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L'Histoire de France, de l'Europe & du Monde

La Grèce antique est un espace morcelé tant géographiquement, par les mers et montagnes, que politiquement. Si les Grecs se sentaient unis par le sang, ils n’ont jamais été unifiés politiquement : jusqu’à 750 cités-Etats ont coexisté dans cet espace où la mer n’est jamais à plus de 90 kilomètres. Cette mer omniprésente va servir d’espace de communication majeur, constituant plus un pont qu’un obstacle entre les cités. Dans cet espace géographique, les plaines sont peu nombreuses et les sols peu rentables, entraînant une émigration de la population grecque sur les pourtours de la Méditerranée dès le IXe siècle av. J.C.

C’est au cours du paléolithique (40 000 avant notre ère) que l’on trouve les premières traces de présence humaine mais ce n’est qu’à partir de l’âge du bronze (- 3000) que va éclore la civilisation minoenne.


Le système palatial et son effondrement

La Crète des premiers palais

Vers 2200/2000 av. J.C. apparaissent d’imposants palais en Crète (système palatial). Le palais se compose d’un vaste et complexe ensemble de pièces, parfois étalées sur plusieurs étages, regroupées autour d’une cour rectangulaire centrale. On y trouve des zones d’habitation (pouvant regrouper 2000 à 4000 personnes), des zones administratives, des salles d’archives, des réserves, des ateliers. Les historiens ne connaissent pas grand chose du fonctionnement politique mais ils peuvent affirmer de manière sûre que le système étatique était alors très centralisé.

La civilisation minoenne (civilisation de Crète) connaît l’écriture: le linéaire A, non encore déchiffré. L’île est alors très divisée en de nombreuses régions (chefferies), chacune dominée par un palais.

La très grande majorité des villes et palais crétois sont brusquement détruits vers 1700 avant notre ère pour une raison restée inconnue, probablement un tremblement de terre. Cependant, la reconstruction ne tarde pas : la période des seconds palais s’amorce.

La Crète des seconds palais

Les nouveaux palais sont beaucoup plus grands et plus beaux. La reconstruction, s’exerçant dans un cadre de sérénité aboutit à l’apogée de la civilisation minoenne. La Crète est alors prospère, densément peuplée, sans tension interne perceptible. Quatre grands palais dominent: Cnossos (13 000 m2, le plus imposant), Phaistos, Mallia et Zakros. En écriture, le linéaire B remplace le linéaire A, transcrivant une sorte de grec primitif. Les échanges commerciaux avec les îles alentours et la Grèce sont relativement importants, et le système des palais s’exporte en Grèce dans la civilisation mycénienne.

Cette civilisation brillante et raffinée entre néanmoins dans une période de troubles graves à partir de 1450 : les grands palais sont détruits (Cnossos en 1375). Une très forte conflictualité s’installe, les nombreux chefs étant en rivalité permanente. Vers 1250, le système palatial est définitivement abandonné.

Les siècles dits « obscurs »

Des années 1200 aux années 1000 avant notre ère, la Grèce connaît une période de profonde régression :

  • Chute démographique.
  • Disparition de la dimension urbaine.
  • Mise en place d’une économie de subsistance.
  • Perte de l’usage de l’écriture.

L’effondrement du système palatial a brisé la dynamique de croissance. Diverses hypothèses ont été émises par les historiens : catastrophes naturelles, invasion des Doriens (peuple barbare venu du Nord) ou invasion des « peuples de la mer » que mentionnent les archives égyptiennes.


La mise en place de la « polis »

Le temps de la reprise

Vers le IXe siècle a lieu une reprise spectaculaire : accroissement démographique dont atteste l’agrandissement des sites occupés, intensification des activités religieuses (les premiers temples sont bâtis), développement de l’agriculture et du commerce et progrès technologiques. Vers 775, les Grecs empruntent aux Phéniciens leur alphabet, qu’ils s’approprient. Cet alphabet, contrairement au linéaire B, est non syllabique, ce qui réduit considérablement le nombre de signes. C’est une écriture alphabétique.

Les tribus se rassemblent progressivement pour former la polis (à traduire par « cité-Etat ») : ce processus est appelé le syneocisme.

La mise en place de la cité-Etat

Ce temps de reprise est propice à l’apparition de la polis. Dans les cités, un système inégalitaire se met en place : une oligarchie composée de grands propriétaires terriens monopolise une partie des prérogatives publiques. Face à cette société aristocratique (aristoei signifie « les meilleurs »), on assiste progressivement à l’émergence de revendications concernant la gestion des terres et la gestion publique, traduisant une aspiration des Grecs à un système plus égalitaire. Les tensions internes et extérieures (entre cités) sont fortes, ce qui aboutira en 776 à l’instauration des Jeux Olympiques, espace pacifié de rencontre et de compétition, constituant une sorte de sublimation de l’activité guerrière.

Au même moment un mouvement de colonisation apparaît et se développe, les Grecs essaimant dans le bassin méditerranéen, de la Mer Noire à la péninsule ibérique. Platon dira que les Grecs sont « comme des grenouilles autour d’une mare » (Phédon). Les nouvelles colonies adoptent la forme de la polis.

La crise de la société aristocratique

Ces mutations aboutissent aux VII et VIe siècle à une période de crise qui va accoucher de la démocratie. Les historiens ont distingué trois facteurs de la crise sociale qui secoue les Cités du VIe siècle :

  • Une crise agraire : la petite paysannerie en difficulté s’exile (processus de colonisation), trouve des métiers de remplacement (développement du mercenariat) ou s’endette. Les paysans endettés finissent généralement par devenir esclaves, ne pouvant plus régler leurs dettes autrement que par leur force de travail.
  • La « révolution hoplitique » : un hoplite est un fantassin lourd revêtu d’une cuirasse métallique et d’un casque, armé de la lance et du bouclier rond. Tous les hoplites sont égaux sur le champ de bataille. Dans la phalange, formation militaire formant un rectangle, tous les hommes sont solidaires. L’expérience du champ de bataille va alimenter les revendications politiques égalitaristes.
  • L’invention de la monnaie : cette mutation qui s’effectue au VIe siècle en Grèce va favoriser l’émergence d’une nouvelle classe sociale spécialisée dans le commerce et l’artisanat. Une partie des grands propriétaires terriens rejoignent cette classe.

La Grèce devient ainsi un foyer d’agitations sociales, phénomène que l’on nomme la statis (« déchirement de la Cité »).


Législateurs et tyrans

Les premiers législateurs

De tous les législateurs grecs, Lycurgue de Spartes et Solon d’Athènes sont les plus connus. Ces législateurs sont apparus en temps de crise, au moment où l’unité de la Cité semblait menacée. Ils sont dits inspirés par les Dieux : c’est d’Apollon que Lycurgue, le législateur légendaire de Sparte reçoit la Rhetra, fixant les règles de fonctionnement de la cité. Sparte aurait alors été divisé en 9000 lopins de terre, tous identiques, indivisibles et inaliénables, correspondant aux 9000 citoyens spartiates. En réalité, la distribution des terres n’était pas aussi égalitaire ; néanmoins la réforme de Lycurgue est restée comme un mythe fondateur de Sparte.

A Athènes, Dracon, législateur de 624 à 621, établit le même code pénal pour tous. Un de ses successeurs, Solon poursuit un objectif de rééquilibrage entre le peuple et les élites par une série de réformes en 594 :

  • Abolition des dettes.
  • Liberté pour tous les citoyens réduits en esclavage pour dettes.
  • Interdiction de réduire en esclavage un de ses concitoyens.

On attribue traditionnellement à Solon la répartition du corps civique en 4 classes censitaires, les 3 premières (les plus riches) pouvant accéder aux fonctions de magistrature.

Ces réformes marquent la mise en place de l’isonomie (égalité des citoyens devant la loi). Mais malgré l’œuvre de Dracon et Solon, la situation ne s’améliore pas sensiblement. Les années qui suivent l’archontat de Solon sont des années troublées, ce qui explique en partie l’apparition de la tyrannie à Athènes.

La tyrannie des Pisistratides

Un tyran accède au pouvoir par la force, exerce un pouvoir autoritaire (voire arbitraire) et affirme agir pour le bien du peuple. Il est généralement entouré de collaborateurs et d’une milice personnelle. Issu souvent d’un milieu modeste, le tyran se positionne contre les familles aristocratiques. L’expérience de la tyrannie s’est répandue dans l’ensemble du monde grec, notamment à Corinthe, Samos ou Syracuse.

Selon Hérodote et Aristote, l’établissement de la tyrannie à Athènes est venue de la rivalité entre trois factions : celle des Pédiens, ou gens de la plaine, celle des Paraliens ou gens de la côte, et celle des Diacriens ou gens des collines. Possédant 300 gardes à ses côtés, Pisistrate, chef du troisième groupe, prend le pouvoir en s’emparant de l’Acropole. On admet qu’il s’empare une première fois du pouvoir en 561 puis qu’il est forcé à deux reprises de partir en exil. Il exerce sa tyrannie jusqu’en 527, date de sa mort. Ses deux fils Hippias et Hipparque lui succèdent et gardent le pouvoir jusqu’en 510 (Hipparque est néanmoins assassiné en 514). Ce sont les Spartiates, avec à leur tête le roi Cléomène, qui libèrent Athènes de la tyrannie.

Si les Grecs gardent par la suite une très mauvaise image de la tyrannie, les tyrans ont été bénéfiques en certains points à Athènes : par une politique des grands travaux qui a mis au travail le petit peuple, par le développement de la marine commerciale et militaire, par la poursuite de la politique d’expansion coloniale et aussi par une série d’innovations dans la fiscalité et les affaires religieuses.

Bibliographie :
Marie-Françoise BASLEZ, Histoire politique du monde grec antique, Paris, Armand Colin, 2004.
Claude MOSSÉ, Annie SCHNAPP-GOURBEILLON, Précis d’histoire grecque, Paris, Armand Colin, 2003.

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