). La préfecture de la Ville, détenue par un sénateur, supervise l’ensemble des services. Auguste créé aussi les curatelles, moins prestigieuses que les préfectures, confiées à des sénateurs consulaires : curatelle des eaux, curatelle des bâtiments publics et des temples, curatelle du Tibre et des égouts.

Le système provincial

La création des provinces

Le mot provincia désigne, à l’origine, toute tâche confiée à un magistrat ou pro-magistrat, à Rome ou ailleurs (un ordre de mission en quelque sorte). Ce n’est que progressivement que le terme prend un sens spatial et administratif : un territoire en dehors de l’Italie placé sous la domination directe de Rome. La création d’une province fait suite à une conquête, plus ou moins rapidement (de quelques années à quelques décennies), ou à l’annexion d’un royaume-client. Une loi provinciale est rédigée lors de la transformation d’un territoire en province ; cette loi provinciale comprend un certain nombre de règles et de décisions.

En 27 av. J.-C., Auguste réorganise le découpage provincial en distinguant deux types de provinces : les provinces impériales, généralement militarisées, dont les gouverneurs (légats propréteurs) sont nommés par l’empereur ; et les provinces sénatoriales ou publiques, souvent pacifiées et anciennement conquises, dont le gouverneur (proconsul ou propréteur) est désigné par le Sénat, par tirage au sort. Cette bipartition demeure en vigueur jusqu’à la fin de l’Empire, les provinces pouvant changer de statut.

Les gouverneurs et l’administration

Le gouverneur est un magistrat supérieur, doté de pouvoirs très étendus et surtout de l’imperium. Il assure la sécurité du territoire face aux ennemis et veille au maintien de l’ordre, il contrôle la perception du tributum et des diverses taxes et il dispose d’attributions judiciaires (il est ainsi le seul dans la province à pouvoir condamner à mort). Le gouverneur fait également office de relais entre le pouvoir central et les provinciaux, faisant connaître dans les cités les décisions prises à Rome et transmettant au pouvoir central les requêtes des provinciaux. Pour l’aider et l’appuyer dans sa tâche, le gouverneur est entouré de magistrats et d’« amis » qui forment sa cour, dont les légats qui sont souvent des sénateurs, et aussi de questeurs chargés des finances de la province. A un niveau subalterne travaillent les officiales (qui forment l’officium), soldats et civils, qui remplissent des fonctions de secrétaires, scribes, comptables, messagers, licteurs, archivistes, etc. supervisés par des chefs de service appelés principales. Le gouverneur doit rendre compte de son action à l’empereur ou au Sénat en fonction du statut de la province.

Un cas à part : l’Egypte

L’Egypte a été officiellement provincialisée en 30 av. J.-C., suite à la victoire d’Octave-Auguste sur Marc-Antoine et Cléopâtre, mais demeure à part dans le système provincial. En raison de sa richesse et de son importance, elle est interdite aux sénateurs romains et placée sous la direction du préfet d’Egypte, issu de l’ordre équestre et choisi par l’empereur. La plupart des structures locales héritées des Ptolémée sont conservées, comme la division en nomes (départements) et les stratèges à leur tête, nommés par le préfet. Les nomes sont regroupés en trois épistratégies (régions) dirigées par des épistratèges, adjoints directs du préfet. L’Egypte représente une province originale sur le plan culturel : la romanisation est limitée dans cette société marquée par un fort clivage entre Grecs et Egyptiens. La langue grecque est privilégiée (y compris sur les monnaies) et l’empereur se fait représenter en roi égyptien, avec les attributs des pharaons et la titulature traditionnelle ; le nom et les titres sont transcrits en hiéroglyphes insérés dans des cartouches.

La ville et la vie municipale

Cités pérégrines et cités de droit latin

De même que tous les habitants de l’Empire n’ont pas le même statut juridique (esclaves, pérégrins, Latins, citoyens romains), toutes les cités de l’Empire n’ont pas le même statut juridique.

Au bas de l’échelle, les cités pérégrines, étrangères au droit romain, sont des cités qui continuent à être régies selon leurs propres lois. Au sein des cités pérégrines doivent être distinguées les cités libres, les cités fédérées et les cités stipendiaires. Les cités libres ont le statut le plus avantageux (et le plus rare), disposant d’une très large autonomie et de garanties ou d’avantages reconnus par Rome. La cité fédérée diffère seulement de la cité libre par le fait que la cité fédérée a son statut garanti par un fœdus, traité qui précise ses droits et devoirs. Quant aux cités stipendaires, les plus nombreuses, elles sont astreintes au paiement d’un tribut (stipendium ou tributum). Le statut de la cité pérégrine est généralement décidé au moment de la conquête, en fonction du comportement tenu par la cité avant et pendant la guerre.

Au-dessus de la cité pérégrine (en dignité) mais au-dessous de la cité de droit romain existe la cité de droit latin, statut intermédiaire, plus prestigieux que celui de cité pérégrine, qui octroie aux hommes libres de la cité, au moment de l’accès au droit latin, ledit droit latin. C’est un moyen de romanisation. Comme les cités pérégrines, les cités de droit latin ont leurs propres institutions (Sénat local, magistrats, etc.). Ce statut intermédiaire est utilisé à des fins d’intégration, c’est un outil de romanisation. Ainsi, les communautés de Gaule Cisalpine qui disposaient du droit latin depuis la fin de la guerre sociale en Italie reçoivent collectivement le droit romain en 49 av. J.-C., avant que la province de Cisalpine ne soit intégrée dans l’Italie en 42-41 av. J.-C. En 74 ap. J.-C., Vespasien octroie le droit latin à toutes les cités pérégrines d’Hispanie.

Les cités de droit romain : municipes et colonies

En haut de l’échelle se situent les municipes et colonies de droit romain. Le municipe est une cité pérégrine ou une cité de droit latin ayant accédé au droit romain ; le droit local et les institutions sont conservés et le droit romain vient s’ajouter. La colonie désigne à l’origine une création ex nihilo, effectuée par Rome sur un territoire conquis, et peuplée par des citoyens romains ; cependant au fil du temps le terme de « colonie » finit par devenir un titre prestigieux octroyé par l’empereur à une cité (sans autres droits que ceux des municipes de droit romain). La colonie se veut une émanation de Rome (une « Rome miniature »), d’où l’honneur d’appartenir à une colonie.

Les institutions de la ville

Les institutions des cités reproduisent le cadre mixte de Rome, avec trois institutions principales : des magistrats, un Sénat local et une ou plusieurs assemblées du peuple (curies). Les magistrats locaux suivent, comme à Rome, un cursus honorum et le duumvirat vient couronner la carrière (les duumvirs, au nombre de deux, dirigent la vie de la cité).

Le nom et les types de magistratures varient d’une cité à une autre, mais le cursus – moins réglé qu’à Rome – est généralement organisé en trois étapes : la questure (pouvoirs financiers), l’édilité (autorité sur les édifices sacrés, police des rues et nocturne, police des marchés) et le duumvirat. Dans certains municipes, les duumvirs et édiles sont remplacés par les quattuorvirs.
Le Sénat local est souvent nommé « ordre des décurions ». Les décurions composant le Sénat sont d’anciens magistrats, leur nombre varie selon la taille de la cité (d’une vingtaine à plus d’une centaine). Réunis dans la curie ou dans un temple sur convocation des duumvirs, ils ont la main sur les finances de la cité, décident des travaux, dirigent la vie religieuse officielle et contrôlent la procédure judiciaire.
Le rôle du peuple de la cité est assez insignifiant. Les habitants de la cité sont répartis dans les curies ou tribus (unités de vote) et élisent les magistrats. En dehors de l’élection annuelle des magistrats, ils peuvent voter des remerciements à des gouverneurs, des magistrats ou à des bienfaiteurs de la cité, et l’élévation de statues en leur honneur.

Bibliographie :
BÉRANGER-BADEL Agnès, Rome, ville et capitale. De César à la fin des Antonins, Paris, Hachette, 2002.
CLAVÉ Yannick, Le monde romain, 70 avant J.-C. – 73 après J.-C., Paris, Dunod, 2014.

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