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L'Histoire de France, de l'Europe & du Monde

Les Celtes arrivent en Gaule au VIe siècle avant notre ère. A la fin du Ve siècle, ils atteignent le Sud du continent (Gaule Cisalpine, péninsule ibérique), pour une durée de quatre siècles, jusqu’à l’invasion romaine à partir de 58 avant notre ère. Les Gaulois ne sont guère connus qu’à travers les historiens grecs et latins, qui considèrent ce peuple comme un ennemi héréditaire : les Gaulois poussent souvent leurs incursions jusqu’en Italie et même à Rome dont ils s’emparent en 380. Leurs écrits sont donc partiaux.
D’un point de vue plus général, les Gaulois appartiennent au groupe plus général des Celtes, peuple s’étendant des îles britanniques jusqu’à l’Asie mineure, et à la civilisation de La Tène (environ 450-50 av. J.C.), du nom d’un site archéologique des bords du lac de Neuchâtel. Cette civilisation, si elle possède une certaine unité culturelle, n’a aucune cohésion politique.

La société et l’économie gauloise

Le peuple gaulois

La majeure partie des renseignements dont disposent les historiens sur les Gaulois avant la conquête romaine vient du philosophe et historien grec Posidonius, venu à Rome en 80 avant notre ère et ayant effectué des voyages en Gaule. La Gaule au Ier siècle avant J.C. est composée d’une soixantaine de peuples distincts (Eduens, Arvernes, Canutes, Vénètes, etc.) localisés sur des territoires nettement délimités, généralement correspondant à des régions naturelles. Disposés de la Garonne au Rhin, ils forment autant d’unités politiques, économiques et militaires. Aucun de ces peuples ne parvient à imposer son hégémonie sur la Gaule, ni d’ailleurs sur de vastes ensembles territoriaux.
Malgré ces divisions territoriales, les Gaulois restent liés par une culture commune et des relations constantes. Les Celtes vivent à peu près partout de la même façon, utilisent les mêmes armes et outils, se parent des mêmes ornements. Les Gaulois se sentent liés entre eux, même si ce sentiment est plus ou moins diffus. Les druides s’attachent à perpétuer cet embryon de sentiment « national » : c’est des druides que part le signal du soulèvement de 52 face à César, dont Vercingétorix prend la tête.

Les Gaulois sont décrits comme de haute taille, bien proportionnés, d’une voix grave et rauque, intelligents, curieux et très hospitaliers. Ils aiment la propreté et les beaux vêtements, connaissent le savon et se décolorent leurs cheveux à l’eau de soude, qu’ils gardent longs. La tunique a pour pièce principal la braie, pantalon ample maintenu à la taille par une ceinture. Les femmes portent des robes tenues à la taille par une ceinture souvent faite d’anneaux métalliques.

César distingue trois types d’hommes dans la société gauloise : les druides, les chevaliers et la plèbe. Les chevaliers (l’aristocratie guerrière) ont la propriété de la terre, symbole de richesse avec le bétail. Ils combattent nus mais avec beaucoup de hargne et un armement sophistiqué (épées de fer, lances, javelots, chars,…), effrayant leurs adversaires. Les druides sont à la fois des guides spirituels, des juges et des éducateurs. La plèbe est, selon César, essentiellement composée d’esclaves ou de personnes proches de l’état de servitude (paysans et artisans).

Il est difficile d’estimer la population gauloise au moment de la conquête romaine : les estimations vont de 5 à 25 millions d’habitants (probablement 12 à 15 millions). Si l’on retient le chiffre donné par César pour les seuls Helvètes, on a 263 000 individus.

L’agriculture et l’industrie

La Gaule est présentée par les auteurs latins comme un pays prospère. Le blé, à partir duquel est fabriqué le pain, constitue la culture principale ; l’orge (pour la bière), le seigle, l’avoine, le millet sont aussi cultivés. En revanche, ils ne semblent pas cultiver la vigne (sauf près de Marseille) et délaissent les légumes et les arbres fruitiers. Le bétail est abondant : les Gaulois mangent plus de viande que les Romains et exportent de la laine en Italie. Les Gaulois introduisent des procédés agricoles nouveaux, inconnus des Romains : certaines terres trop acides sont améliorées avec de la chaux ou de la marne, les terres sont enrichies avec du fumier mélangé avec des cendres, les Rhètes utilisent la charrue à roue qui remplace avantageusement l’araire. Pline l’Ancien décrit même une moissonneuse consistant en une sorte de caisse à roues, poussée par un animal, avec un bord avant armé de dents qui coupe les épis, les faisant tomber dans la caisse.

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Bas-relief découvert à Trèves (Belgique) représentant la moissonneuse gauloise.

Au niveau industriel, la métallurgie et sidérurgie sont particulièrement développées (importante utilisation du fer, maniement poussé du bronze, abondance d’or et d’argent). Les Gaulois sont d’habiles artisans, fabriquant toutes sortes d’objets : des bracelets et ornements raffinés, des tuniques, des tonneaux, des chariots, etc.

Campagnes et villes

Les Gaulois sont sédentaires et vivent principalement à la campagne. Ils habitent dans des maisons isolées ou dans un petit groupe d’habitations correspondant à un hameau (pas plus de 200 à 300 habitants). Les habitations sont des huttes circulaires de branchages enduits de terre glaise, de 3 à 5 mètres de diamètre, ou des cabanes de grandes dimensions rectangulaires (8-9 mètres de long sur 6 ou 7 de large) en charpente avec des poteaux à l’intérieur pour soutenir la toiture. Les Gaulois ne connaissent ni la tuile ni le mortier (introduits par les Romains). Dans ces habitats, pas de meubles mais une vaisselle importante (chaudrons, jarres, marmites, bouteilles, assiettes, plats, bols, tasses, etc.). Les maisons des campagnes ne sont sensiblement pas différentes de celles des villes.

La ville gauloise est caractérisée par ses fortifications : c’est un oppidum. Généralement, les remparts étaient antérieurs à la ville, servant de refuges en cas d’agression : les oppida de Gergovie, Bibracte et Alésia apparaissent comme d’anciens sites préhistoriques occupés uniquement en cas d’alerte. Les premiers habitants à s’être installés durablement dans ces places fortes sont sûrement des artisans, soucieux de mettre leurs installations à l’abri. A la fin du IIe siècle, les invasions des Cimbres et des Teutons contribuèrent à transformer ces forteresses en habitats permanents. L’oppidum est devenu un centre industriel, un centre commercial et un centre politique.

La religion gauloise

Le panthéon gaulois

Il est difficile de parler de « religion gauloise », les divinités et les rites variant d’une région à une autre, malgré un fond commun. La religion gauloise est connue par trois types de sources : les écrits grecs et romains, les inscriptions et monuments de la Gaule romaine, et les souvenirs païens rencontrés dans la littérature celtique du Moyen-Âge chrétien. Aucune de ces trois sources n’est fiable : les écrivains latins, persuadés que les dieux sont partout les mêmes malgré des noms différents, n’ont pas porté une grande attention à ce qui constitue le caractère propre de la religion gauloise ; les sources gallo-romaines ont été en partie contaminées par la culture gréco-romaine ; les indications venant des pays celtiques gallois ou irlandais ne décrivent pas exactement la religion gauloise.

Le culte le plus ancien (antérieur aux Gaulois) paraît être celui de la Terre-Mère, divinité de la vie et de la mort. Ayant enfanté tous les êtres (Hommes, animaux, végétaux), elle les accueille lors de leur trépas. La Terre-Mère est accompagnée d’un dieu Père, associé à l’image d’une hache, symbole de la toute-puissance. Les Celtes ont emprunté des éléments aux peuples nordiques, ainsi en est-il du dieu du Soleil que l’on retrouve sous les noms indigènes de Grannus, Belenus, Borvo (etc.). Teutatès, Esus et Taranis, aux attributs indistincts et interchangeables, sont de grands dieux gaulois, féroces et cruels. Enfin, toutes sortes de dieux animaux ou dieux arbres peuplent le panthéon gaulois tels Epona (divinité des chevaux), Artio (divinité des ours) ou Abellio (divinité des pommiers).

Les druides : le clergé gaulois

Les druides forment une classe sociale qui tient une position bien établie au sein de la société gauloise. Étymologiquement, le mot « druide » peut être traduit par « très savant » : dru signifiant « fort » et wid « savoir ». Ils sont impliqués dans la vie politique, les sacrifices rituels, les prophéties et le contrôle du monde surnaturel. En tant qu’intercesseurs avec le monde divin, les Gaulois sont à la fois craintifs et admiratifs à leurs égards. Leur position les conduit à présider les sacrifices. Ils ont aussi les fonctions de juges et conciliateurs : l’inspiration divine leur donne la légitimité pour régler les différents laïcs. Ainsi, ils jugent les litiges entre les particuliers et entre les peuples.
Outre leur rôle religieux, ils sont les éducateurs de la jeunesse aristocratique. Ce sont les druides qui détiennent le savoir concernant les dieux, le culte, l’histoire de la tribu et les sciences. Ils ne mettent rien par écrit, pour ne pas divulguer leurs connaissances et par crainte de sombrer dans une certaine paresse intellectuelle. La formation pour devenir druide dure 20 ans, le temps d’assimiler tout le savoir nécessaire.

Chaque année, une grande assemblée réunit les druides de toute la Gaule sur le territoire des Carnutes, à peu près au centre de la Gaule. Cette assemblée des druides, malgré les luttes et tensions entre les différents peuples gaulois, permet de maintenir un relatif sentiment d’union celtique.

Les croyances et les sacrifices

Pour Jules César, le point essentiel de la doctrine religieuse inculquée par les druides est que l’âme ne meurt pas mais passe dans un autre corps. Cette croyance expliquerait, selon César, le grand courage des Gaulois à la guerre. Le poète romain Lucain, matérialiste et athée, contemporain de César, écrit : « La mort […] est le milieu d’une longue vie. Heureuse illusion des peuples que regarde l’Ourse : car la plus forte des craintes ne les saisit point, la terreur du trépas ». Ce qui frappe aussi les Grecs et les Romains, c’est qu’à la différence de leurs religions, celle des Gaulois comporte une morale qu’ils résument dans le triple précepte : « Honore les dieux / Sois brave / Ne fait rien de mal ».

Au niveau des sacrifices, les auteurs grecs ou latins (Diodore de Sicile, Strabon ou César) décrivent d’immenses mannequins constitués d’osier tressé, que l’on remplit d’hommes et auxquels on met le feu. Les criminels sont préférés car réputés plus agréables aux dieux mais, à défaut, des innocents sont aussi immolés. Ces brasiers sont essentiellement destinés à Taramis, les autres dieux préférant d’autres modes d’exécution (pendaison ou suffocation). Parfois, les Gaulois substituent des animaux aux victimes humaines, voire des simulacres (représentation de la victime humaine). Ces sacrifices, qui se placent dans la continuité de ceux de la haute antiquité, ont pour but d’apaiser les dieux.

La conquête romaine

L’arrivée des Romains en Gaule

En 58 avant notre ère, les Eduens appellent le proconsul de la Gaule Cisalpine Jules César pour contrer la migration des Helvètes vers l’Ouest. César entre alors en Gaule avec six légions et défait les Helvètes en quelques semaines. Le vainqueur, établi chez les Eduens, se pose en sauveur des Gaulois. Les représentants de presque toutes les cités viennent pour le remercier d’avoir protégé le pays de l’invasion. Les Gaulois proposent alors à César de les débarrasser d’un danger plus grand : les Germains dirigés par Arioviste. César, répondant à cette sollicitation, repousse les Germains au-delà du Rhin mais, suite à sa victoire, ne rentre pas dans les provinces romaines, à la surprise des Eduens. César, admirant Alexandre, rêve de gloire : il se fixe comme objectif de son proconsulat la conquête de la Gaule. L’aide apportée aux Eduens ne lui a permis en réalité que de prendre pied en Gaule. César se sert de l’amitié des Eduens pour attaquer les Belges, peuple gaulois qui jouit du plus grand prestige guerrier. Après avoir levé deux nouvelles légions, qui portent son armée à huit légions (environ 50 000 hommes), César soumet les peuples belges (pouvant aligner 300 000 guerriers) à la suite d’une campagne militaire relativement facile. En 57, César annonce la soumission de la Gaule. Il mène une campagne en Germanie (56) puis outre-Manche (55), cette dernière n’étant marquée que par des succès médiocres.

Le grand soulèvement de Vercingétorix

Pendant que César mène la guerre aux frontières ou hors de la Gaule, les peuples gaulois n’ayant pas combattu commencent à s’élever contre la domination romaine. Dans le centre de la Gaule, les rois amis de César sont chassés ou assassinés. Dans le Nord, une légion romaine est massacrée par Ambiorix, chef des Eburons. César entreprend de mater la révolte en menant une campagne répressive en 54-53. Un peuple propose alors la guerre « nationale » pour la sauvegarde de l’indépendance et de la liberté de la Gaule : les Carnutes. C’est un jeune homme arverne, Vercingétorix, qui prend la tête de la révolte. Il réussit à ranger derrière sa personne la majeure partie de la Celtique du Centre et de l’Armorique en 52.
Vercingétorix entend pratiquer la tactique de la terre brûlée et couper les lignes de ravitaillement romaines, mais beaucoup de Gaulois se refusent à voir périr leurs biens. César, après la prise d’Avaricum (Bourges), malgré une défense héroïque, met le siège devant Gergovie, principale citadelle du pays arverne. Mais la cité, perchée en haut de sa montagne, résiste face à un proconsul de plus en plus isolé dans un pays majoritairement hostile. Durant le siège de la cité, les Eduens, les plus anciens alliés des Romains, se rangent derrière Vercingétorix et massacrent les garnisons romaines établies dans leur pays. César, impuissant devant Gergovie, lève le siège et se décide à rentrer au Sud.

Le siège d’Alésia et la soumission de la Gaule

Pendant que l’armée de César retraite suite à l’échec de Gergovie, la cavalerie gauloise harcèle les flancs et l’arrière des colonnes romaines. Cette chevauchée est un désastre : la cavalerie subit des échecs multiples face aux lignes romaines et finit par battre en retraite. César, revigoré par ces succès, décide de repasser immédiatement à l’offensive et met le siège devant Alésia, citadelle des Mandubiens, où s’est replié Vercingétorix.

Le chef arverne, avec 80 000 hommes d’élite et 30 jours de vivres, s’enferme dans la cité tandis que César commence immédiatement des travaux de fortifications autour de la ville : une double enceinte (une pour se protéger des sorties des assiégées, une seconde pour se protéger de l’extérieur). Vercingétorix, peu avant de s’enfermer, avait en effet demandé une levée en masse dans toute la Gaule, pour venir le dégager. L’ordre du chef de la résistance gauloise n’a cependant pas été respecté. Alors que Vercingétorix souhaitait une mobilisation générale de tous les hommes pouvant porter les armes, les cités délibérèrent et décidèrent d’envoyer des contingents limités : 240 000 fantassins et 8000 cavaliers en tout, soit moins que ce que les Belges avaient pu aligner à eux seuls.

Le premier assaut de l’armée de secours, mené par les cavaliers, est un désastre. Deux jours plus tard, un nouvel assaut a lieu, à la fois extérieur et intérieur, contre les lignes romaines, sans résultat. Du côté de l’armée de secours, les chefs délibèrent, et au lieu d’un assaut massif, ce ne sont que 60 000 hommes (probablement le contingent arverne), menés par Vercassivellaun, un cousin de Vercingétorix, qui se dirigent vers un point repéré comme faiblement défendu. Les Gaulois assiégés se joignent à l’attaque sur le même point. César amenant des renforts réussit à chaque fois à rétablir la situation. A la fin de la journée, Vercingétorix et son cousin sont repoussés. Une chevauchée des Germains, alliés des Romains, finit de semer le désordre dans le camp des Gaulois n’ayant pas combattu. L’armée de secours repart dispersée sans avoir mené de véritable assaut.
Vecingétorix, isolé dans Alésia, décide alors de se rendre au vainqueur romain. Il arrive à cheval dans le camp romain et jette ses armes devant le proconsul, sans un mot. Fait prisonnier, Vercingétorix finit dans un cachot de Rome où il meurt six ans plus tard, exécuté par un bourreau. César sort vainqueur de la guerre des Gaules, même si des révoltes continuèrent d’éclater sporadiquement, réprimées les unes après les autres.

Après la victoire de César, les Gaulois s’appliqueront à imiter les Romains : mêmes types de villes, mêmes méthodes agricoles, mêmes modes de vie et de pensée. Le peuple conquis s’assimile complètement au point d’oublier sa langue, ses coutumes et son originalité. La Gaule romaine devient pour trois siècles l’une des plus florissantes provinces de l’Empire, rivalisant même avec l’Italie.

Bibliographie :
GRENIER Albert, Les Gaulois, Paris, Payot, 1997.
PETIT Paul, LARONDE André, Précis d’Histoire ancienne, Paris, PUF, 2010 (réed.).

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