Philisto

L'Histoire de France, de l'Europe & du Monde

Peu de batailles suscitent autant l’intérêt que celle de Waterloo, qui marque la fin définitive de l’Empire napoléonien. Revenu en France après un court exil sur l’île d’Elbe, Napoléon réorganisa le régime politique de la France et adressa des offres de paix aux autres souverains européens. Mais ceux-ci ne purent visiblement pas supporter de voir le dangereux aigle impérial à nouveau sur le trône et organisèrent l’invasion de la France. Napoléon entra en Belgique pour donner ce qu’il souhaitait être un grand coup de bélier. Le sort des armes conduisit au désastre militaire, et sur le banc des accusés figure en premier chef, Grouchy.

Tout commence bien…

Evadé de l’île d’Elbe où il avait été relégué par les puissances ennemies suite à la première abdication, remonté à Paris sans la moindre difficulté en seulement quatre jours, Napoléon Ier a abandonné ses ambitions guerrières, ne souhaitant s’occuper que de la politique de son pays. Mais les puissances européennes ne l’entendirent pas de cette oreille et projetèrent d’envahir à nouveau la France. Napoléon fut alors bien obligé de revenir à nouveau sur les champs de bataille. Les armées de Blücher et de Wellington arrivèrent rapidement en Belgique avec 220 000 hommes… Napoléon décida donc de lancer l’offensive et rassembla 125 000 hommes. Cela semble peu, mais Napoléon comptait mener la bataille habilement sur le plan stratégique : attaquer par surprise puis couper l’ennemi en son milieu pour battre les deux armées séparément.
Le 15 juin 1815, l’armée napoléonienne entra en Belgique, surprenant Wellington et Blücher et coupant les forces coalisés en leur milieu. Napoléon jubila : il n’avait plus qu’à défaire l’une après l’autre les deux armées prussienne et britannique pour remporter la victoire. Le 16 juin, les combats faisaient rage mais les Français en sortirent vainqueurs : l’armée de Blücher fut mise en déroute. De son côté, Ney fit tout pour empêcher les Anglais de faire la jonction avec les Prussiens. Napoléon comptait alors tenir les Prussiens loin du champ de bataille, pour mieux les battre une seconde fois après avoir écrasé l’armée anglaise. Tenir les Prussiens loin du champ de bataille, c’est la mission que confia Napoléon à Blücher.

Le revirement de la bataille

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Aristocrate de naissance, Emmanuel, marquis de Grouchy, était déjà officier sous l’Ancien Régime avant de devenir colonel pendant les guerres de la Révolution à laquelle il s’était rallié. Napoléon le nomma imprudemment pendant les Cent-Jours Maréchal de France. En effet, Grouchy s’était montré hostile au coup d’Etat du 18 Brumaire, et ses rapports avec l’empereur ont toujours été fondés sur une certaine méfiance. C’est donc lui, qui, avec près d’un tiers de l’armée, était chargé de poursuivre une armée prussienne, de 100 000 hommes, théoriquement en débâcle. Cette armée promena l’armée de Blücher à des kilomètres du champ de bataille, et sans que Grouchy ne s’en aperçoive (!), fit demi-tour pour revenir sur le vrai théâtre de l’affrontement. C’est ainsi que Grouchy continua à poursuivre toujours plus loin une armée fantôme, tandis que l’armée prussienne revenait à grandes marches vers Waterloo, où Napoléon comptait battre les Anglais, du moment qu’ils restent seuls.
A la fin de la journée du 18 Juin, c’est avec joie que Napoléon vit une armée revenir au loin sur le champ de bataille, persuadé qu’il s’agissait de Grouchy. Quand cette armée se rapprocha, Napoléon comprit que c’était Blücher qui revenait avec une armée intacte de 100 000 hommes tandis que Grouchy continuait à chercher à des kilomètres de là une armée qui avait bel et bien disparu.
C’est ainsi que les armées prussiennes et anglaises arrivèrent à faire la jonction, écrasant sous le nombre une armée impériale amputée d’un tiers de ses effectifs. Face à un tel désastre, Grouchy fut désigné à l’unanimité, et par Napoléon lui-même, comme le responsable de la défaite de Waterloo.

Le secret de Grouchy

Grouchy, en tant que Maréchal de France, était libre d’initiatives, pouvant très bien, s’il voyait que la situation avait changé, revenir sur le champ de bataille. Or, Grouchy fut supplié par ses généraux, qui comprirent au son lointain des canonnades que les combats étaient anormalement féroces, de faire marche arrière pour voler au secours de l’empereur. D’une manière étrange, Grouchy ignora les conseils de son état-major, alors qu’il était évident que c’était à Waterloo que se jouait le sort de la bataille et que son retour était vivement attendu. Il reçut même un message tardif de l’empereur, portée par une estafette, lui ordonnant de revenir sur le champ de bataille. Grouchy décida au contraire de se rendre à Namur, au terme de son étrange promenade, sans y avoir perdu beaucoup d’hommes et de matériel, où il apprit l’abdication (définitive) de l’empereur.
Il s’exila un temps en Amérique par prudence, mais rejoignit rapidement la France en 1821, où il ne fut nullement inquiété à son retour (rappelons que Ney a été fusillé). Grouchy fut même rétabli dans ses titres, grades et honneurs, et c’est sans jamais avoir eu à s’expliquer qu’il mourut paisiblement à Saint-Etienne en mai 1847.

Grouchy a t’il trahi l’empereur ? A t’il été acheté par l’ennemi ? Etait-il donc conscient d’avoir mis à lui seul un terme à l’Empire ? A vrai dire, nous voyons que les indices de la trahison sont nombreux ; rappelons aussi qu’une armée de 100 000 hommes, représentant un volume de soldats non négligeable, ne passe pas inaperçue, Grouchy disposant de lunettes et d’observateurs.
Peut-être Grouchy avait-il senti que le vent avait tourné pour l’empereur, que l’Empire avait été essoufflé par ces guerres à répétition, et qu’une victoire à Waterloo mènerait vers des carnages peut-être encore plus sanglants. Peut-être valait-il mieux en finir là. C’est donc en toute vraisemblance, et de sa propre initiative (sans avoir été acheté), que Grouchy mit fin de lui-même à cet Empire agonisant des Cent Jours, qu’il savait de toute façon éphémère.

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