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L'Histoire de France, de l'Europe & du Monde

L’accession au trône de George Ier marque l’avènement de la dynastie de la Maison des Hanovre. Son fils George II et son arrière petit-fils George III vont ainsi rester au pouvoir jusqu’en 1820. Les absences fréquentes des deux premiers (qui séjournent hors d’Angleterre, ils parlent par ailleurs un anglais médiocre) vont permettre un progrès du régime parlementaire et une consolidation des acquis de la Glorieuse Révolution de 1688-1689. Dans ce cadre, l’opposition entre les partis whig (plutôt libéral) et tory (plus conservateur) prend de l’ampleur. L’affirmation du régime parlementaire britannique va susciter l’admiration des philosophes des Lumières français dont, en premier lieu, Voltaire et Montesquieu.

Les règnes de Georges Ier et Georges II : la domination des Whigs (1715-1760)

L’insurrection jacobite de 1715 et le Septennial Act

Georges Ier (régnant de 1714 à 1727) et son fils Georges II (1727-1760) se sentent étrangers dans leur royaume d’Angleterre, séjournant principalement dans leur Hanovre natal. La nouvelle dynastie ne suscite pas l’unanimité, une partie des Tories restant fidèle aux Stuarts alors en exil en France. Le début du règne de Georges Ier est ainsi marqué par une tentative de soulèvement jacobite en faveur de Jacques-Edouard Stuart, fils du roi renversé Jacques II. L’insurrection, qui éclate dans l’ouest de l’Angleterre et en Ecosse en septembre-octobre 1715, doit être rejointe par le prétendant devant embarquer au Havre avec la bénédiction des autorités françaises. Cependant, quand Jacques-Edouard débarque en Ecosse en décembre 1715, la révolte a été vaincue le mois précédent.

L’insurrection jacobite a pour conséquence l’adoption du Septennial Act (1716) qui porte de trois à sept ans le mandat de chaque Parlement. Les Whigs craignent en effet de perdre les élections prévues en 1718, le gouvernement s’étant rendu impopulaire après la condamnation à mort des insurgés jacobites prisonniers (ils seront finalement graciés). Le Septennial Act favorise la domination des Whigs jusqu’en 1760, dans un système électoral aberrant (des bourgs très peu peuplés sont représentés à la Chambre des Communes au contraire de villes « récentes ») marqué par les irrégularités, l’intimidation et la corruption. L’éloignement des Hanovres permet parallèlement la consolidation du pouvoir parlementaire et l’émergence de la responsabilité ministérielle.

L’ère Walpole (1721-1742)

Robert Walpole, riche propriétaire, député puis chef des Whigs devient en 1721 premier lord du Trésor et chancelier de l’Echiquier. Bénéficiant de la confiance des deux premiers Hanovres et usant de tous les ressorts de la politique (achats de votes par l’argent ou les places), il tient le rôle de Premier ministre jusqu’en 1742. Son ministère est caractérisé par une période de prospérité et par la mise en place de réformes visant l’égalité fiscale et une meilleure redistribution des richesses. A l’extérieur, Walpole mène une politique pacifiste dont l’un des socles est l’alliance franco-anglaise. Les principaux opposants de Walpole sont les Tories mais certaines personnalités whigs se montrent aussi hostiles, tel le vicomte Bolingbroke qui exprime ses violentes critiques dans le journal Craftsman à partir de 1727 et appelle à la formation d’une opposition « patriote ». L’affaiblissement de Walpole vient de son pacifisme affiché dans les affaires européennes : l’opinion anglaise reproche au ministre son manque de fermeté vis-à-vis de l’Espagne lors de la guerre de Succession de Pologne (1733-1738). En 1738, l’affaire d’un marin anglais accusé de contrebande par les Espagnols, qui lui coupent l’oreille, suscite l’indignation en Angleterre et pousse Walpole à déclarer la guerre à l’Espagne (1739). Entraîné dans la guerre de Succession d’Autriche (1740-1748), le ministre essuie des revers militaires qui provoquent sa chute. En 1742, désavoué par une coalition de Whigs et de Tories, il donne sa démission malgré la confiance que lui accorde encore le roi.

Les ministères Pelham et Pitt (1742-1761)

La fin du règne de Georges II est marquée par les ministères Pelham (1746-1754) et Pitt (1756-1761). Henry Pelham poursuit, de 1746 à 1754, une politique semblable à Walpole, consolidant les finances. Le retour à la paix en 1748 favorise cet assainissement des comptes publics. A l’intérieur, la période est marquée par une deuxième grande insurrection jacobite en 1745. Charles-Edouard Stuart, fils de Jacques-Edouard, parvient à rallier à sa cause une partie des Ecossais mécontents de l’Union de 1707 avec l’Angleterre, qui les engage dans des guerres extérieures au profit de l’Angleterre et sans bénéfice pour eux. La tentative de restauration du Stuart doit être appuyée par Louis XV dans le cadre de la guerre de Succession d’Autriche, mais la dispersion de la flotte française par une tempête en 1744 met un terme à l’intervention de la France. Charles-Edouard Stuart parvient malgré tout à entrer à Edimbourg puis à menacer Londres en décembre 1745. Le reflux puis la défaite finale des forces jacobites à Culloden en Ecosse (16 avril 1746), associée aux recompositions politiques en cours, met fin aux espoirs des Stuarts et entraîne la disparition progressive du mouvement jacobite.

Dix ans plus tard, les débuts désastreux de la guerre de Sept Ans (1756-1763) propulsent William Pitt (l’Ancien) au pouvoir malgré l’hostilité de Georges II. S’appuyant sur la presse, Pitt avait développé une opposition patriotique et dénonçait le sacrifice des intérêts britanniques au profit du Hanovre. Le ministre développe une stratégie en priorité maritime, ordonnant à la marine de faire le blocus des ports et arsenaux français. En 1759, la Royal Navy prend l’ascendant sur la marine française. La mort de Georges II amène la chute de Pitt l’Ancien, Georges III obligeant le ministre à démissionner.

Georges III et la contestation du pouvoir royal (1760-1800)

Le retour de l’autorité royale

Âgé de 22 ans lors de son accession au trône, Georges III est un roi véritablement anglais qui entend réellement s’impliquer dans le gouvernement du royaume au contraire de ses prédécesseurs. Bon connaisseur de la tradition anglaise, il entend jouer le rôle que la Constitution lui réserve de droit, sans remettre en cause les droits et pouvoirs du Parlement. L’avènement de Georges III marque aussi la fin du « règne » des Whigs, méprisés par le roi. Celui-ci nomme le tory Lord Bute, son ami le plus cher, premier ministre en 1762. Ce ministre procède à l’épuration de l’administration whig mais, rapidement lassé du pouvoir, démissionne dès 1763. S’ensuit une période d’instabilité ministérielle due aux rivalités des grandes familles et aux désaccords entre les ministres et le roi (Grenville, Rockingham, Pitt, Grafton). Georges III tente en vain de créer un tiers parti au Parlement, les « Amis du Roi », issus majoritairement du parti tory.

La période est également marquée par l’affaire John Wilkes, député à la Chambre des Communes depuis 1757 et journaliste au North Briton. Dans le numéro 45 du 23 avril 1763 de ce journal, Wilkes s’attaque à la prérogative royale, écrivant que le roi n’est que le « premier magistrat » du pays et que la liberté est la « prérogative du sujet ». Incarcéré et poursuivi en justice, il est triomphalement acquitté mais voit son élection dans le Middlesex trois fois invalidée en faveur de son adversaire pro-gouvernemental. La cause de Wilkes reçoit un important soutien populaire se traduisant par des émeutes (1763) et par une vaste campagne, dans laquelle s’inscrivent des pamphlets signés « Junius », réclamant des réformes parlementaires et la diminution des pouvoirs du roi.

Le ministère de Lord Noth et l’échec anglais face aux colonies américaines (1770-1782)

Dans ce contexte troublé, Georges III découvre son ministre idéal, Lord North, nommé en 1770 et qui reste aux affaires jusqu’en 1782. Ce ministère doit faire face à la révolte des colonies américaines, conséquence d’une vaste offensive fiscale. Depuis les années 1760, le gouvernement anglais entend en effet faire davantage participer les colonies américaines à leur défense, de plus en plus coûteuse, sans pour autant accorder aux colons une représentation parlementaire. En 1764, le Parlement vote ainsi le Sugar Act, qui réduit la fiscalité sur le sucre mais l’étend à d’autres produits comme le café, le piment, les indiennes et certains vins. L’année suivante, le Stamp Act, qui impose un timbre fiscal sur les journaux, brochures, almanachs et documents officiels émis en Amérique du Nord, provoque des émeutes et oblige le gouvernement à reculer en abrogeant la loi. Cela n’empêche pas le Parlement de voter de nouvelles taxes sur certaines marchandises britanniques importées dans les colonies en 1767. Des incidents survenus à Boston et le boycott des produits britanniques amènent l’abrogation de ces taxes (1770) mais le mécontentement lié au monopole du commerce du thé, confié à l’East India Company, donne lieu à la Boston Tea Party (1773) au cours de laquelle des caisses de thé de la Compagnie sont jetées à la mer.

Georges III et son premier ministre répondent par la fermeté en envoyant des troupes. En 1774, un premier congrès rebelle à Philadelphie relance le boycott. En 1775, le rejet par le roi de la proposition de conciliation du deuxième congrès rebelle de Philadelphie déclenche la guerre d’Indépendance américaine. Malgré des débuts difficiles (prise de New York en 1776), les colons parviennent à faire face et à infliger à l’armée britannique l’humiliante défaite de Saragota (1777). L’entrée en guerre de la France (1778) et avec elle l’Espagne (1779) et la Hollande (1780) puis la prise de Yorktown (1781) aboutissent à la reconnaissance de l’indépendance des colonies américaines (traité de Versailles en 1783). L’échec face aux colonies entraîne la chute de Lord North (1782) et une forte contestation libérale.

William Pitt le Jeune face aux contestations (1783-1800)

L’effervescence liée à la guerre en Amérique contribue à une fermentation révolutionnaire. En 1780, une campagne de pétitionnement pour le retrait du Papist Act (1778) qui assouplit la condition des catholiques, menée à l’initiative du Lord George Gordon, dégénère en émeute xénophobe et anticatholique (les Gordon Riots). A la même période, des sociétés politiques pour le suffrage universel masculin et un redécoupage électoral plus juste sont créées. En Irlande, les contestations libérales et catholiques obligent le gouvernement à lâcher du lest en concédant notamment l’autonomie législative et judiciaire (1782-83). C’est dans ce contexte que le whig William Pitt le Jeune (fils du précédent) prend la tête du gouvernement à la fin de l’année 1783. La dégradation de l’état de santé du souverain au cours des années 1780, le rendant incapable de gouverner (il perd la raison), sert le ministre qui se maintient jusqu’en 1806, avec une interruption de 1801 à 1804.

La Révolution française, accueillie favorablement en Angleterre dans un premier temps, alimente l’agitation politique. Pitt se lance avec ses soutiens dans une politique de répression : établissement de la censure sur les écrits séditieux (1792), construction de casernes dans les villes ouvrières, interdiction des sociétés politiques (1793), suspension de l’Habeas Corpus (1794), loi soumettant les réunions à une autorisation préalable et permettant leur dissolution (1795), interdiction des associations ouvrières (1799). En Irlande, un soulèvement éclate en 1798 ; une fois les rebelles matés, la loi d’Union supprime le Parlement de Dublin (1800). A l’extérieur, Pitt mène une politique contre-révolutionnaire et antifrançaise qui fait de la Grande-Bretagne un pôle de résistance contre la France, combattue dans la Manche et jusqu’en Egypte (1793-1802).

Bibliographie :
Jean DELUMEAU, Une Histoire du monde aux temps modernes, Paris, Larousse, 2005.
Stéphane HAFFEMAYER, Etat, pouvoirs et contestations. Monarchies française et britannique et leurs colonies américaines, 1640-1780, Paris, Atlande, 2018.
Roland MARX, Histoire de la Grande-Bretagne, Paris, Perrin, 2004.

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