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L'Histoire de France, de l'Europe & du Monde

L’Angleterre des Tudors voit la mise en place progressive de la Réforme anglicane à travers la rupture avec Rome sous Henri VIII puis les réformes religieuses d’Edouard VI et Elisabeth Ière, malgré la brève tentative de restauration du catholicisme sous Marie Tudor. Les souverains anglais, en particulier Henri VIII, développent également la marine anglaise, qui appuie l’essor du grand commerce maritime. A la même période, l’affirmation de l’Etat anglais confirme et consolide la domination de l’Angleterre sur l’Irlande et l’Ecosse voisines.

L’affirmation d’une Angleterre schismatique (1509-1558)

Henri VIII et la première rupture avec Rome

Henri VIII succède en 1509 à son père Henri VII à l’âge de 18 ans. Deuxième membre de la Maison Tudor, il est intelligent, instruit, doté d’un certain sens politique, et poursuit dans un premier temps la politique de son père à l’aide du cardinal Wolsey, chancelier de 1515 à 1529, se méfiant de la noblesse et réunissant le moins possible le Parlement. Soucieux d’avoir une succession masculine, il souhaite en 1527 répudier Catherine d’Aragon, tante de l’empereur Charles Quint dont il n’a qu’une fille (Marie Tudor), pour épouser la dame d’honneur Anne Boleyn. Cette volonté se heurte à l’opposition du pape Clément VII, ce qui conduit le roi à réunir en 1531 une assemblée du clergé qui le reconnaît comme chef de l’Eglise d’Angleterre. La nullité du mariage est prononcée par l’archevêque de Canterbury, ce qui entraîne l’excommunication du roi par le pape (1533), tandis que Thomas Cromwell, favorable aux réformés, devient principal ministre, poste occupé jusqu’en 1540. La rupture est consommée avec Rome, et le Parlement vote en 1534 l’Acte de Suprématie qui fait de Henri VIII le chef suprême de l’Eglise d’Angleterre, et lui accorde tous les pouvoirs sur celle-ci, à la fois sur le plan de l’encadrement et de la hiérarchie et dans le domaine doctrinal. Henri VIII conserve presque tout du catholicisme, à l’exception de l’autorité du pape (dogme confirmé dans le bill des Six Articles de 1539). En 1536, il choisit néanmoins de dissoudre les monastères et de confisquer leurs biens au profit de la Couronne. Les opposants à la politique religieuse de Henri VIII sont décapités, comme Thomas More.

La politique extérieure d’Henri VIII

Sur le plan extérieur, la méfiance d’Henri VIII à l’égard de la France le pousse à procéder à la fortification des côtes de la Manche, à accélérer la construction navale et à doter le pays de ses propres fonderies de canons. La flotte anglaise devient un instrument privilégié de la politique extérieure et un Conseil est établi pour gérer son entretien et son déploiement (Conseil qui devient plus tard l’Amirauté). En 1544, lors de la guerre contre l’Ecosse, 212 navires transportent ainsi 15.000 soldats. La marine anglaise permet aussi la prise de Boulogne en 1544 dans le cadre de la neuvième guerre d’Italie.

Henri VIII développe une politique plus ambitieuse que ses prédécesseurs en Irlande. L’occupation anglaise (qui remonte à la seconde moitié du XIIe siècle) y s’appuie traditionnellement sur des barons anglo-irlandais, plus ou moins fidèles à l’Angleterre. L’un de ces nobles, Gerald FitzGerald, est renvoyé en 1520 en raison de sa politique jugée trop indépendante. Après avoir été rappelé en 1524, FitzGerald est convoqué à Londres en 1534 et accusé de trahison, ce qui provoque un soulèvement de nobles irlandais, mené par le fils de FitzGerald, qui est violemment réprimé. L’Irlande devient un royaume en 1541 dont Henri VIII se fait proclamer roi avec l’espoir d’y implanter l’anglicanisme.

L’instabilité religieuse après la mort d’Henri VIII

Les années qui séparent le règne d’Henri VIII et celui d’Elisabeth sont marquées par une instabilité politique et religieuse. Les trois enfants d’Henri VIII se succèdent sur le trône (Edouard VI, Marie Tudor et Elisabeth Ière). Le règne d’Edouard VI (1547-1553) est caractérisé par des réformes religieuses allant dans un sens nettement calviniste, sous l’influence de Thomas Cranmer, archevêque de Cantorbéry : abolition du célibat des prêtres et de la messe, remplacement du latin par l’anglais lors des offices et disparition des statues et vitraux des églises. L’Acte d’Uniformité de 1549 impose une liturgie valable dans tout le royaume, laquelle est fixée par Thomas Cranmer. Ces modifications dans le culte suscite des contestations, aussi bien de la part des catholiques que de la part de calvinistes qui estiment que la Réforme ne va pas assez loin. A la mort d’Edouard VI, Marie Tudor, fille de Henri VIII et de Catherine d’Aragon, monte sur le trône. Fervente catholique qui a épousé le fils de Charles Quint, Philippe, elle revient sur toutes les réformes opérées par son prédécesseur et mène des persécutions contre les protestants qui lui valent le surnom de « Marie la Sanglante » (plus de 300 victimes). L’Acte de Suprématie est abrogé en 1554, ramenant l’Eglise d’Angleterre dans le giron romain. Le décès de la reine en 1558 marque la fin de la tentative de restauration du catholicisme.

L’Angleterre anglicane d’Élisabeth Ière (1558-1603)

Le gouvernement d’Élisabeth et l’établissement de l’anglicanisme

Dernière fille d’Henri VIII, Elisabeth succède à Marie morte sans enfant. Très avide de gouverner par elle-même (ce qui explique sans doute son célibat malgré ses nombreuses liaisons), elle réduit le rôle du Conseil privé et gouverne avec son principal secretary William Cecil, tout en se réservant le pouvoir de décision. En 45 ans, le Parlement n’est convoqué que treize fois et généralement pour des sessions brèves. Une révolte de l’aristocratie du Nord en 1569-70 lui offre l’occasion d’exercer une féroce répression, donnant lieu à de nombreuses exécutions, à des confiscations et des démembrements de grands domaines.

Elisabeth se montre à ses débuts prudente sur la question religieuse et cherche un compromis entre catholicisme et calvinisme. En 1559, le Parlement revote l’Acte de suprématie (abrogé par Marie Tudor) qui soumet l’Eglise anglaise à l’autorité de la reine. L’Acte d’uniformité, voté dans le même temps, rétablit avec de légères modifications le Livre de prières d’Edouard VI. Des évêques préparent la rédaction des Trente-Neuf Articles, votés par le parlement en 1563. Avec ce texte, la liturgie et la hiérarchie de l’Eglise anglicane restent proches du catholicisme mais le dogme devient nettement calviniste. Excommuniée par le pape en 1570, Elisabeth entame des persécutions sévères d’une part contre les opposants catholiques et d’autre part contre les opposants calvinistes qui estiment la Réforme inachevée en Angleterre (nommés les « puritains »).

Développement économique et évolution de la société anglaise

Le règne d’Élisabeth est caractérisé par un remarquable développement économique. La population de l’Angleterre (pays de Galles exclu) passe de 3 millions d’habitants en 1551 à 4,1 millions en 1601. Cette population est pour les quatre cinquième rurale malgré l’importante croissance de Londres. L’agriculture qui n’évolue que lentement réussit cependant à faire face à la hausse de la demande des produits alimentaires due à la croissance démographique. Le mouvement des enclosures (cloturation des champs marquant l’essor de l’individualisme agraire) se développe mais reste cependant limité. Les industries disséminées dans les campagnes sont en pleine expansion et travaillent pour l’exportation (notamment des « nouvelles draperies » copiées des Pays-Bas). Le commerce de l’Angleterre prospère grâce aux Navigation Acts d’Henri VIII que la reine complète avec des traités commerciaux.
Londres, capitale politique connaissant une croissance spectaculaire qui la fait passer de 90 000 habitants en 1563 à plus de 150 000 en 1603, joue le rôle de capitale culturelle et intellectuelle (écoles et théâtres) et de grande place commerciale (création de la Compagnie des Indes orientales en 1600) : le trafic de son port rivalise avec celui d’Anvers.

Relations avec l’Irlande, l’Ecosse et l’Espagne

Henri VIII s’était fait solennellement proclamer roi d’Irlande à Dublin en 1541 avec l’espoir de ruiner l’opposition irlandaise et d’imposer la réforme anglicane avec plus de facilité. Cette tentative s’est révélée être un échec. Sous le règne d’Elisabeth, stimulés par des missionnaires jésuites, les Irlandais montrent une opposition farouche à l’anglicanisme. D’autre part, l’Irlande est très étroitement liée, par ses relations commerciales et traditions, à l’Espagne catholique qui envisage à plusieurs reprises un débarquement en Irlande. Elisabeth parvient malgré tout à mater toutes les révoltes irlandaises et l’île semble soumise à sa mort (1603). Même si l’Irlande est dominée, l’antagonisme anglo-irlandais doublé d’un antagonisme religieux semble devenu ineffaçable.

L’Ecosse est très troublée lorsque la reine Marie Stuart (1542-1587), élevée en France et mariée au dauphin François devenu François II (1559), regagne le pays en 1560. Les aristocrates sont en pleine révolte et John Knox a fait adopter en 1560 le presbytérianisme par le parlement.
Catholique sincère, la reine multiplie les erreurs et fait face à un soulèvement général en 1567 qui aboutit à sa défaite, à son abdication en faveur de son fils Jacques et à sa fuite en Angleterre en 1568 auprès de sa cousine Elisabeth. Elle se laisse impliquer dans plusieurs complots visant à la mettre sur le trône à la place d’Elisabeth. Arrêtée et jugée, elle est finalement condamnée à mort puis décapitée en février 1587.

La monarchie espagnole conserve d’assez bons rapports avec l’Angleterre jusque vers 1568, car inquiétée par la France. Mais les relations se détériorent du fait notamment des pillages du navigateur Francis Drake dans les possessions espagnoles d’Amérique, de l’arrivée de Marie Stuart en Angleterre ou encore de l’excommunication d’Elisabeth. Vers 1574 les deux puissances décident de traiter, mais de nouveaux pillages de Francis Drake (1577-1580) qui est par ailleurs armé chevalier par Elisabeth (1580) et le renvoi d’un ambassadeur espagnol venu se plaindre ravivent les tensions.
Philippe II, roi d’Espagne devenu également roi du Portugal, veut s’assurer la maîtrise de l’Atlantique et écarter la menace anglaise. En 1586, il prend la décision d’envahir l’Angleterre. Une énorme flotte composée de 130 navires, nommée par le roi lui-même « l’Invincible Armada », avec à son bord 8000 marins et 19 000 soldats quitte Lisbonne en mai 1588. L’expédition se révèle être un désastre : dispersés par la tempête, les gros vaisseaux sont harcelés par les navires plus légers et plus mobiles de Drake et tentent de regagner l’Atlantique en contournant les îles britanniques par le Nord. En septembre, seule la moitié de la flotte réussit à regagner les côtes ibériques. L’Espagne a alors perdu l’espoir d’abattre sa grande rivale victorieuse qui commence à fonder des colonies en Amérique du Nord (fondation de Virginie en 1585).

Bibliographie :
François LEBRUN, L’Europe et le monde. XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin, 2002.
Robert MUCHEMBLED (coord.), Les XVIe et XVIIe siècles, Paris, Bréal, 1995.
Jérôme HÉLIE, Petit atlas historique des Temps modernes, Paris, Armand Colin, 2004.

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