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L'Histoire de France, de l'Europe & du Monde

Au lendemain du 9 mars 1661 qui voit la mort de Mazarin, Louis XIV annonce à ses ministres qu’il entend gouverner seul. C’est le début d’un « gouvernement personnel » qui rompt avec le règne précèdent marqué notamment par le ministériat. Regardé comme une apogée de la monarchie absolue, le règne du « Roi Soleil » est aussi un moment décisif dans la construction de l’Etat moderne français. Lorsque Louis XIV meurt à Versailles le 1er septembre 1715 après 72 ans de règne, dont 64 effectifs (en retirant la régence de 1643 à 1651), une structure de gouvernement ferme est installée, la noblesse est domestiquée et la France est dotée de structures administratives durables. Ses guerres ont permis de rattacher des territoires à la France (Franche-Comté et au Nord) et de solidifier les frontières. Néanmoins les finances sont au plus mal en 1715 et les divisions religieuses (jansénisme, protestantisme) encore fortes : le résultat escompté n’est pas encore atteint.

Le renforcement du pouvoir royal

Le retour à l’ordre et à l’obéissance

Traumatisé par la Fronde (1648-1652), Louis XIV entend mettre au pas tous ses opposants. Les oppositions traditionnelles sont réduites au silence. Les Parlements perdent ainsi dès 1665 leur titre de cours « souveraines » pour celui de cours « supérieures ». A partir de 1673, le Conseil impose aux magistrats d’enregistrer les édits royaux avant toute remontrance. Les Parlements sont ainsi cantonnés au seul rôle de chambre d’enregistrement.
L’ensemble de la production imprimée est mise sous contrôle : Colbert, à partir de 1667, procède à une diminution de moitié des ateliers d’imprimerie parisiens. Les révoltes populaires sont durement réprimées. Louis XIV comprend aussi que sa grandeur passe par la propagande politique : les arts sont mis au service de l’exaltation de la personne royale.

Symbole de l’absolutisme louis quatorzien, le château de Versailles est construit tout au long du règne. En mai 1682, le roi s’y installe et y fixe sa Cour. Lieu de plaisirs et de divertissements, il est aussi celui de la soumission de la noblesse qui, autrefois turbulente, est désormais domestiquée. Louis XIV perfectionne l’Etiquette (protocole de Cour qui solennise les actes publics du roi) pour la transformer en « logique du prestige », suscitant une compétition parmi les courtisans pour acquérir les faveurs du monarque. Ces courtisans sont domptés par une dépendance accrue vis-à-vis du roi tant pour des raisons financières que pour des obligations de prestige.

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Le roi et sa cour à Versailles, peinture d’Allegrain (XVIIe).

L’ « absolutisme » économique

Colbert est le principal artisan de la politique économique de la monarchie française sous Louis XIV. Il s’applique à remettre de l’ordre dans l’administration financière : ainsi en 1661, sur les 83 millions de livres payés par les contribuables français, seulement 31 parviennent au Trésor royal, le reste allant aux collecteurs et fermiers. Colbert réorganise le Trésor de l’épargne et le Conseil des finances. Un budget prévisionnel et un état réel des comptes sont établis.
Colbert s’efforce également de développer l’activité économique dans le royaume. Se plaçant dans un cadre mercantiliste, il cherche à réduire les dépenses et accroître les recettes. Il développe ainsi en France la production des produits importés de l’étranger. Les barrières douanières sont élevées. Le gouvernement encourage le recrutement des meilleurs ouvriers d’Europe pour produire les meilleures marchandises possibles. Le développement économique de la France a pour finalité d’entretenir l’armée royale, de financer les constructions et d’affermir la gloire du monarque.

La répression des dissidences religieuses

Le jansénisme est un mouvement catholique, considéré comme hérétique par certains, qui naît vers le milieu du XVIIe siècle. Devant son nom à l’évêque d’Ypres Cornelius Jansenius, dont l’Augustinus est publié en 1640, le courant s’oppose à l’optimisme des jésuites sur la grâce et le libre-arbitre. L’Augustinus insiste sur la corruption profonde de l’Homme depuis le péché originel et oppose la toute-puissance de Dieu à l’autonomie humaine: le salut ne dépend que de la grâce divine. Le courant est trop proche des positions calvinistes pour ne pas susciter une certaine hostilité: le pouvoir politique en France considère ainsi le groupe avec une méfiance croissante.
La lutte s’intensifie à partir de 1661 lorsque les religieuses jansénistes de Port-Royal refusent de signer le formulaire de 1656 dans lequel le pape Alexandre VII rejette les propositions de l’Augustinus. Le refus des religieuses de Port-Royal provoque leur dispersion dans plusieurs couvents. Après une période d’accalmie durant les années 1668-1679, la persécution reprend contre un mouvement qui est perçu par Louis XIV comme un ferment de division. Les arrestations se multiplient et nombre de jansénistes trouvent refuge aux Pays-Bas. Une nouvelle bulle de condamnation est obtenue du pape en 1705, les pensionnaires de Port-Royal sont à nouveau dispersés en 1709 et, deux ans plus tard, le monastère, l’église et le couvent sont rasés. En 1713, la bulle papale Unigenitus condamne cent une propositions jansénistes.

Louis XIV mène également l’offensive contre le protestantisme pour poursuivre son affaiblissement. Après une application de plus en plus restrictive de l’édit de Nantes, celui-ci est révoqué le 18 octobre 1685. Des mesures sont prises pour inciter à l’abjuration (annulation de dettes, exemptions fiscales,…) et à partir des années 1680, le roi a recours à la violence militaire (les dragonnades – des soldats logés chez des huguenots – aboutissent à des conversions collectives). Près de 300 000 huguenots quittent le royaume en 20 ans.

Louis XIV face à l’Europe

Les guerres de Dévolution et de Hollande (1665-1678)

Assuré du contrôle d’un puissant royaume, Louis XIV entend montrer aux autres souverains européens sa suprématie. Il ne s’agit pas, contrairement aux Habsbourg, d’unifier l’Europe sous une autorité unique mais de satisfaire la volonté de gloire du roi et d’étendre le royaume.
La mort du roi d’Espagne (1665) fait éclater le premier conflit: Louis XIV s’appuie sur une vieille coutume des Pays-Bas, la « Dévolution » (selon laquelle en cas du décès du père ou de la mère du prince, c’est l’aîné des enfants qui hérite de la propriété de la province), afin de revendiquer l’héritage des Pays-Bas espagnols pour son épouse, l’espagnole Marie-Thérèse. Le refus de l’Espagne le conduit à la guerre: la France conquiert sans peine les territoires revendiqués en 1667. Les Provinces-Unies voient avec inquiétude l’arrivée aux frontières de la France. Le vainqueur traite avec les espagnols et signe la paix d’Aix-la-Chapelle en 1668: le roi renonce aux Pays-Bas mais obtient quelques villes au Nord qui fortifient la frontière. Cette paix n’est qu’une trêve, Louis XIV n’ayant pas renoncé à l’héritage espagnol. D’autant plus que les intérêts économiques français sont entravés par les Provinces-Unies, la première puissance commerciale en Europe. Avec le soutien de Charles II d’Angleterre, Louis XIV déclare en 1672 la guerre aux Provinces-Unies. La première partie de la guerre est très rapide, les troupes françaises s’enfonçant au coeur de la Hollande. Pour stopper l’armée française, Guillaume d’Orange convainc ses sujets d’ouvrir leurs digues, inondant les polders maritimes. Louis XIV remporte néanmoins de nouveaux succès mais se retrouve de plus en plus isolé: l’empereur germanique et électeur de Brandebourg rejoint la Hollande tandis que Charles II d’Angleterre sort du conflit. Louis XIV doit renoncer aux Pays-Bas et signe la paix de Nimègue (1678). Si la France acquiert des territoires en Flandre et la Franche-Comté, elle se retrouve seule face à une coalition européenne.

Louis XIV face à la ligue d’Augsbourg (1686-1697)

Après la paix de Nimègue, Louis XIV fait figure d’arbitre tout-puissant en Europe. Les souverains européens craignent ses volontés expansionnistes. Louis XIV, conscient de sa force, procède à une série d’annexions en temps de paix (politique des « Réunions »), dont l’annexion de la ville de Strasbourg en 1681 proclamée réunie à la Couronne. L’inquiétude grandit à la révocation de l’édit de Nantes (1685) qui semble menacer l’ensemble des réformés d’Europe. La coalition qui se met alors en place prend le nom de « ligue d’Augsbourg » (1686) et regroupe l’empereur d’Autriche Léopold Ier, le roi d’Espagne Charles II, le roi du Suède Charles XI, la Savoie, la Saxe, la Bavière, les Provinces-Unies et l’Angleterre de Guillaume d’Orange. Malgré son isolement, la France obtient de brillantes victoires aux Pays-Bas et dans les Alpes. La disproportion des forces en présence et quelques défaites contraignent cependant Louis XIV à traiter avec la ligue d’Augsbourg, en 1697 (traités de Ryswick). C’est un échec autant pour Louis XIV, qui doit renoncer à ses conquêtes depuis la paix de Nimègue et reconnaître son adversaire Guillaume III comme roi d’Angleterre (celui-ci avait évincé Jacques II, allié du roi de France), que pour la ligue d’Augsbourg, qui ne parvient pas à abattre la France.

La guerre de succession d’Espagne (1701-1714)

La détérioration, depuis la paix de Ryswick, de l’état de santé du roi d’Espagne Charles II pose la question de la succession au trône. Les deux principaux compétiteurs sont Louis XIV et l’empereur autrichien Léopold. Louis XIV fait preuve de modération en traitant avec Guillaume d’Orange, constitué en garant de l’équilibre européen. Les négociations aboutissent à un démembrement de l’Espagne qui satisfait toutes les puissances européennes. Charles II finit par mourir en 1700. Pour éviter le dépeçage, il confie dans son testament, à la surprise générale, l’ensemble de l’héritage au second petit-fils de Louis XIV, le duc d’Anjou, à la condition qu’il renonce au trône de France. Louis XIV accepte le testament mais décide que son petit-fils ne renoncera pas à ses droits à la couronne de France.
Les principales puissances européennes (l’empereur, l’Angleterre et les Provinces-Unies) se dressent aussitôt contre Louis XIV dans la Grande Alliance de la Haye (1701). Le royaume de France n’est cependant plus aussi dynamique qu’au début du règne et les difficultés se multiplient. La dette française se creuse et la misère s’installe. Des soulèvements éclatent. Une succession de défaites oblige le roi à traiter en 1709, mais les conditions qui lui sont imposées sont si dures que la guerre se poursuit. En juin de la même année, une lettre écrite par le roi, demandant à ses sujets de s’enrôler dans l’armée pour défendre le royaume, est lue dans toutes les églises: appel entendu par des milliers de français. Les adversaires du Roi Soleil ne parviennent pas à prendre un avantage décisif. C’est en 1713 que les traités d’Utrecht et de Rastadt mettent fin à la guerre. Philippe V (le petit-fils de Louis XIV) conserve le trône d’Espagne mais Louis XIV doit concéder des territoires en compensation (les Pays-Bas, le Milanais, la Sardaigne et Naples). Les Provinces-Unies sortent très affaiblies de la guerre. L’Angleterre est la grande gagnante et assurera le rôle d’arbitre européen durant tout le XVIIIe siècle.

Bibliographie :
Béguin, Katia. Histoire politique de la France. XVIe-XVIIIe siècle. Armand Colin, 2001.
Bély, Lucien. La France moderne. 1498-1789. PUF, 2003.

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