Parce que, gravement malade, trompé par l'impéritie de ses ministres et par l'insuffisance de ses généraux, Napoléon III a fini dans un épouvantable désastre, on l'appelle un rêveur et un halluciné. Je l'ai vu, il est vrai rêver le bien ; n'est-ce pas la condition nécessaire pour le rencontrer quelquefois ? Des fautes ont certainement été commises, à commencer par le début, ce coup dÉtat inutile qui fut « un boulet que l'Empereur traîna vingt ans à son pied » (le mot n'est pas de moi, mais de l'Impératrice, qui me le dit un jour à Chislehurst), et ce pouvoir absolu qui lui fit prendre le rôle de la Providence sur la terre, en un temps et un pays où l'on ne croit plus aux missions providentielles. [...]
Je relèverais bien d'autres erreurs. Mais toutes réunies ne m'amèneront pas à croire que la postérité sera aussi injuste pour Napoléon III que le sont ses détracteurs aujourd'hui. [...]
Napoléon III a été l'homme de deux idées libérales : relever la classe ouvrière et affranchir les peuples opprimés ; la première aurait été un progrès pour l'humanité, si elle avait pu être continuée dans les limites où le gouvernement impérial l'avait retenue ; la seconde qui eût été glorieuse si l'unité de l'Allemagne et celle de l'Italie ne nous avaient été funestes. [...]
Je ne pense pas que jamais souverain ait été plus préoccupé que Napoléon III du bien qu'il pourrait faire. Que de fois l'ai-je vu arriver au Conseil avec des projets d'assistance pour les faibles et les dépourvus ! Sa main était ouverte : elle s'ouvrait même trop, car il ne savait pas répondre par un refus à ceux qui imploraient sa générosité.
Victor Duruy, Notes et souvenirs (1811-1894), 1902.
Cours lié(s) :
Partagez ce document sur un forum (bbcode):
Partagez ce document sur un site web ou un blog (html):
Top 3 du concours du mois |
---|
Vous êtes ...