Les enfants abandonnés

Ce serait une erreur de croire que les enfants trouvés sont presque tous illégitimes ; ils n'en sont que la plus petite portion et encore comprend-on dans ce nombre les enfants destitués de tout acte probatoire de leur état, et qui tous certainement ne sont pas les productions du crime. [...] Il serait imprudent de conclure du grand nombre de ces enfants que les mœurs sont plus que jamais corrompues. En réalité, la cause la plus générale et la plus exacte de cette progression, c'est la misère, qui pendant de longues années s'est appesantie sur le petit peuple [...]. Il est en effet aisé de concevoir la pesanteur du fardeau que la naissance d'un enfant va poser à une pauvre famille. Une preuve bien sensible que l'indigence a occasionné cet accroissement du nombre des enfants trouvés, c'est l'état de l'hôpital de Clermont, envoyé par l'intendant d'Auvergne. Pendant les six années qui se sont écoulées de 1743 à 1748, il y a eu, année commune, dans ce dernier hôpital, 625 enfants trouvés. Le prix du blé était alors à 9 livres, 5 sols, 4 deniers le setier. Dans six autres années de 1770 à 1776, il y a eu 1290 enfants, parce que le prix du blé était alors monté à 19 livres, 12 sols, 11 deniers. Ainsi, lorsque le prix du blé a doublé, le nombre des enfants a doublé également.

Desbois de Rochefort, Encyclopédie méthodique, Paris, 1786, article « Enfant trouvé ».