Les questions autour des Etats et des nations, des minorités, des nationalismes sont fondamentales en géopolitique. Qu'est-ce que sont les nations ? Comment sont-elles nées ? Comment sont apparus les nationalismes ? Quelles sont les relations entretenues entre les Etats et leurs nations ? Autant de questions essentielles à traiter.
Il existe de nombreuses communautés humaines, très diverses tant par la taille que par la nature :
La nation peut être définie comme « un peuple ayant formulé un projet géopolitique » (Stéphane Rosière). Cependant, au delà de cette définition, deux conceptions différentes de la nation s'opposent :
La conception allemande est à l'origine du droit du sang, et la française du droit du sol, en ce qui concerne l'acquisition d'une nationalité.
En France, l'Etat a précédé la nation. Le territoire de l'Etat a rassemblé des peuples différents que rien ne prédisposait à vivre ensemble : clivage Nord-Sud entre langue d'Oïl et langue d'Oc, entre influence romaine au Sud et influence germanique au Nord. Outre ce clivage, de nombreuses minorités linguistiques et culturelles : Basques, Bretons, Corses,... Au XIXe siècle, le pays, unifié politiquement par les différentes régimes politiques (monarchie capétienne, républiques et Empires) est loin d'être unifié culturellement : de nombreux Français ne parlent pas la langue nationale mais des patois locaux, et leur horizon ne va pas plus loin que les villages voisins. Au XIXe siècle, le développement de l'instruction publique, la réduction des espaces par les progrès des transports (chemins de fer), le service militaire, vont brasser les populations, développer une culture commune et contribuer à unifier le pays.
En Allemagne, la situation est tout à fait différente de celle de la France. Les Allemands ont acquis depuis longtemps une conscience nationale grâce notamment à l'unité linguistique. Mais ces populations de langue germanique ont été longtemps morcelées politiquement, divisées en petits royaumes, duchés, comtés ou cités-Etats. Le Saint-Empire romain germanique du Moyen Âge, censé unifier tous ces petits Etats, les a laissé quasi-indépendants et libres de leur politique. Il a fallu attendre le XIXe siècle pour que le mouvement des nationalités aboutisse, sous l'impulsion du chancelier Bismarck, à l'unification politique. Contrairement à la France, en Allemagne, c'est la nation qui a précédé l'Etat.
Outre les nations, il existe aussi des identités supra-nationales qui dépassent le cadre des Etats. Deux exemples illustrent cette situation :
Le nationalisme est une doctrine qui tend à poser le principe de la supériorité de la nation et de ses intérêts avant toute autre considération. Les nationalismes européens ont émergé pendant et après la chute de l'Empire napoléonien et vont devenir l'idéologie dominante aux XIXe et XXe siècles.
Les nationalismes sont le moteur de l'expansion des Etats par trois façons :
Le nationalisme est à l'origine de dynamiques géopolitiques comme l'irrédentisme qui est la volonté d'un Etat d'annexer un territoire parce que ce territoire est peuplé d'individus qui appartiennent à la même nation que celle de l'Etat revendicateur ; ou le rattachisme qui est la volonté des habitants d'un territoire d'être rattachés à un autre territoire (cas des Chypriotes grecs qui souhaiteraient le rattachement à la Grèce).
De nombreux conflits géopolitiques ont été causés par les nationalismes, notamment la fameuse question de l'Alsace-Moselle qui a opposé l'Allemagne et la France de 1870 à 1945.
Deux théories différentes essayent de rendre compte de la naissance des nationalismes :
Ces deux thèses sont chacune en partie vraie : les nations ont généralement une existence spontanée, due au fait ethnique notamment, mais il est vrai aussi qu'un travail de construction est opéré par les élites pour unifier les peuples du territoire.
En Europe occidentale, le nationalisme apparaît aujourd'hui discrédité dans la majorité de la population par ses excès passés et la construction européenne. La préoccupation majeure concerne un affrontement d'identités plus large : l'Occident démocratique et libéral face au monde islamique. Cependant, l'Europe voit ressurgir des sentiments identitaires : sentiments d'appartenance à une région (exemple des Corses, des Bretons, des Flamands, des Wallons, des Ecossais) ou à une religion (croissance de l'islamisme, multiplication des sectes), ce qui pose le problème épineux du communautarisme.
Le nationalisme n'a néanmoins pas totalement disparu en Europe occidentale mais a pris d'autres formes. Il ne se focalise plus sur les frontières et les territoires mais porte d'autres revendications :
Le nationalisme connaît depuis la chute du communisme à l'Est de l'Europe un renouveau qui s'est traduit par la partition de la Tchécoslovaquie en une République tchèque et une Slovaquie, ou encore par l'éclatement de l'ex-Yougoslavie. La Tchétchénie quant à elle souhaite la sécession à l'égard de la Russie et utilise la violence comme moyen pour atteindre ce but.
Dans les pays du Sud, le nationalisme, inspiré du nationalisme européen, s'est développé pendant la décolonisation avec les mouvements indépendantistes (droit des peuples à disposer d'eux-mêmes). Cependant, les Etats décolonisés ont hérité des frontières tracés hâtivement par les colonisateurs européens des XIXe et XXe siècles sans trop se soucier des ensembles ethniques. Un problème se pose : doit-on garder ces frontières « artificielles » et maintenir le status quo ? Ou doit-on redécouper les frontières, ce qui donnerait lieu à des tensions et à des conflits inextricables ?
Une bonne partie des rivalités de pouvoir sur des territoires impliquent aujourd'hui des Etats, avec leurs institutions politiques et leurs armées nationales. D'ailleurs, traditionnellement, les relations internationales s'intéressent aux rapports entre les Etats et non pas entre les nations.
Il existe néanmoins d'autres acteurs géopolitiques infra ou supra étatiques : subdivisions administratives des Etats (régions et départements en France), OIG, ONG, Eglises, partis politiques, syndicats, mafias, etc.
Il existe aujourd'hui près de 200 Etats dans le monde mais ceux-ci sont très divers, par leur taille, population, puissance, régimes politiques, relations avec leurs voisins, organisation interne.
Un Etat actuellement domine tous les autres dans tous les domaines : ce sont les Etats-Unis. Plusieurs Etats peuvent être considérés comme des puissances secondaires (Japon, Chine, France, Royaume-Uni, Allemagne, Russie,...) ou régionales (Mexique, Brésil, Afrique du Sud,...). A l'opposé de la puissance, certains Etats n'arrivent même pas à contrôler leur propre territoire dont des régions entières peuvent être dominées par des mafias ou guérilléros. Ce sont les « failed States » (Etats échoués).
Durant les deux derniers siècles, les Etats se sont multipliés. cette dynamique a plusieurs causes :
Parallèlement à cette prolifération des Etats on observe une dynamique inverse, celle des intégrations régionales (unions économiques). Pour l'instant, l'Union Européenne représente la structure la plus aboutie de ce mouvement avec des institutions collectives, l'unité monétaire et une législation commune importante.
Si l'intégration régionale progresse, diminuant l'importance des frontières, dans certaines parties du monde la question des frontières fait l'objet de nombreux conflits. C'est sur les limites (frontières) des Etats que s'expriment souvent les conflits géopolitiques.
La plupart des frontières entre Etats résultent de leurs rapports de force à un certain moment de leur Histoire. La nation de frontière « naturelle » est subjective et plusieurs Etats peuvent revendiquer un territoire pour établir une frontière naturelle. Ainsi, depuis le XVIIe siècle, la vallée du Rhin est considérée par les dirigeants français comme la frontière naturelle de la France. En 1871, les Allemands ont posé comme critère la référence à un modèle culturel, la limite occidentale de l'aire de langue germanique, ce qui a conduit à la perte de l'Alsace-Moselle pour la France.
Les Etats-multinationaux peuvent être de deux types :
Modèle d'organisation politique dominant dans le monde entier, l'Etat-nation fait correspondre ses frontières avec la limite de la nation. Deux processus différents peuvent aboutir à la naissance d'un Etat-nation :
Il s'agit principalement des Etats africains ou plus généralement des Etats récents et « artificiels ». Cette situation se traduit par de nombreux conflits internes entre de nombreuses ethnies qui cherchent chacune à s'emparer du pouvoir.
Certaines unions régionales ou OIG (organisations inter-gouvernementales) finissent par devenir des sortes d'Etat, par transferts successifs de souveraineté. L'exemple même de l'Etat supra-national est l'Union Européenne mais cela pourrait aussi concerner à l'avenir l'ONU.
L'Etat-nation est-il un concept dépassé ? Menacé par les entités supra-nationales (ONU, constructions supra-nationales, umma), par l'affirmation des régionalismes (mise en valeur des particularismes locaux voire volonté d'indépendance) ou encore par la mondialisation (uniformisation culturelle, mondialisation de l'économie,...), l'Etat-nation semble en perte de vitesse. Pourtant les populations semblent attachées à ce modèle, ce dont témoigne la montée de la droite nationale en Europe de l'Ouest (rejet de l'immigration, de la mondialisation, de l'Union Européenne,...) face au démantèlement de l'Etat-nation. Il est encore aujourd'hui difficile de penser dans d'autres cadres politiques.
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