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L'Histoire de France, de l'Europe & du Monde

Le Xe siècle est une période d’éclatement des pouvoirs marquée par les « dernières invasions ». Les Vikings, les Sarrasins et les Magyars mènent des raids maritimes et terrestres dans toute l’Europe occidentale. Ces agressions déstabilisent les structures politiques et économiques occidentales et permettent l’apparition de la féodalité. Partout, les rois vont s’efforcer de retrouver un pouvoir fort. Les différents monarques s’appliquent à affermir leur légitimité à l’aide de juristes et d’une habile propagande (sacralisation du roi, vénération populaire). Le principe héréditaire s’impose (à l’exception encore de l’Empire) en se substituant à l’élection. Les administrations se perfectionnent et la centralisation fait quelques progrès. Les royaumes se construisent sur un cadre national, souvent dans la lutte (guerres franco-anglaises, Reconquista).

La Germanie, l’Italie et l’Empire

La reprise en main du pouvoir royal en Germanie

Au début du Xe siècle, suite à la dislocation de l’Empire carolingien, la Germanie éclate en une multitude de duchés autonomes dont les principaux sont la Saxe au nord, la Franconie au centre, la Souabe et la Bavière au sud. Otton Ier le Grand parvient au pouvoir en 936 et entend reconstituer un pouvoir souverain. Avec l’appui de l’Eglise, il lutte contre les ducs qui refusent de voir se reconstituer un pouvoir fort. Malgré plusieurs révoltes, Otton Ier parvient à préserver le royaume intact. En 955, la victoire du Lechfeld sur les Magyars (ou Hongrois) auréole le roi de gloire. Par la suite, Otton étend l’influence germanique au-delà des frontières de son royaume. A l’Est il soumet les Slaves de l’Oder et de l’Elbe. A l’Ouest, il étend sa suzeraineté sur le royaume de Bourgogne, rattaché à l’Allemagne en 1032. Au Sud, il descend dans la péninsule italienne et se fait couronner roi des Lombards à Milan en 961. Appelé par le pape Jean XII, qui cherche à se débarrasser de la tutelle de l’aristocratie romaine, Otton entre dans Rome en 962 et se fait couronner empereur. Se posant en héritier de Charlemagne, il ambitionne de diriger l’Occident.

Les règnes d’Otton II (973-983) et d’Otton III (996-1002), séparés par la régence de Théophano, sont marqués par de graves difficultés, l’Empire étant en butte aux révoltes féodales, aux assauts des Slaves, Francs et Sarrasins (en Italie). L’empereur s’appuie sur le pape, qu’il considère comme un subordonné, alliance qui atteint son sommet avec Otton III et Sylvestre II. Otton III, privilégiant l’Italie, installe sa capitale à Rome et se réclame de Constantin et Charlemagne, nourrissant des ambitions universalistes. La mort d’Otton III en 1002, la pression des Slaves sur les frontières de la Germanie, les difficultés de la succession ramènent les empereurs en Allemagne, coeur de l’Empire.

La Querelle des Investitures

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Pénitence de Canossa.


Henri IV est représenté agenouillé.Sous la régence d’Henri IV (1056-1106), la papauté mène des réformes visant à détacher l’Eglise de la tutelle laïque. La papauté se veut indépendante de l’empereur et entend nommer les hauts membres du clergé. Lorsqu’il atteint la majorité, Henri IV, soucieux de restaurer la puissance impériale, réagit avec une grande vigueur. En 1075, Grégoire VII publie les Dictatus papae, recueil de propositions dans lequel il revendique un pouvoir absolu et universel. Deux pouvoirs universels ne pouvant coexister, il commence une lutte entre les deux pouvoirs : la « Querelle des Investitures », nommée ainsi parce qu’elle porte notamment sur la question de la nomination des évêques.
La première phase est défavorable à l’empereur. Excommunié par le pape qui délivre du serment de fidélité ses vassaux, Henri IV, en proie à une révolte générale des seigneurs allemands, doit s’humilier en demandant l’absolution de Grégoire VII. En janvier 1077, pendant trois jours et trois nuits, en costume de pénitent, il attend dans la neige devant le château de Canossa dans lequel le pape s’est réfugié. Une fois le pardon obtenu, Henri IV prépare sa revanche. Il reprend sa place en Allemagne, où les princes avaient élu un anti-roi (Rodolphe de Souabe) puis désigne un anti-pape et envahit Rome (1084). Grégoire VII, qui s’est retranché dans le château de Saint-Ange, est délivré par le normand Robert Guiscard et s’exile à Salerne, amer et vaincu, où il décède en 1085.
Les successeurs de Grégoire VII poursuivent son oeuvre. Dès 1094, Urbain II réussit à reprendre Rome tandis que l’empereur doit affronter une révolte de grands féodaux. Le pape parvient à mettre sur pied une coalition de villes du nord acquises à sa cause : la Ligue lombarde, alliée aux ducs de Bavière. La guerre reprend avec Henri V (1106-1125), marquée par des succès et échecs dans un camp comme dans l’autre. Finalement, lâché par une partie de sa noblesse et de son épiscopat, Henri V est contraint de traiter avec le pape Calixte II. La Querelle des Investitures se conclut en 1122 avec le concordat de Worms, à l’avantage de la papauté.

La lutte du Sacerdoce et de l’Empire

L’Allemagne traverse pendant une trentaine d’années une grave crise due à l’affrontement de deux clans rivaux se disputant un pouvoir royal très affaibli : les guelfes (partisans des Welf de Bavière) et les gibelins (du nom de Weibligen, château appartenant à la famille des Hohenstaufen). En 1152, les princes allemands élisent Frédéric Barberousse (un Hohenstaufen apparenté par sa mère aux Welf), homme d’une grande intelligence, charismatique, pieux et brave. Frédéric Ier réprime durement les révoltes des Grands et renoue avec le rêve d’un Empire universel. N’acceptant aucune autorité supérieure, il entre en conflit avec la papauté. En 1154, Frédéric traverse l’Italie et prend Rome où il se fait couronner empereur par le pape Hadrien IV (1155). En 1158, à la diète de Roncaglia, il réaffirme ses droits impériaux avec l’aide de juristes bolonais puis mène une campagne militaire pour soumettre les cités rebelles. En 1162, Frédéric rase Milan et disperse ses habitants. Frédéric fait élire des anti-papes contre Alexandre III. Cependant, dès qu’il reprend le chemin de l’Allemagne, les villes italiennes se révoltent avec le soutien d’Alexandre III. Malgré la prise de Rome en 1167, la campagne d’Italie est un échec pour Frédéric Barberousse dont les armées sont écrasées à Legnano par la Ligue lombarde (1176). L’empereur signe la paix à Venise (1177).
Si l’empereur a échoué avec la force des armes, il n’entend pas mettre un terme à ses ambitions. Il se réconcilie avec les villes italiennes avec lesquelles il conclut des contrats et continue à nommer les évêques en Allemagne. Quand Frédéric part pour la IIIe Croisade, il laisse une papauté isolée diplomatiquement. L’empereur trouve la mort sur la route vers la Terre Sainte, le 10 juin 1190, en traversant un fleuve d’Anatolie.

Henri VI, fils de Frédéric, poursuit la politique de son père. Vainqueurs de ses ennemis en Allemagne, couronné à Rome, triomphant des Normands de Sicile, il tente d’obtenir un serment de vassalité des souverains d’Occident. S’il obtient celui du roi de Chypre, Philippe Auguste et Richard Coeur de Lion refusent de se soumettre. Il meurt en 1197, alors qu’il allait partir en Croisade.

La monarchie féodale en France et en Angleterre

Le royaume de France

En Francie occidentale (futur royaume de France), à la suite de l’effondrement de l’Empire carolingien, le pouvoir royal est en pleine déliquescence. En 987, les Grands élisent Hugues Capet qui inaugure la dynastie capétienne. Il règne alors sur un petit territoire, son domaine (à ne pas confondre avec le royaume), réduit entre Paris et Orléans. Les rois du XIe siècle peinent à se faire respecter de leurs vassaux, parfois plus puissants qu’eux. La reconstruction du pouvoir monarchique en France est un mouvement lent et progressif.
Les Capétiens parviennent à imposer l’hérédité de la Couronne dans leur famille et écartent le principe de l’élection du roi. La dynastie bénéficie d’une grande stabilité à un tel point que l’on parle de « miracle capétien » : jusqu’en 1328, les rois ont toujours un enfant mâle pour leur succéder. Au XIIe siècle, deux souverains accroissent la puissance de l’autorité royale : Louis VI « le Gros » (1108-1137) et son successeur Louis VII (1137-1180).

La monarchie anglo-normande

L’Angleterre au XIe siècle est constituée de plusieurs royaumes dirigés par des chefs anglo-saxons ou normands. Des Danois sont installés dans le Nord-Est de l’île. Le roi Edouard le Confesseur (1042-1066) parvient à restaurer l’autorité royale et désigne Guillaume le Bâtard, duc de Normandie, comme successeur. Pourtant, c’est Harold qui s’empare de la Couronne en 1066. Guillaume traverse la Manche avec 10 000 hommes et écrase à Hastings l’armée anglo-saxonne d’Harold, lui-même tué au combat. Guillaume, qui devient « le Conquérant », est couronné d’Angleterre le jour de Noël 1066. En trois années, il se rend maître de l’Angleterre et parvient à établir solidement son pouvoir en imposant des comtes normands. A la mort de Guillaume en 1087, ses trois fils Robert Courtheuse, Guillaume le Roux et Henri Beauclerc se disputent le royaume et c’est finalement Henri Ier Beauclerc qui recueille l’héritage paternel. Sa mort en 1135 suscite une grave crise de succession qui dure jusqu’en 1154, date à laquelle Henri II Plantagenêt reçoit la Couronne. Par héritage, celui-ci se trouve à la tête d’un véritable empire, comprenant l’Angleterre, l’Anjou, la Normandie, la Bretagne et l’Aquitaine : son règne marque l’apogée de la monarchie anglo-normande.

Capétiens contre Plantagenêts

Si le royaume anglo-normand est très vaste, il est plus fragile qu’il n’y paraît : l’ensemble est très hétérogène, séparé par la mer, et par conséquent les communications sont lentes. Aussi, Henri II, s’il est souverain en Angleterre, est vassal du roi de France pour ses possessions territoriales sur le continent. Face à cet immense ensemble, la réaction capétienne ne se fait pas attendre. Louis VII et son fils Philippe Auguste (1180-1223) renforcent leur autorité et étendent le domaine royal par mariage, luttes armées, achat ou commise (confiscation des biens d’un vassal infidèle). Henri II doit de son côté affronter la révolte de ses fils Richard Coeur de Lion et Jean sans Terre. A la mort d’Henri II en 1189, Richard devient roi. Militairement, il tient tête à Philippe. La forteresse de Château-Gaillard résiste aux assauts du roi de France. Ce n’est qu’à la mort de Richard que Philippe parvient à prendre des territoires aux Plantagênets : il décrète la commise en 1204 contre Jean sans Terre, qui refuse de se rendre à sa Cour pour régler un différent, et s’empare de ses fiefs. En 1206, Jean sans terre ne possède plus que l’Aquitaine, et réagit en s’alliant avec l’empereur Otton IV et le comte de Flandre pour recouvrer ses possessions. Les deux camps s’affrontent à la bataille de Bouvines en 1214 qui se termine par l’éclatante victoire du roi de France. Celui-ci triple son domaine royal et affaiblit considérablement son rival anglais.

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La bataille de Bouvines, enluminure tirée des Grandes Chroniques de France (1471).

Les successeurs de Philippe Auguste poursuivent sa politique d’extension du domaine royal. En 1229, le traité de Paris rattache le bas Languedoc à la Couronne. En 1271, le comté de Toulouse, suite à la croisade des Albigeois, est intégré au domaine. Le règne de Louis IX (1226-1270) marque l’apogée de la monarchie capétienne.

Les royaumes ibériques et la Reconquista

La résistance des royaumes chrétiens du Nord (VIII-Xe siècle)

Depuis le début du VIIIe siècle, la péninsule ibérique est dominée par les musulmans de l’émirat puis du califat de Cordoue (à partir de 929). Toutefois, au Nord, de petits royaumes chrétiens subsistent et mènent une résistance acharnée aux musulmans afin de préserver leur indépendance. Jusqu’au Xe siècle, ils sont coupés du reste de la Chrétienté, pour laquelle ils constituent une marge, une frontière. On distingue à l’Ouest le royaume des Asturies, au centre le royaume de Pampelune et à l’Est la Catalogne.
Malgré les divisions et rivalités entre ces petits royaumes, les frontières de la Chrétienté sont repoussées vers le Sud. Ainsi, au IXe siècle, le royaume des Asturies s’étend jusqu’au Douro et prend le nom de royaume de Léon. Le royaume de Pampelune édifie de nombreux châteaux sur son territoire, ce qui lui donne son nom : la Castille. A l’Est, la Navarre est bloquée par la principauté musulmane de Saragosse, trop puissante pour être conquise.
A la fin du Xe siècle, les campagnes militaires d’Al-Mansûr ramènent à nouveau les frontières vers le Nord : Barcelone est pillée en 985, Saint-Jacques de Compostelle en 997.

Le mouvement de reconquête

Au début du XIe siècle, la mort d’Al-Mansûr (1002) estompe la menace musulmane et l’éclatement du califat omeyyade de Cordoue en petits royaumes, les taifas, rend possible le mouvement de reconquête. Les royaumes chrétiens reprennent l’initiative. La Navarre se retrouve bientôt en première ligne, relayée par les royaumes de Castille et d’Aragon. L’essor démographique de l’Occident amène vers la péninsule ibérique des chevaliers attirés par les butins et la possibilité de combattre les infidèles (vigueur de la foi chrétienne). En 1085, le roi de Castille Alphonse VI reprend Tolède, l’ancienne capitale du royaume wisigothique, et le roi d’Aragon Alphonse le Batailleur conquiert Saragosse en 1118. L’avancée est alors considérable.

L’incapacité des royaumes musulmans à repousser les assauts des chrétiens les conduit à solliciter l’aide de la dynastie berbère des Almoravides en 1086. Les musulmans parviennent pendant un temps à reprendre l’avantage : conquête de Lisbonne en 1111, siège de Barcelone en 1114. Mais le sursaut est de courte durée : l’arrivée massive de chevaliers français permet de reprendre le mouvement de reconquête. Dès 1118, l’Aragon récupère Saragosse, et le Portugal, qui s’érige en royaume en 1140, parvient jusqu’au Tage.
Au milieu du XIIe siècle, ce sont les Almohades qui entrent dans la Péninsule et entreprennent de reconquérir les territoires perdus. Malgré un mouvement de recul des chrétiens, l’offensive almohade est brisée à la bataille décisive de Las Navas de Tolosa en 1212. L’Aragon s’empare des Baléares puis du royaume de Valence en 1238, la Castille prend Cordoue en 1236, le Portugal s’empare de l’Algarve en 1242. A la fin du XIIIe siècle, les musulmans n’occupent plus que le seul petit royaume de Grenade.

Société, féodalité et monarchies hispaniques

La Reconquista contribue largement à forger les caractéristiques des royaumes de la péninsule ibérique. La société hispanique chrétienne est une société de combattants : les relations féodo-vassaliques s’ouvrent aux nombreux hidalgos de petite noblesse ainsi que sur la paysannerie libre (caballeros villanos). Le système monarchique ibérique est marquée par le pouvoir des souverains et des institutions qui viennent très vite le limiter (ainsi pour la Castille, les Cortes, représentants des villes, dès 1187).
La reconquête donne également aux royaumes des populations très diverses : chrétiens d’origines différentes (Mozarabes : chrétiens arabisés, Français, Espagnols), juifs et musulmans. Les rois chrétiens pratiquent généralement une politique de tolérance envers les infidèles, permettant des échanges économiques et culturels entre les trois communautés religieuses.

Bibliographie :
Balard, Michel ; Genet, Jean-Philippe ; Rouche, Michel. Le Moyen Âge en Occident. Hachette supérieur, 1999.
Berstein, Serge ; Milza, Pierre. De l’Empire romain à l’Europe. Ve-XIVe siècle (Tome 2). Hatier, 1995.
Heers, Jacques. Précis d’histoire du Moyen Âge. PUF, 1990.

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