Les Heures perdues de Pierre Barth�s, r�p�titeur en Toulouse,

ou les choses dignes d'�tre transmises � la post�rit� arriv�es en cette ville ou pr�s d'icy

Juillet [1756]

Pr�diction contre l'Angleterre

Sur les circonstances pr�sentes de la guerre contre les Anglois, une d�couverte qu'on a faite et qui est rapport�e dans le Courrier du 6e de ce mois � l'article de Paris du 26e du mois dernier, fait depuis quelques jours l'entretien du public. La voicy telle qu'on l'a d�bit�e.
Un capucin nomm� le p�re Yves de Paris fit imprimer en 1654, � Rennes en Bretagne, deux ouvrages d'astrologie judiciaire, le premier intitul� Francisci Alloi Arabis christiani nova methodus astrologio, Nouvelle m�thode d'astrologie par Fran�ois Alleus arabe chr�tien.
L'autre ayant pour titre Fatum Universi, la Destin�e de l'Univers � Ce livre excita les plaintes de plusieurs puissances et principalement celle de Cromwel, � cause des malheurs qui �toient pr�dits � la nation angloise. Il en fit de reproches � la Cour de France qui avoit int�r�t de le m�nager et, en cons�quence, le Parlement de Bretagne ordonna la suppression du livre, ce qui fait que cette �dition de 1654 est tr�s rare. A la page 62 du Fatum Universi, o� est l'article d'Angleterre, on lit exactement ce qui suit�:
Annus 1756 minatur (anglia) maximum excidium quia horoscopus pervenit ad Saturnum et fit transitus a signo a�r�o, in signum terreum sibi contrarium.
En l'ann�e 1756, l'Angleterre est menac�e d'un tr�s grand d�sastre, parce que l'horoscope est parvenu jusqu'� Saturne, et qu'il fait un passage d'un signe a�rien � un signe terrestre qui luy est contraire.
L'autheur publia pour sa deffense en 1655 un petit �crit sous ce titre � Diceptatio de fato universi, examen de la destin�e de l'Univers, et en 1658 il fit r�imprimer les premiers trait�s, mais il retrancha de cette �dition toutes les pr�dictions post�rieurs au tems o� il vivoit, ainsy que les horoscopes grav�s qui accompagnoient ces pr�dictions. Les deux �ditions de ces troix �crits qui forment ensemble un petit in folio peu �pais sont conserv�es � Paris dans la biblioth�que du coll�ge des J�suites. Une pr�diction si pr�cise, faite depuis un si�cle et dans un tems o� l'Angleterre commence � faire �clater cette ambition excessive et cet orgueil intol�rable que toute l'Europe a int�r�t d'abaisser, a pour frapper dans les circonstances pr�sentes ceux m�me qui m�prisent le plus l'astrologie judiciaire.

Prise de l'isle de Minorque de Port-Mahon et du fort St. Philippe

Par les diverses relations qui ont �t� d�bit�es icy et par toute la France, et notamment par une relation historique et bien circonstanci�e d'un officier de l'arm�e envoy�e � un de ses mis, et qui a �t� veue de tout le monde avec bien du plaisir, nous avons appris l'agr�able nouvelle de la prise de l'isle de Minorque, de port Mahon et du fort St. Philippe par l'arm�e de terre command�e par monsieur le mar�chal duc de Richelieu, le 29e juin dernier, apr�s de peines et de travaux immenses que nos soldats ont soutenu avec un courage h�ro�que contre les Anglois retranch�s dans ce fort, le plus fort boulevard de l'Europe, et du combat donn� entre l'escadre fran�oise compos�e de 12 vaisseaux et 5 fr�gates command�e par Mr. de la Galissoni�re, et l'escadre angloise compos�e de 13 vaisseaux dont un a 3 ponts, 4 fr�gates, un br�lot et un sencau, command�e par l'amiral Benck le 21e may dernier � 7 lieues au Sud-Ouest de l'isle de Minorque, lequel amiral fut d�ffait et oblig� de se retirer avec son escadre d�labr�e sans pouvoir jetter dans le fort les secours dont il �toit charg�. Je ne m'�tendrai pas davantage sur ces diff�rentes attaques, tout le monde ayant lu toutes ces choses dans les nouvelles publiques et la plupart des maisons, ass�s pourveues des relations de ces faits.
Je dirai seulement que l'isle de Minorque est situ�e dans la M�diterran�e, plac�e pr�cis�m[en]t au 40�me degr� de latitude � 70 lieues de Marseille, � 15 des c�tes de l'Affrique, qu'elle faisoit ancienem[en]t partie des isles Bal�ares du nom d'un grec nomm� Bal�us, qui fut le premier qui en fit la d�couverte. Que de cette isle la situation est oblongue de 18 lieues de longueur sur 9 dans sa plus grande largeur, que son climat est fort sain, l'air passablement temp�r�, il y r�gne cependant de chaleurs insuportables pendant les mois de may, juin, juillet, ao�t�; le reste de l'ann�e est un printems continuel, rarement y voit-on de la gel�e. Son local n'est pas montagneux quoique ass�s in�gal. Le terrain produit de tout ce qui est n�cessaire � la vie, surtout de tr�s bon gibier, d'excellent museat, et tous les fruits y sont d�licieux.
Cette isle, du tems des Romains, fournissoit � leurs troupes les meilleurs tireurs de fronde qui fussent dans l'univers, dont ces conqu�rans se servoient dans les premi�res lignes de leurs arm�es pour �carter les ennemis � coups de pierres, et ils ne devenoient si habiles dans cet art que parce que dans leur jeunesse les m�res ne donnoient � d�jeuner � leurs enfans que ce qu'ils pouvoient abbatre � coups de fronde, d'une distance marqu�e, ce qui �toit pos� au haut d'une longue perche plant�e � terre, ce qui �toit leur exercice journalier. Les Anglois la prirent sur les Espagnols le 14e d�cembre 1708, que le g�n�ral comte de Stenhope y d�barqua avec troix mille hommes, 42 pi�ces de canon et 15 mortiers. Il s'y �tablirent de ce moment et la possession leur en fut assur�e par le trait� de paix conclu � Utrecht le 13e juillet 1713.
Ils en ont �t� les ma�tres pendant 48 ans. Ils le seroient encore si leur piraterie, leur f�rocit� et la barbarie, avec laquelle ils en ont agi en insultant � la France par tant de prises diverses, n'eut oblig� notre glorieux monarque � punir leurs exc�s sans aucune attention pour le pavillon de France, et en troublant continuellement le commerce de notre nation, ainsy que de toutes les nations de la terre, voulant avoir eux seuls l'empire de la mer.
Vers � la louange de monseigneur le mareschal duc de Richelieu sur la prise du fort St. Philippe le 29e juin 1756. Si pour avoir chass� les allemans de G�nes,
par l'art de Phidias, le marbre de Paros
t'y r�compensa comme Ath�nes
scut r�compenser ses h�ros�;
quel bronze, Richelieu, sous la main d'un Lysippe
transmetra dignement � la post�rit�
la gloire que t'a m�rit�
la prise du fort St. Philippe.

Volume 4, pp. 77-82.

Juin < Juillet 1756 > Ao�t

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