Les Heures perdues de Pierre Barth�s, r�p�titeur en Toulouse,

ou les choses dignes d'�tre transmises � la post�rit� arriv�es en cette ville ou pr�s d'icy

Novembre [1753]

Intendant � Toulouse

Le 1er de ce mois, vers les onze heures du matin, arriva en cette ville Mons[ei]g[neu]r Emanuel Guignard vicomte de St. Priest, intendant de la province de Languedoc, venant de Montpellier, messieurs les capitouls dans le carosse de Mr. le marquis d'Ambres furent au devant de luy jusques au pont de Saint Agne limites du gardiage, l� o� Mr. Desirat capitoul le harangua. Il a rest� en ville avec monsr son fils, jeune seigneur de tr�s bonne figure et fort aum�nier, huit jours entiers, log� chez Mr. de Lafage le sindic de la province � la place St. George, l� o� il a re�eu les vizites de tous les grands de la ville. Il est all� dans toute la ville examiner tous les ouvrages publics sur lesquels il a donn� ses ordres. Il a vizit� la plus grande partie des �glises qu'il a trouv�es magnifiques comme elles le sont en effet et il est parti le vendredy 9e de ce mois, extr�mement satisfait du bon accueil des Toulousains, avec troix brigades de mar�schauss�e pour les passer en reve�e � Castelnaudarry.

Feu d'artifice

Le 21e de ce mois � 8 heures du soir, � l'honneur de l'heureuse naissance de monseigneur le duc d'Aquitaine, deuxi�me fils de monseigneur le Dauphin, messrs les capitouls pouss�s toujours d'un m�me z�le pour tout ce qui regarde l'honneur de sa Majest� firent tirer dans la place St. George un magnifique feu d'artifice dont la construction �toit telle qu'on n'en avoit veu depuis longtems, par sa figure, sa d�coration et son �l�vation. Le socle de cette machine �toit un triangle �quilat�ral de 15 ou 18 pieds de face, figur� en muraille feinte de pierre de taille, au dessus duquel �toint pos�es troix consolles �normes peintes en marbre et en or, adoss�es aux angles de la grande base qui formoit le second corps de l'ouvrage et qui renfermoit dans chaque face des embl�mes relatives au sujet d'un go�t exquis et finies dans le dessein.
Celle de la face orientalle repr�sentoit un grand navire voguant � pleines voiles sur une mer calme conduit par deux �toilles et un ange dans l'air tenant un lis, avec ces mots Certam faciet utraque viam / il peut aller partout par des routes certaines.
Celle de la face m�ridionalle laissoit voir un ch�ne et un laurier entrelassant leurs branches et couvrant des lys avec ces mots Jungimus ceternum ramos / nous sommes pour toujours assembl�s et unis.
Dans la face du septentrion, on voyoit un soleil levant dardant ses rayons avec force sur des lys qu'une femme tenoit en ses mains avec ces mots Ardet lilia crescunt / par ses faux, il leur donne une force nouvelle.
A chaque angle des consolles, on voyoit un enfant charg� d'artifice et tenant en ses mains une banderolle o� on lisoit ces mots, au septentrion Pax altera regni, au midy Tuta Poedamina pacis, et au levant Foelices inchoat innos.
Cette base magnifique et extr�mement �lev�e supportoit une pyramide de 12 ou 15 pieds de hauteur peinte ainsy que le reste, surmont�e d'un tr�s beau Soleil et charg�e sur la face du septentrion des armes de sa Majest� avec ces mots Utilis orbi. Sur celle du midy, des armes de monseigneur le Dauphin avec cette devise Robur et decus. Et sur la face du levant, celles de mons[ei]g[neu]r le duc d'Aquitaine et on lisoit defectum nescit virtus.
Telle �toit la construction de ce feu �gallement beau dans toutes ses parties, et dont l'ex�cution satisfit g�n�rallement tout le monde par sa nouveaut�, son arrangement et sa dur�e. Il me suffira de dire que Mr. Cammas peintre de la ville en est l'autheur, son nom fait son �loge, et le Sr. Cassaignard a dirig� le feu. Son go�t pour les diverses pi�ces qui composent cet art est ass�s connu de tout le monde pour ne rien dire davantage.

Volume 3, pp. 57-59.

Octobre < Novembre 1753 > D�cembre

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