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L'Histoire de France, de l'Europe & du Monde

Le XVIIIe siècle est en Europe le siècle de la croissance. Le continent connaît une poussée démographique, l’agriculture voit sa production augmenter (même si l’on ne peut parler de « révolution agricole ») et le commerce maritime international se développe faisant de ce siècle l’époque d’une première forme de mondialisation. Cette croissance aboutira en Angleterre à la naissance de la révolution industrielle vers 1760, révolution qui ne touchera le continent qu’au cours du XIXe siècle.

L’essor économique

La croissance de la population

L’Europe du XVIIIème connaît un début de bouleversement économique essentiellement lié à un bond démographique. Ces transformations affectent principalement l’agriculture, le commerce et l’industrie.
En France, le taux de natalité reste élevé mais la mortalité diminue (allongement de l’espérance de vie), accroissant ainsi la population. Si la France plafonnait pendant longtemps aux alentours de 20 millions d’habitants, en 1789 elle en compte 26.
Selon des estimations, l’Europe serait passée, entre 1700 et 1800, de 92 à 145 millions d’habitants.
Pourtant, il ne s’agit pas de révolution démographique dans la mesure où cette poussée démographique s’opère dans des structures presque inchangées (âge du mariage tardif, natalité forte, etc.).
La principale raison de cette révolution démographique serait, non pas l’amélioration des soins thérapeutiques, mais une amélioration des conditions météorologiques, entraînant un accroissement des rendements céréaliers et l’espacement et diminution des épidémies.

La lente évolution de l’agriculture

De nouvelles cultures se développent (maïs, pomme de terre, légumes secs, riz, vigne). Le sol est enrichi grâce à la culture du navet et des légumineuses fourragères. L’accroissement des rendements étant lent face à la montée de la demande (les outils agricoles n’ont pas fondamentalement changé), de nouvelles terres sont mises en culture.
Cette évolution bénéficie de soutiens de théoriciens et praticiens (Jethro Tull, Genovesi, Arthur Young, lord Townshend…) qui améliorent les techniques agricoles. L’agronomie est à la mode dans de nombreux pays, dont la France, l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne. Cependant, les améliorations apportées ne bénéficient alors qu’à un petit nombre de grands propriétaires. On assiste enfin à la naissance de l’individualisme agraire (mouvement des enclosures) qui transforme peu à peu l’agriculture de subsistance en une agriculture capitaliste.

Le développement du commerce maritime

L’élimination de la piraterie, le développement des assurances et des progrès techniques décisifs dans l’art de la navigation accroissent le commerce maritime, en particulier les échanges entre l’Europe, les colonies d’Amérique et les pays d’Extrême-Orient. Les puissances anglaises et françaises assurent la majeure partie du trafic et rivalisent entre elles. L’Europe demande essentiellement aux pays tropicaux des produits « exotiques » (sucre, café, coton, porcelaines, tabac, etc.), tandis qu’elle exporte au Sud des produits manufacturés. Certains ports européens comme Liverpool ou Bordeaux s’enrichissent. La navigation fluviale prend elle aussi de l’importance.
Ce commerce a pour conséquence une accumulation de capitaux en Europe (arrivée massive d’or et d’argent) et une montée des prix.

Les bénéficiaires de l’essor économique

L’Angleterre

C’est en Angleterre que l’essor économique a les conséquences les plus profondes. Le pays prend une avance qu’il conservera jusqu’aux environs de 1880. La flotte commerciale britannique quadruple entre 1763 et 1800, et Londres, qui compte près d’un million d’habitants, devient le premier port et centre financier du monde. L’Angleterre triomphe de la France et surpasse définitivement la puissance maritime des Provinces-Unies.
L’industrie anglaise reste figée jusque vers 1760 dans ses structures traditionnelles et le domestic system (ouvriers-paysans à domicile) reste la règle générale jusqu’à l’avènement du factory system caractérisé par la mécanisation et la concentration technique et géographique des moyens de productions. La production de coton est multipliée par trente entre 1700 et 1789 et celle de fer triple au cours du siècle. L’agriculture se transforme (recul de la jachère, prairies artificielles) et l’élevage se développe (sélection des espèces). De grosses fermes apparaissent et les pratiques communautaires tendent à disparaître. On assiste également à une migration des populations du Sud et du Sud-Est (l’Angleterre « verte » des prairies) vers le Nord et l’Ouest (l’Angleterre « noire » des richesses industrielles).

La France

La France reste essentiellement un pays agricole « traditionnel » où les campagnes, englobant 85 % de la population, ne se transforment pratiquement pas. Les vieilles méthodes perdurent. Fermage, métayage et faire-valoir direct se côtoient et s’associent dans ce monde rural traditionnel dominé par les exploitations familiales. Seul le dernier tiers du XVIIIème siècle voit l’apparition de réels progrès, dus à des agronomes et propriétaires éclairés inspirés par l’Angleterre.
En l’absence de révolution agricole, les paysans français trouvent des revenus complémentaires dans les métiers ruraux traditionnels, principalement les travailleurs à domicile disséminés dans les campagnes. L’ébauche d’un capitalisme industriel n’apparaîtra que dans les dernières années de l’Ancien Régime.
Un marché national se constitue grâce à l’amélioration des voies de communication : rénovation des routes et construction de canaux. Le commerce français reste néanmoins essentiellement maritime, tourné vers la Méditerranée.

Le reste de l’Europe

Face à la France et l’Angleterre, les Provinces-Unies, qui avaient auparavant joués un grand rôle, sont en relatif déclin. L’Europe septentrionale est dominée par le commerce britannique, malgré la politique mercantiliste de certains souverains. L’Europe du Sud, à l’exception de l’Espagne qui connaît un certain redressement, stagne.
C’est en Europe centrale et orientale que l’évolution est la plus marquée. L’Allemagne connaît un réel essor dans le domaine agricole et industriel, malgré l’absence d’un marché national et d’un Etat centralisé. La Russie s’intègre aux grands courants d’échanges internationaux.

Les conséquences sociales

L’ascension de la bourgeoisie

Les marchands, qui ont beaucoup profité de l’essor économique, sont les principaux représentants de la nouvelle élite bourgeoise. Ils s’échelonnent du petit boutiquier au grand négociant dont la fortune peut atteindre quelques millions de livres. Du négoce commence à émerger une bourgeoisie industrielle. A côté nous trouvons aussi les « fermiers généraux », les officiers de justice et de finance et les « gens à talents » (écrivains, journalistes, médecins).
Cette bourgeoisie prend conscience de son poids et souffre du mépris dont la noblesse lui fait part. De ce fait, elle cherche soit à rentrer dans les rangs de l’aristocratie par l’achat de charges anoblissantes, soit à chercher à changer les relations sociales en essayant de placer le mérite au premier plan.
En Angleterre se constitue une classe de riches industriels qui se font bien dans l’aristocratie. En revanche, en Europe centrale et orientale, la bourgeoisie est peu nombreuse et généralement peu influente.

Les difficultés de la noblesse

La noblesse européenne est très hétérogène ainsi que ses réactions face à la montée en puissance de la bourgeoisie. En France, une partie de la noblesse est gagnée par l’esprit d’entreprise et participe aux progrès du capitalisme. Cependant, la majorité se sent menacée dans sa fortune et son rang et tend à se refermer sur elle-même. En Angleterre, l’ascension de la bourgeoisie stimule la noblesse anglaise en tirant profit de ses domaines ruraux. En Autriche, la noblesse accueille avec mépris la « noblesse de bagatelle » formée par de riches bourgeois ayant acheté l’anoblissement. En Prusse, la noblesse est protégée et la bourgeoisie invitée à ne se consacrer qu’au commerce et à l’industrie.

Paysans et ouvriers, laissés-pour-compte

Les paysans, quelles que soient leurs conditions, ne bénéficient guère de l’essor économique de l’Occident. En France, dans les 20 dernières années de l’Ancien Régime, leur condition s’aggrave (mauvaises récoltes, poids des diverses taxes, etc.).
En Angleterre, de nombreux petits propriétaires (yeomen), n’ayant pas les capitaux pour moderniser leurs exploitations, cèdent leurs terres aux gentlemen farmers. La disparition des pratiques communautaires poussent un certain nombre de paysans vers les villes.
De même, le peuple des villes ne bénéficient pas de la croissance économique. Un prolétariat est en voie de formation et, en Angleterre, les conditions de travail dans les nouvelles fabriques sont épouvantables, avec de longues journées de travail, de bas salaires et aucune protection. L’artisan est contraint de voir son salaire baisser à cause de la concurrence de ces nouveaux lieux de production.

Bibliographie :
LEBRUN François, L’Europe et le monde. XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin, 2002.
BERSTEIN Serge, MILZA Pierre, États et identité européenne. XIVe siècle-1815, tome 3, Paris, Hatier, 1994.
HÉLIE Jérôme, Petit atlas historique des Temps modernes, Paris, Armand Colin, 2004.

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