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L'Histoire de France, de l'Europe & du Monde

Aux VIIe et VIe siècles av. J.-C. sont apparues en Grèce des aspirations égalitaristes qui permettent d’accoucher de la démocratie à l’époque classique. A Athènes, les réformes des législateurs Dracon et Solon au VIe siècle ont mis en place les conditions possibles de cette démocratie avec l’isonomie (égalité des citoyens devant la loi) et l’égalité politique (votes et fonctions). Au cours du Ve siècle av. J.-C., les institutions démocratiques d’Athènes sont perfectionnées, même si cette démocratie ne concerne que les seuls citoyens (environ 40.000 sur 300.000 à 400.000 habitants).

L’évolution de la démocratie à Athènes

L’Œuvre de Clisthène

Clisthène, de la grande famille des alcméonides, petit-fils du tyran Clisthène de Sicyone, devient archonte vers 509 av. J.-C. (juste après la chute de la tyrannie des Pistratrides) et fait sensiblement évoluer le cadre institutionnel athénien. Il réorganise le corps civique et créé des cadres institutionnels nouveaux, changeant du même coup les institutions existantes. S’il n’a pas fondé la démocratie, il a néanmoins créé les cadres dans laquelle la démocratie allait pouvoir se déployer.

Clisthène divise le territoire d’Athènes (l’Attique) en 100 dèmes (ou circonscriptions), groupant plusieurs villages autour d’un chef-lieu. Il fait inscrire sur les listes des dèmes un grand nombre d’affranchis et de métèques, ce qui leur attribue les droits politiques (pour être citoyen il faut être inscrit dans un dème). Chaque dème a à sa tête un démarque élu par l’assemblée des citoyens du dème (l’agora) ; ce démarque, sorte de représentant de la Cité, a pour charge de gérer les finances, de contrôler l’état-civil et qui peut infliger des amendes. L’agora choisit chaque année les citoyens du dème qui sont proposés au tirage au sort pour les fonctions de bouleute et d’archonte.
Clisthène créé aussi, entre le dème et la Cité, dix tribus : le corps civique athénien est réparti dans ces dix tribus, chaque tribu étant formée de trois composantes (trittyes): les habitants de la ville, les habitants de la plaine et les habitants de la côte. Par ce moyen, Clisthène fin aux luttes de faction en brisant les solidarités régionales.

L’établissement d’une démocratie radicale

De 496 à 488 av. J.-C., Athènes est dirigée par l’oligarchie qui profite des difficultés extérieures (guerres médiques) pour s’imposer en occupant les magistratures, mais les institutions restent inchangées. Les démocrates reprennent le dessus en 488. De 474 à 462 av. J.-C., il y a alternance entre le parti démocratique et l’aristocratie modérée, mais dans le cadre des institutions athéniennes. Cimon, chef de l’aristocratie, est ostracisé en 461 av. J.-C. A partir de cette date, le régime politique athénien se dirige vers une démocratie de plus en plus radicale.

En 462, Ephialte réforme l’Aéropage, conseil de type aristocratique doté de larges pouvoirs (dont celui d’interpréter les lois, d’opposer un veto aux décisions de l’Ecclesia et de rendre la justice) et qui domine la Boulè. Celui-ci se voit retirer ses pouvoirs, ne gardant que les charges de juger les crimes de sang et de gérer du patrimoine sacré ; ses autres fonctions judiciaires sont transférées aux tribunaux populaires (l’Héliée). En 454, les élections sont étendues à toutes les classes censitaires.

Périclès apparaît sur la scène politique à partir de l’assassinat d’Ephialtès en 461 av. J.-C. C’est un orateur exceptionnel doué d’un grand charisme : il domine Athènes durant vingt-cinq ans (454-429) en arrivant à créer autour de sa personne un vrai consensus populaire. Pour permettre aux plus pauvres de participer à la vie politique, il instaure entre 454 et 450 av. J.-C le misthos (salaire de participation versé aux participants de l’Ecclesia, aux magistrats, aux bouleutes et aux membres des tribunaux de l’Héliée). A la même période, en 451 av. J.-C., il ferme la citoyenneté : alors qu’il suffisait d’être issu d’un père citoyen pour être soi-même citoyen, il faut désormais être né d’un père citoyen et d’une mère fille de citoyen (conséquence des privilèges politiques et matériels des citoyens, comme le misthos). Périclès met enfin en œuvre des chantiers qui vont faire la gloire d’Athènes : on lui doit notamment le Parthénon sur l’Acropole. En 443 il est élu stratège et est reconduit à cette charge pendant quinze ans.

Les principales institutions athéniennes

L’Ecclesia, assemblée de tous les citoyens

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La colline de la Pnyx, lieu de l’Ecclesia, avec vue sur l’Acropole.

L’Ecclesia est l’organe détenteur de la souveraineté du peuple. Elle comprend en théorie tous les citoyens (environ 40.000 personnes) mais dans les faits, la grande majorité, occupés par leurs activités ou vivant trop loin, ne s’y rendent pas. L’Ecclesia réunit 6000 citoyens lors des séances importantes. Au début du Ve siècle av. J.-C. elle se réunit dix fois par an, à la fin du siècle jusqu’à quarante fois ; d’abord sur l’agora puis sur le Pnyx. Tout citoyen peut y proposer une loi ou un décret, ou un amendement à un projet ; si le vote (à mains levées) de l’Ecclesia lui est favorable ce projet est envoyé à la Boulè. Après le rapport le rapport de la Boulè a lieu le vote définitif.

L’Ecclesia a un pouvoir politique (vote de la paix et de la guerre, désignation des ambassadeurs, vote du chiffre des marins et soldats à mobiliser, …) et elle nomme les magistrats qui doivent rendre compte de leur gestion à l’assemblée (avec vote de confiance ou de défiance ; dans ce dernier cas le magistrat est révoqué et mis en accusation). Elle a aussi un pouvoir législatif limité (les lois sont permanentes et celui qui propose une loi contraire aux lois antérieures doit se soumettre à un ensemble de formalités politiques et religieuses) et un pouvoir judiciaire limité (possibilité de voter une plainte préjudicielle, sorte de condamnation morale servant d’appui à l’accusateur). Enfin, à partir de 488 av. J.-C., chaque année les citoyens délibèrent sur la nécessité de pratiquer l’ostracisme. S’il est choisi de la pratiquer, chaque citoyen inscrit sur un tesson de poterie (ostrakon) le nom d’un homme qu’il faut chasser pour le bien de la démocratie. Le quorum (nombre minimal de citoyens présents) est alors fixé à six mille : si une majorité se dégage sur un nom, celui-ci doit quitter la cité dans les dix jours et pour dix ans (peine parfois théorique, certains ostracisés étant rappelés avant les dix ans).

La Boulè

La Boulè est un conseil chargé de la direction et de la préparation du travail législatif : préparation des décrets et actes législatifs, exercice de l’exécutif, direction de la politique étrangère courante, directives aux magistrats, surveillance et jugement des fonctionnaires. Les membres de la Boulè sont 500 citoyens de plus de 30 ans tirés au sort pour un an (50 par tribu), appelés les bouleutes. Ils se réunissent en principe chaque jour et disposent d’avantages comme l’exemption de service militaire et l’immunité en cours d’exercice. Au sein de la Boulè, chacune des dix tribus assure la direction de la cité pour un dixième de l’année par le biais de représentants des tribus : les prytanes (exercice de la prytanie). Le corps des prytanes prend les décisions urgentes : convocation de la Boulè ou de l’Ecclesia, ordres aux généraux, arrestations en cas de délit contre la cité, … Ce corps a un président, appelé l’Epistate, tiré au sort chaque jour ; l’Epistate est aussi président de l’Ecclesia et de la Boulè.

Les magistrats

La charge d’exécuter les décisions des citoyens est confiée aux magistrats. Les magistratures sont annuelles, collégiales (dix par fonction) et spécialisées ; le cumul et la réélection sont interdits. Chaque tribu est représentée au sein de chaque collège de magistrat (d’où le nombre de dix magistrats). La plupart des magistrats sont désignés au tirage au sort. Ceux qui sont élus le sont par l’Ecclesia à mains levées, Ecclesia qui ne respecte pas forcément le principe d’un magistrat par tribu. Une enquête est effectuée sur chaque magistrat élu ou tiré au sort, suivi d’un vote de la Boulè et d’un serment si le vote est favorable. Parmi les magistrats, les plus importants sont ceux qui disposent d’un pouvoir politique : les stratèges (chargés des affaires militaires mais aussi de la diplomatie), élus par l’Ecclesia, et les archontes (compétences en matière religieuse, droit de punir un délinquant, …). Les autres magistratures sont administratives (comme les épimélètes, magistrats financiers) ou subalternes (secrétaires, archivistes, …).

Bibliographie :
Jacques ELLUL, Histoire des institutions, t. 1, L’antiquité, Paris, PUF, 1961.
BERSTEIN Serge, MILZA Pierre, Histoire de l’Europe, tome 1, L’héritage antique, Paris, Hatier, 1994.

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