Les Heures perdues de Pierre Barth�s, r�p�titeur en Toulouse,

ou les choses dignes d'�tre transmises � la post�rit� arriv�es en cette ville ou pr�s d'icy

Ao�t [1755]

Le plus ancien des hommes

Dans la Gazette de France du 15e de ce mois, � l'article de Constantinople, il est dit qu'on avoit �crit de Jassi dans la Transilvanie, que deux hommes du pays �toient morts, l'un ayant atteint l'�ge de 132 ans, et l'autre de 112, qu'ils avoient v�cu 80 ans dans les bois, ne beuvant que de l'eau et vivant du travail des mains, tous les deux parens, et quelque tems avant leur mort ils faisoient 4 lieues � pied tous les dimanches et f�tes pour aller entendre la messe bien loin de ch�s eux et 4 lieues pour revenir.
Heureuse viellesse qu'on peut regarder comme l'�ge des patriarches de nos jours, puisqu'il est tr�s rare qu'on voye des hommes fournir une carri�re si longue. Quelle que soit cependant notre admiration, ces personnes ont pay� le tribut � la nature et nul n'est exempt de cette commune loy qui assujettit les mortels � un m�me sort sans appel et sans retour.
Semel calcanda via lethi. Hora.

Ex�cution militaire

Le 20e de ce mois, la troupe du r�giment de la Sarre, en quartier dans cette ville, punit par le supplice des verges un de leurs soldats, bel homme de sa figure, mari� � ce que l'on disoit, et pour avoir vendu son bonnet de guerre pour la somme de 5 sous. Il fut cruellement trait�, d�grad� ensuite et conduit en chemise sans aucune piti� depuis le cours o� se fit l'ex�cution jusques hors la porte de St. Estienne, o� on luy donna son sac et l'argent de la qu�te qui fut abondante, et on le bannit pour toujours du r�giment muni d'un conged infammant.
Belle le�on pour ces jeunes novices dans l'�cole du Dieu de la guerre qui peut leur apprendre � �viter jusques aux plus petites fautes et � �tre circonspects en toutes choses.

Autel de St. Nicolas

Les habitans de la parroisse de St. Nicolas au quartier St. Ciprien, ayant r�solu de mettre le grand autel de leur �glise en un plus bel �tat et � la moderne apr�s avoir pris plusieurs d�lib�rations dans des assembl�es de paroisse, se sont enfin accord�s avec le sieur Rossart, sculpteur de cette ville, de d�molir l'ancien autel, ouvrage du fameux Bachelier, et de construire le nouveau sur le mod�lle de celuy de la Dalbade. Les socles �tant d�j� plac�s en attendant les colomnes de marbre qui doivent l'embelir, on a plac� le m�morial suivant grav� sur une table de plomb envelop�e dans une carte de St. Nicolas et pos�e sous la pierre qui soutiendra la baze de la colomne attenant l'autel du c�t� de l'�p�tre.
Cette inscription que j'ay faite moy-m�me et qui fut enchass�e solemnellement dans ce mois d'ao�t dans le lieu susd[it] est conceue en ces termes Deo Favente. Et auspicante Mirco Prosule Dom� Stephano Havard de Lamasoire ecclesio rectore odituorum labula primario impensis, sed imprimio divi Nicolai tabulo sumplibus, prosesns altare recenti forma et decore erectum fuit, ac elaboratum.
Opera propositis ex decreto et ex senatus consulto factione repressa confirmatis.
Oditui tabulo primario Stephanus Bourret, Matheus Baissi�, Franciscus Rey, Daniel Abela. Propositi opero Joannes Baron mercator, Jacobus Puget mercator. Oditui tabulo divi Nicolai Petrus Inard, Petrus Pons, Petrus Albert, Joannes-Baptista Bressens. Propositi opero Joannes-Baptista-Joseph Pages clericus, Saturnini Jiron primus in curia tolosa apparitor, Hieronimus Bergn�res et filiol natu minor.
J'ay voulu donner � nos descendans une enti�re connoissance de ce moment pour �terniser la m�moire de messrs les baylles de la table de l'Oeuvre et de la table de St. Nicolas ainsy que les commissaires y d�nomm�s qui par leurs soins et leurs attentions ont acc�l�r� l'ouvrage et rendu tel que chacun peut le voir. Anno Domini M.DCC.LV
Mense Augusto

Suppression des congets d'anciennet�

Au commencement de ce mois, sur la nouvelle de l'infraction des trait�s commise par les Anglois sur les bancs de Terre-Neuve par l'amiral Boscaven sur deux vaisseaux fran�ois, et � cause des pirateries continuelles de cette m�me nation sur nos batimens marchands, quantit� desquels ils ont pris et conduits dans leurs ports, le Roy, voyant qu'il �toit de la prudence de conserver ses troupes, a voulu augmenter les bataillons de deux compagnies nouvelles et a d�ffendu � tous les officiers de ss r�giments d d�livrer aucun conged d'anciennet� � aucun soldat de ses troupes pendant cette ann�e, se r�servant d'y pourvoir quand bon luy sembleroit et selon l'�tat des affaires.
Prudentia sanat.

Po�me h�ro�que sans �gal

Dans le courrier d'Avignon du 29e de ce mois � l'article de Strasbourg, on a lu cecy. On mande de Treves que les sujets de Nassau Sabruk, qui ont eu lieu de trembler pour la vie de leur prince h�r�ditaire, ont tari toutes les sources du Parnasse pour c�l�brer sa convalescence.
Le prince r�gnant a suivi l'exemple d'Auguste qui rendit vers pour vers � un certain po�te, mais avec cette diff�rence que ceux dont le prince allemand a pay� les fleurs po�tiques qui luy ont �t� pr�sent�es avec profession sont d'une �nergie singuli�re. C'est une d�claration en vers par laquelle tous ses sujets sont exempts du dixi�me sur les biens du domaine lequel imp�t ils payoient cy devant.
Je ne crois pas qu'on ait jamais fait un plus beau po�me et je pense n'avoir pas mal fait de rapporter ce trait de la reconnoissance de ce prince pour des sujets si sensibles � la maladie de leur souverain.

Volume 4, pp. 50-54.

Juillet < Ao�t 1755 > Septembre

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