Au cours des années 1840, un parasite (le mildiou) attaque la pomme de terre en Irlande, légume massivement cultivé. Une grave famine s'ensuit, obligeant une partie des Irlandais à fuir leur pays, en direction principalement de l'Amérique du Nord, de l'Angleterre et de l'Australie.
Autrefois l'Irlande était beaucoup moins peuplée : on n'y comptait en 1750 que 2 millions d'âmes, et en 1800 que 4, au lieu des 8 millions de 1846. L'île tout entière ne formait alors qu'un immense pâturage, ce qui est évidemment sa destination naturelle et la meilleure manière d'en tirer parti. Quand cette population surabondante s'est développée, une culture qui en a été en même temps la cause et l'effet, celle des pommes de terre, s'est étendue parallèlement, et a absorbé tous les soins, tous les travaux, tous les fumiers.
De toutes les cultures connues, la pomme de terre est celle qui peut fournir, surtout en Irlande, la plus grande quantité de nourriture humaine sur une surface donnée de terrain ; cette propriété en fait un des dons les plus précieux de la Providence, mais à condition qu'elle ne s'étende pas trop, car alors elle devient un fléau, en épuisant sans les renouveler les moyens de production. [...]
Tant qu'on obtenait ces deux produits avec quelque abondance, le peuple des petits tenanciers vivait mal, mais il vivait, et malheureusement il multipliait. Quand la récolte venait à manquer ou seulement à décroître, la disette les décimait. Comme en même temps ils ne pouvaient payer la rente, le propriétaire ordonnait de les évincer, ce qui n'était pas facile. N'ayant que des baux annuels et verbaux, il ne leur restait d'autre ressource que la résistance armée. Les agents chargés de recouvrer les rentes, les officiers de police chargés d'exécuter les évictions, étaient reçus à coups de fusil ; quand ces assassinats donnaient lieu à des poursuites, il ne se trouvait ni un témoin pour charger les accusés ni un jury pour les déclarer coupables. Les tenanciers dépossédés, n'ayant plus aucun moyen d'existence, devenaient des vagabonds nocturnes ; leurs enfants et leurs femmes demandaient l'aumône ; et comme la taxe des pauvres n'existait pas, remède dangereux sans doute, mais quelquefois nécessaire, il n'y avait pas de bornes à cette progression de la misère et du crime. Les districts les plus fertiles souffraient profondément de ces plaies ; le mal arrivait à ses dernières limites dans les plus mauvaises parties de l'île, c'est-à-dire dans l'ouest.
Léonce de Lavergne, Essai sur l'économie rurale de l'Angleterre, de l'Ecosse et de l'Irlande, Paris, Guillaumin et Cie, 2e édition, 1855, pp. 376-378.
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