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L'Histoire de France, de l'Europe & du Monde

Les causes de la crise des années 1930 (« Grande Dépression ») sont encore de nos jours discutées. La surproduction industrielle, la spéculation boursière, les déséquilibres financiers des années 1920 ont joué un rôle plus ou moins important. Dès le premier trimestre 1929, des entreprises ont des difficultés pour écouler leur production. En juin, les prix baissent pour de nombreuses marchandises. Le coup d’envoi de la crise est donné le Jeudi 24 Octobre 1929 à Wall Street (le « Jeudi Noir ») : 12 millions d’actions sont jetées sur le marché sans trouver de preneurs et les cours plongent. De nombreux actionnaires ainsi que les courtiers se trouvent ruinés. Les emprunteurs ne peuvent plus rembourser leurs dettes auprès des banques. Le krach boursier amène les gens à thésauriser (retirer de l’argent du circuit économique) et entraîne donc une destruction de monnaie. Les entreprises ne trouvent plus de liquidités dans les banques et beaucoup sont asphyxiées. Si l’Europe avait connu depuis la révolution industrielle un certain nombre de crises, la crise des années 1930 est inédite par son ampleur et sa durée.

Les manifestations de la crise

La déflation, la baisse de la production et la montée du chômage

La première réaction des entreprises face à la faiblesse de leurs ressources est de vendre coûte que coûte leurs marchandises en baissant les prix. Ainsi, la baisse des prix alimentaires va être de 50 %, la baisse des prix manufacturés de 30 %. La baisse des prix entraîne une diminution des recettes qui affaiblit les capacités de production. Aux Etats-Unis, la production chute de 19,7 % de 1929 à 1932 et de 22,7 % lors de la rechute en 1937-1938.
La France est touchée plus tardivement par la crise du fait de l’importance de sa population rurale, agissant comme un marché régulateur. Mais alors que les autres pays connaissent une reprise à partir de 1934, la France, pour des raisons politiques, connaît un tassement tout au long des années 1930 (pas de véritable reprise).

La diminution de la production entraîne une montée spectaculaire du chômage : on parle de près de 25 % de la population aux USA en 1932, sans prendre en compte les chômeurs à temps partiel. Pour la même année, on a 43,7 % en Allemagne, 22,1 % pour le Royaume-Uni. La hausse du chômage entraîne une baisse globale du pouvoir d’achat et accélère la chute de la production (du fait de la baisse de la demande).

Deux autres phénomènes marquent la gravité de la crise :

  • Le nombre de banqueroutes aux Etats-Unis va plus que doubler par rapport à avant 1929.
  • L’investissement diminue fortement (de 50 % aux Etats-Unis et en Allemagne).
La dislocation du commerce mondial

Suite à la crise, les banques américaines rapatrient leurs capitaux prêtés à l’étranger, ce qui entraîne des faillites, d’abord en Europe centrale et en Allemagne. Ainsi, en mai 1931, la plus grande banque viennoise, le Kredit Anstalt, fait faillite et entraîne avec elle le réseau bancaire autrichien. La réduction des importations américaines, de 4,4 à 1,4 milliards de dollars de 1929 à 1932, a pour conséquence une baisse de la demande dans les pays exportateurs. Le commerce mondial diminue ainsi de 25 % en volume et de 60 % en valeur. La baisse des échanges est aggravée par la politique autarcique des différents pays.

Les réactions immédiates des gouvernements

La politique menée par les différents pays aggrave la crise. Le paradigme économique dominant est alors le libéralisme le plus classique selon lequel le moyen d’augmenter le profit est de diminuer les coûts des entreprises (salaires,…) et de leur permettre d’obtenir avec plus de facilité des ressources financières auprès des banques. Globalement, les gouvernements réagissent :

  • en baissant les salaires et traitements des fonctionnaires et les indemnités de chômage (Allemagne, France, Grande-Bretagne dans une moindre mesure).
  • en augmentant les impôts (Allemagne).
  • en diminuant les dépenses publiques de long terme (Allemagne, France).
  • en relevant le taux d’escompte afin de retenir ou d’attirer les capitaux dans leur pays respectif.

Les politiques de relance

La diversité des politiques nationales

A partir des années 1933-1934 se mettent en place des politiques de relance. Néanmoins, il est difficile de dissocier les politiques nationales de relance de la préparation de la guerre.

Aux Etats-Unis, jusqu’en 1932, le président Hoover gère la crise tout en restant dans le cadre libéral. A partir de 1933, Franklin Delano Roosevelt, élu président, suggère une politique volontariste en favorisant la consommation individuelle et en donnant à l’Etat le rôle de redémarrer l’économie par une série de travaux d’utilité collective. Cette politique économique s’appuie sur le déficit budgétaire (de l’ordre de 1/3 sous l’administration Roosevelt). A partir de 1935, le deuxième New Deal emploie plus de deux millions de chômeurs pour la construction d’écoles, de routes, de ponts, de barrages, d’hôpitaux.
En France, la crise provoque un déficit chronique du budget de l’Etat du fait de la baisse des rentrées fiscales. Le gouvernement s’attache à défendre le franc dans le cadre du bloc-or (le bloc-or réunit la Belgique, la France, l’Italie, la Suisse, les Pays-Bas, la Pologne, et permet la convertibilité en or des monnaies nationales). Le déficit progresse sous le Front Populaire avec la distribution de revenus supplémentaires. Malgré ces revenus supplémentaires, le pouvoir d’achat a tendance à diminuer à cause de l’inflation.
En Grande-Bretagne, le gouvernement McDonald dévalue en 1931 la livre et s’engage dans une politique protectionniste contraire à la tradition économique nationale. Certains secteurs comme l’acier et le charbon traversent une crise profonde.
De son côté, l’Allemagne ne paie plus les réparations de guerre depuis le moratoire Hoover (1931) et la conférence de Lausanne (1932). L’Etat organise un double marché des changes : la valeur du mark reste fixe à l’intérieur du pays tandis qu’on procède à sa dévaluation au niveau du commerce extérieur. A partir de 1935, l’Allemagne se tourne vers l’autarcie et se prépare à la guerre (stimulation de l’industrie).

Les convergences

D’une manière plus globale, le protectionnisme connaît un regain de faveur, en particulier dans les Etats qui disposent d’un marché intérieur important (Etats-Unis, les pays disposant d’un vaste empire colonial). Dès 1931 en Grande-Bretagne, les industriels de Manchester appellent le gouvernement à fermer les frontières. Des quotas sur les importations sont mis en place, les protections sont relevées et les droits de douane sont supprimés pour l’ensemble des produits coloniaux de l’Empire. Aux Etats-Unis, le tarif Smoot-Hawley instaure un taux de 50 % sur une grande quantité de produits importés. En France, des centaines de décrets sont pris pour différents secteurs. La France met en place une surtaxe de change pour compenser la dévaluation de la livre sterling qui avantage les produits britanniques sur le marché international.

Partout, l’Etat intervient dans le domaine économique. Les théories de l’économiste anglais John Maynard Keynes connaissent un certain succès. Dans son ouvrage Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie (1937), il conteste l’idée qui voudrait que les différents marchés permettent l’équilibre des différentes catégories économiques et facteurs de production. Il montre comment la libre régulation du marché peut mener à la crise et défend l’intervention de l’Etat dans l’économie.

L’entrée dans l’économie de guerre

Si la reprise est visible dès 1934, l’activité économique retombe en 1938 : aux Etats-Unis, les prix et la production baissent de 20 % en un an. Seule la préparation de la guerre met un terme à la crise : de 1929-1932 à 1938, les dépenses militaires passent de 0,9 % à 28,2 % du PNB en Allemagne, de 2 % à 12,8 % au Royaume-Uni, de 3,8 % à 7,2 % en France, de 2,5 % à 9,8 % au Japon. Ces dépenses stimulent l’industrie de l’armement. A la fin des années 1930, la situation économique n’est pas pour autant rétablie : à titre d’exemple, les échanges internationaux ne retrouveront leur niveau de 1929 qu’en 1950.

Au moment où se profile la Seconde Guerre Mondiale, on ne peut donc pas vraiment parler de reprise économique. L’Europe est touchée par un chômage chronique, le volume des échanges internationaux reste largement inférieur à celui de 1929. Les conséquences sociales sont dramatiques : mal secourues, des millions de personnes vivent dans une grande pauvreté (« marcheurs de la faim » à Paris en 1933). En Allemagne, la crise sert de tremplin au parti nazi et porte au pouvoir Adolf Hitler (chancelier en 1933).

Bibliographie :
BERNARD Mathias, Introduction au XXe siècle. Tome 1 : 1914 à 1945, Paris, Belin, 2003.
BERSTEIN Serge, MILZA Pierre, Histoire de l’Europe du XIXe au début du XXIe siècle, Paris, Hatier, 2006.

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