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L'Histoire de France, de l'Europe & du Monde

Au-delà des frontières romaines vivent des peuples peu connus que les Romains nomment commodément « barbares » (ceux qui ne parlent pas le latin). On y distingue deux groupes très différents : les peuples germaniques venus de Scandinavie et qui occupent la partie centrale de l’Europe et les nomades issus des steppes d’Asie centrale qui s’établissent à l’est du continent. A partir du IVe siècle la pression aux frontières (limes) se fait de plus en plus forte. La résistance nécessite des renforts permanents alors que l’Empire traverse une crise économique. En 373 arrivent les Huns qui parviennent à briser les défenses romaines. Les peuples barbares traversent le limes et s’installent dans l’Empire romain.

La migration des peuples germaniques (Ve siècle)

L’arrivée des Huns

Les Huns, venus d’Asie centrale, passent le Don en 375, détruisent l’empire alain des rives de la Caspienne, et repoussent vers l’Ouest tous leurs ennemis. Ils fondent, en Europe centrale, vers 400-410, un vaste Etat nomade aux frontières imprécises. Depuis leur campement, ils attaquent sans cesse l’Orient, puis, unifiés par Attila (roi de 434 à 453), se tournent vers l’Occident. En 451, Attila ravage tout le nord de la Gaule, détruit Metz, Reims et Troyes. Tenu en échec devant Orléans par les troupes du général romain Flavius Aetius, défait lors de la bataille des Champs Catalauniques (451), en Champagne, par les Romains et leurs alliés barbares, il se tourne vers l’Italie. Après la chute d’Aquilée, il se dirige vers Rome. Le pape Léon parvient, au cours d’une négociation, à le détourner de la ville. La mort d’Attila en 453 entraîne la dislocation de son empire.

Les migrations « barbares » et les premiers royaumes

A la suite de la disparition de l’empire des Huns, les entreprises brutales et dévastatrices restent marginales. En 418, les Wisigoths obtiennent un foedus (traité qui précise les conditions d’établissement sur les terres abandonnées ou sur les domaines de grands propriétaires romains) et fondent un vaste royaume qui rassemble l’Aquitaine et l’Espagne. En 406, les Vandales, les Suèves et les Alamands franchissent le Rhin et pillent la Gaule. Les Burgondes les suivent et s’installent avec les Alamands sur la rive gauche du Rhin. Les Suèves fondent un royaume au nord-ouest de l’Espagne autour de Braga et les Vandales, après avoir ravagé l’Espagne, franchissent le détroit en 429. A la suite du saccage Carthage, ils s’établissent dans la partie orientale de l’Afrique du Nord, fondant un troisième royaume barbare : Rome perd son grenier à blé et la maîtrise de la Méditerranée. Les Burgondes sont transférés en Suisse romande et dans le Jura du Sud, après 436, avec le statut de fédérés.
Au Nord, l’actuelle Grande-Bretagne est soumise aux assauts des Scots et des Pictes d’Ecosse. Des chefs bretons, après avoir appelé en vain Rome, demandent de l’aide à des groupes de Saxons pour repousser les envahisseurs. Ceux-ci, une fois la tâche exécutée, se révoltent ensuite contre leurs hôtes tandis que les Jutes, Angles et autres Saxons débarquent dans le Kent. Les Bretons émigrent et traversent la Manche pour s’installer en Armorique (450-600), péninsule à laquelle ils donnèrent leur nom.

En 476, la dernière armée « romaine » sous la direction d’Odoacre, général d’origine barbare, dépose le dernier empereur romain d’Occident, Romulus Augustule. L’événement n’a alors aucun retentissement car l’Empire est déjà très fortement barbarisé. L’Empire romain d’Occident disparaît, il n’y a plus qu’un seul empereur, celui d’Orient, à Constantinople. En 489, Théodoric, roi des Ostrogoths, envahit la péninsule et inflige une lourde défaite à Odoacre près de Vérone. En 493, Odoacre est assassiné dans Ravenne.

Les luttes entre les différents royaumes (V-VIe siècles)

La montée en puissance des Francs

Avant Clovis, les Francs, partis des rives inférieures du Rhin, ont conquis tout le nord de la Gaule et installé leur capitale à Tournai, où est enterré en 481 leur roi Childéric. Son fils Clodweg, connu sous le nom de Clovis, entreprend une grande politique de conquêtes. Il élimine Syagrius, chef de l’armée romaine de Soissons, et s’empare de son royaume (486). Il annexe le territoire alaman suite à la bataille de Tolbiac et écrase les Wisigoths à Vouillé (507), tuant leur roi et s’emparant de l’Aquitaine.
Clovis est baptisé à Reims par saint Remi le 25 décembre 496, 498 ou 499 (date incertaine). Alors seul roi barbare catholique, appuyé par l’empereur Anastase, il mène une guerre victorieuse jusqu’à Toulouse. Clovis installe sa capitale à Paris, ville où restaient de nombreux et influents cadres gallo-romains. Après sa mort, les fils de Clovis, qui se réclament d’un ancêtre légendaire, Mérovée (d’où le nom des Mérovingiens), annexent le royaume burgonde (534) puis la Provence sur les Ostrogoths (537) tandis que les rois Thierry (511-539) et Théodebert (534-548) établissent un protectorat sur les Thuringiens, les Alamans et les Bavarois. L’hégémonie des Francs s’affirme vers 550 sur l’ensemble du monde barbare d’Occident.

La reconquête byzantine

Justinien, empereur romain d’Orient de 527 à 568, rêve de conquérir l’Occident pour restaurer l’unité perdue. En 533, Justinien s’empare du royaume vandale d’Afrique du Nord en prenant pour prétexte l’usurpation de Gélimer. Les richesses de Rome, pillées par Genséric, sont ramenées à Constantinople pour y être montrées en triomphe au peuple byzantin. En 535, les troupes impériales chassent les Ostrogoths de Sicile et s’attaquent à l’Italie qui résiste pendant 20 ans. Mais redevenue byzantine, la péninsule se trouve dans un état de ruines, ses villes détruites et une partie de sa population massacrée : les deux opposants ont pratiqué la politique de la guerre brûlée. Le Sud-Est de l’Espagne (Bétique) est rattaché à Byzance en 554 suite aux divisions qui opposent les prétendants à la couronne depuis la mort du roi Amalric en 531. A la mort de Justinien, la Méditerranée est presque redevenue romaine même si la reconquête n’est pas achevée.
L’Italie très affaiblie tombe cependant aux mains d’un nouveau peuple barbare, les Lombards (568-572). Les Byzantins parviennent à résister dans quelques enclaves et régions de la péninsule (Venise, Rome, Ravenne, la Sicile, Naples,…). Les successeurs de Justinien n’ont pas les moyens de poursuivre la reconquête.

Stabilisation et renforcement des Etats barbares (VII-VIIIe siècles)

Trois grands royaumes

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Clotaire II traite avec les Lombards.

Chez les Francs, la patrimonialité du royaume entraîne de violentes guerres fratricides après la mort de Clovis. Tandis que le pouvoir royal s’effrite, celui des ducs (commandants des armées) et des membres du palais s’affirme. Brunehaut (547-613), conseillère ou régente de quatre rois (son mari Sigebert, ses fils, petit-fils et arrière-petit-fils) tente de mater l’aristocratie mais est suppliciée en 613. Clotaire II réunifie le royaume en 613. Son successeur Dagobert parvient à maintenir le royaume uni mais sa mort en 639 entraîne de nouvelles guerres civiles. Après cette éphémère restauration du pouvoir royal, seuls les maires du palais, administrateur des domaines royaux, peuvent s’opposer aux ambitions des grands. La famille des Pippinides monte en puissance et finit par imposer une nouvelle dynastie malgré son manque de légitimité.

Les Wisigoths en Espagne forment un très brillant royaume, uni et centré autour de Tolède. Son histoire est marquée par le règne de Léovigilde (567-586) qui renforce l’unification politique du royaume après une série de guerres face aux peuples rebelles (Basques, Suèves, neutralisation des Byzantins) et par la conversion du roi Récarède au catholicisme en 587 qui devient religion d’Etat (589). Le royaume est cependant marqué par une grande instabilité autour de la succession du roi. L’ancienne aristocratie, s’appuyant sur les Francs, montre de vifs désirs d’indépendance et affaiblit le royaume dans des luttes intestines. En 711, les Arabes traversent le détroit de Gibraltar et remportent une victoire décisive sur les troupes de Rodrigue sur les rives du Guadalete. Le royaume wisigoth disparaît : seule subsiste une petite enclave dans les Asturies.

En Italie, la conquête lombarde est la conséquence de l’invasion des cavaliers avars en Pannonie et de la ruine de l’Italie. La conquête de la péninsule demeure néanmoins inachevée. L’occupation est pendant longtemps déterminée par la loi militaire des conquérants. Les terres sont confisquées, l’aristocratie romaine anéantie. En 774, le royaume tombe aux mains de Charlemagne.

La reprise économique à partir du VIIe siècle

Les Ve et VIe siècles ont vu une aggravation de la crise économique débutée au IIIe siècle, avec une réapparition de la peste à partir de 542 qui a touché de manière grave l’Europe. Le climat économique s’améliore à partir du VIIe siècle jusqu’au XIIIe siècle.
Au niveau du commerce, les VII-VIIIe siècles voient un basculement des centres actifs de la Méditerranée vers la mer du Nord. Ce transfert des pôles commerciaux et des voies commerciales est accentué par les conquêtes arabes du VIIe siècle et le développement de la piraterie en Méditerranée.



L’image classique du haut Moyen-Âge (500-1000) est celle d’une profonde régression d’un continent passé de la brillante civilisation romaine à la barbarie et à l’archaïsme. Cette idée, si elle n’est pas inexacte, comporte de nombreuses exceptions. La mort de l’Empire d’Occident n’entraîne pas la disparition complète des circuits commerciaux. L’aristocratie provinciale survit à la chute de l’Empire et sert d’appui aux rois barbares pour l’administration. Des lettrés comme Boèce ou Cassiodore entreprennent de sauver l’héritage intellectuel de l’Antiquité. Enfin, les envahisseurs constituaient des groupes numériquement faibles par rapport aux populations indigènes: il n’y a pas eu de grande marée humaine submergeant l’Empire (les Wisigoths, sans doute les plus nombreux, étaient peut-être 100 000 lors de leur établissement en Gaule du Sud, alors que la population de la péninsule Ibérique était de 7 ou 8 millions d’habitants).

Bibliographie :
Balard, Michel ; Genet, Jean-Philippe ; Rouche, Michel. Le Moyen Âge en Occident. Hachette supérieur, 1999.
Berstein, Serge ; Milza, Pierre. De l’Empire romain à l’Europe. Ve-XIVe siècle (Tome 2). Hatier, 1995.
Heers, Jacques. Précis d’histoire du Moyen Âge. PUF, 1990.

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