Philisto

L'Histoire de France, de l'Europe & du Monde

Au Ve siècle, les îles britanniques subissent les invasions germaniques occidentales. Les premiers envahisseurs sont les Angles, les Jutes et les Saxons, poussés par leur démographie et attirés par la perspective d’acquérir des terres riches. S’ils repoussent les Celtes dans des zones réduites, ils entretiennent néanmoins quelques relations avec eux, notamment avec les Irlandais qui seront des agents majeurs de leur christianisation. Une seconde vague d’invasion à partir du IXe siècle, due aux Vikings, va à nouveau bouleverser des royaumes pacifiés et amener à terme la conquête de Guillaume de Normandie.

Des premiers royaumes à la conquête normande

Les premières migrations et la conquête des îles britanniques

Le premier royaume barbare apparaît en 473 dans le Kent (Sud-Est). Il s’agit d’un royaume jute, bien que les populations qui le composent soient d’origines diverses. Ce royaume se caractérise par le maintien de l’organisation romaine et l’élaboration d’une civilisation romano-barbare. Dans le même temps, les Saxons s’installent dans le Sussex vers 477 (extrême-Sud) et les Angles peuplent la région de la Wash, au Nord du Norfolk. A partir de ces trois régions côtières commence la pénétration vers l’intérieur.
Les Bretons et Romains luttent vigoureusement contre l’expansion vers l’Ouest des peuples barbares, résistance symbolisée par le légendaire roi Arthur. La conquête de l’Ouest ne va se faire que dans la seconde moitié du VIe siècle, grâce à l’arrivée de nouveaux groupes saxons. Seuls l’Ouest gallois et l’Ecosse échappent à la domination anglo-saxonne.

La conquête a pour conséquence un déclin rapide de la vie urbaine (pillages et destructions), le recul du Christianisme et les migrations des peuples autochtones vers les montagnes de l’Ouest, l’Irlande et surtout l’Armorique. Les structures administratives romaines sont démantelées, les lois ne sont plus respectées et le latin disparaît.

Des royaumes anglo-saxons rivaux

A la fin du VIIe siècle, au moins neuf royaumes se partagent les territoires conquis : la Bernicie, la Northumbrie, le Deira, la Mercie, l’East-Anglia, l’Essex, le Kent, le Sussex et le grand royaume de Wessex. Au VIIIe siècle, la Bernicie et le Deira sont rattachés à la Northumbrie (on parle de l’Heptarchie). Certains souverains sont bien plus puissants que leurs voisins et ne tardent pas à entamer des conquêtes ou établir des protectorats : à la fin du VIIIe siècle, Offa, roi de Mercie, est qualifié de « roi d’Angleterre ». Dans la première moitié du IXe siècle, Ecgbert, roi du Wessex, soumet la Mercie puis le Kent, l’Essex, la Sussex et la Northumbrie. Avant les invasions vikings, il est le plus puissant souverain anglo-saxon. A la fin du IXe siècle, Alfred, roi du Wessex (871-899), dispose d’un royaume puissant et parvient à endiguer l’expansion scandinave. Son fils et successeur Edouard l’Ancien (899-924) entreprend une politique d’expansion, s’empare de territoires danois et les fortifie. Son fils Elsthan est le premier à régner sur toute l’Angleterre.

L’invasion danoise

La première offensive viking est datée de 793 (pillage du monastère de Lindisfarne). L’arrivée des Scandinaves bouleverse le contexte politique des îles britanniques. Aux raids périodiques succède une implantation durable. Les nouveaux arrivants entrent progressivement en lutte avec les royaumes anglo-saxons. Alfred le Grand est le seul roi anglais qui réussit à leur résister. Il réunit tous les Anglo-saxons à partir de 878 et remporte la victoire décisive d’Ethandun (878) qui met un coup d’arrêt à l’expansion scandinave. Au IXe siècle, les Danois s’établissent dans l’Est de l’Angleterre qui prend le nom de « Danelaw ».
Au Xe siècle, les incursions s’amplifient. En 1016, le viking Knut le Grand s’empare de toute l’Angleterre suite à sa victoire sur Edmond II (bataille d’Assandun). Knut est alors à la tête d’un véritable empire, dominant le Danemark, la Norvège, une parti de la Suède et l’Angleterre. La première moitié du XIe siècle voit se succéder sur le trône les descendants de Knut et d’Edmond II. En 1066, Edouard le Confesseur, un descendant d’Edmond, meurt sans héritier et désigne Guillaume le Bâtard, duc de Normandie, comme successeur. Pourtant, c’est Harold, comte anglo-saxon, qui est reconnu roi. Guillaume traverse La Manche avec une armée et écrase à Hastings l’armée d’Harold, qui est tué au cours de la bataille. Guillaume le Bâtard, couronné le jour de Noël 1066, devient Guillaume « le Conquérant ».

La conquête normande permet de rattacher l’Angleterre au continent, la sortant de son isolement relatif. Le roi d’Angleterre, en tant que duc de Normandie, est directement impliqué dans les conflits continentaux. Cette implication est renforcée par l’instabilité de la succession royale à partir de la mort du fils de Guillaume le Conquérant, Henri Ier Beauclerc, en 1135 : les rois de France ne se privent pas d’utiliser leur position de suzerain pour jouer sur les différents familiaux.

La société britannique

Un monde rural prédominant

Au haut Moyen-Âge, l’activité rurale constitue le fondement de l’économie. La majorité de la population vit à la campagne (environ 90 % d’après le Domesday Book en 1086) et est regroupée dans de petites communautés agraires (tunstownshipsvillsmanors selon les régions). Les hommes libres (ceorls) s’opposent aux esclaves qui restent numériquement importants dans l’Angleterre anglo-saxonne. Les petits propriétaires coexistent avec les tenanciers des seigneurs. Les céréales (avoine, orge, froment) constituent la base de l’alimentation, laquelle est complétée par la vigne et l’élevage.

La vitalité du commerce

Les invasions du Ve siècle ne mettent pas fin à la vie économique : les transactions sont maintenues et l’on continue à faire venir de loin certains produits (le trésor de Sutton Hoo, au VIIe siècle, contient des vases de métal provenant d’Alexandrie et de Constantinople, des monnaies franques, des armes scandinaves). Les échanges se poursuivent entre l’île et le continent. Ainsi, le roi Offa de Mercie demande à Charles, en 795, la protection des marchands anglais. Aussi, si les premiers siècles du haut Moyen Âge anglais sont marqués, comme dans le continent, par le déclin des villes, la vie urbaine ne s’éteint pas pour autant : Bède le Vénérable décrit Londres comme « la métropole des Saxons de l’Est » et le lieu de rencontre « de nombreux voyageurs arrivant par terre et par mer ». Du VIIIe au Xe siècle, de nombreuses villes reprennent vie. York double sa population en deux siècles, Londres s’élargit sur la rive droite de la Tamise, et de vieilles villes romaines connaissent un renouveau à l’instar de Chester. En 1086, Londres compte environ 20 000 habitants et huit villes auraient eu plus de 2500 habitants.

La reconquête spirituelle

Les invasions du Ve siècles détruisent la première Eglise d’Angleterre et imposent le paganisme. L’île redevient une terre de misssions. Deux foyers principaux servent de base à la reconquête des âmes : Rome et l’Irlande. Le pape Grégoire le Grand, à Rome, décide en 597 d’envoyer une mission d’évangélisation dans les îles britanniques conduite par saint Augustin. Le roi du Kent, Aethelbert, se convertit vers 597. En 627, le roi de Northumbrie, Edwin, marié à une fille d’Aethelbert, se convertit à son tour.
De l’autre côté, l’Irlande est animée d’une grande vigueur religieuse. De nombreuses missions d’évangélisation sont menées par des clercs irlandais mais aboutissent à des résultats contrastés, qui dépendent souvent du bien-vouloir des souverains et des hasards des successions. Certains royaumes, tel la Mercie, restent païens jusqu’au VIIe siècle. Ce n’est seulement que vers 685 que l’oeuvre d’évangélisation aboutit à l’organisation d’une Eglise anglo-saxonne. En 690, on compte 15 diocèses anglais; en 709, 17. La fondation de nombreux monastères (Wearmouth, Jarrow, Frome,…) permet le renouveau des études, la redécouverte des auteurs anciens et la formation d’une élite intellectuelle. Les monastères deviennent de grands foyers de culture, se dotant de grandes bibliothèques et développant la copie des manuscrits. C’est dans l’Angleterre du Nord que la culture savante atteint son plus haut degré avec de grands lettrés tels Bède, Wilfrid ou Boniface.

Bibliographie :
GENÊT Jean-Philippe, Les îles britanniques au Moyen Âge, Paris, Hachette, 2005.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *