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L'Histoire de France, de l'Europe & du Monde

La Renaissance, bien que n’étant pas nulle en apports scientifiques, est restée sur une vision du monde ancienne, caractérisée par une pensée théologique et une physique qualitative. Ce n’est qu’au XVIIe siècle, avec de brillants esprits comme Galilée, Descartes ou Newton, que la science moderne naît véritablement. Ces savants mettent au point la méthode expérimentale et insistent sur le rôle fondamental des mathématiques. De véritables révolutions scientifiques ont lieu notamment en astronomie, physique, chimie ou biologie. Parallèlement, la technique fait des progrès significatifs qui permettront de faire éclore la révolution industrielle à la fin du XVIIIe siècle. La civilisation technique et scientifique des XIXe et XXe siècles pourra solidement s’édifier sur les bases posées durant les Temps modernes. La pensée aussi va être changée, ces révolutions scientifiques n’étant pas pour rien dans l’essor de la pensée des Lumières. La croyance en le progrès de l’humanité gagne les esprits.

Les révolutions scientifiques

Le choc copernicien et ses suites

Pensée par Copernic (1473-1543) dès le début du XVIe siècle, mais publiée seulement en 1543 dans les Révolutions des sphères célestes, ouvrage dédié au pape, la théorie héliocentrique (la Terre tourne autour du Soleil et non l’inverse) opposée à la théorie géocentrique (la Terre est au centre du système solaire) est présentée comme une simple hypothèse. Le système copernicien est en réalité inexact car il place le Soleil au centre de l’univers et ne conçoit pas un univers en expansion. Néanmoins, cette théorie, délogeant l’Homme du centre du monde, va poser de nouvelles questions.

Divers savants prolongent les travaux de Copernic. A la fin du XVIe siècle, le théologien Giordano Bruno avance des théories audacieuses : le Soleil n’est pas au centre de l’univers mais n’est qu’une étoile perdue parmi tant d’autres dans un univers infini. Condamné pour hérésie (deux infinis, celui de Dieu et celui de l’univers, ne sauraient coexister), il monte sur le bûcher en 1600, pourtant à l’époque où les princes soutiennent les savants.
De son côté, le tchèque Johannes Kepler montre le mouvement elliptique des planètes autour du Soleil contre l’idée d’un cercle parfait. Quant à l’italien Galilée, il découvre, grâce à sa lunette astronomique, que la Terre n’est pas la seule planète à posséder des satellites ; malgré tout, il est encore partisan d’un mouvement circulaire et non elliptique des planètes autour de l’astre central qu’est le Soleil. Son célèbre procès de 1633 va bien au-delà de la question de la théorie héliocentrique (vérité alors implicitement admise par les autorités religieuses) car Galilée, par ailleurs provocateur (il ridiculise le pape dans son Dialogue sur les deux systèmes du monde), affirme la totale liberté du savant devant tout autre pouvoir. Il est condamné à l’abjuration et à une résidence surveillée.
Mais surtout, plus que Copernic, Kepler ou Galilée, c’est Newton, avec sa loi de la gravitation universelle, qui va véritablement fonder l’astronomie moderne.

La pénétration des secrets de la matière

Mathématicien et physicien, l’anglais Isaac Newton (1643-1727), s’appuyant sur les travaux de Kepler, formule en 1687 dans sa Philosophiae naturalis principia mathematica la loi de la gravitation universelle qui unit en un même principe (l’attraction réciproque des corps) les observations terrestres (chute des corps, origine des marées) et les observations astronomiques (mouvement elliptique des planètes, l’aplatissement de la Terre aux pôles). Cette découverte est révolutionnaire car l’idée de l’action de forces à distance paraissait inconcevable au XVIIe siècle. Il formule aussi le principe d’inertie. Les grands astronomes du XVIIIe siècle s’attacheront à démontrer la validité du système newtonien, notamment l’anglais Halley qui étudie la trajectoire et le retour périodique de certaines comètes ou les français Bouguer, Maupertuis et Clairaut qui démontrent l’aplatissement de la Terre aux pôles.

Les savants se penchent également sur le phénomène de l’électricité et posent les bases de sa maîtrise future. C’est au XVIIe siècle que commence une série d’observations sur l’électricité statique que l’on apprend à produire et maîtriser. Monsieur Du Fay découvre en 1733 les charges positives et négatives et observe les interactions entre ces charges. Les expériences spectaculaires se multiplient. Benjamin Franklin montre en 1752 l’existence de l’électricité atmosphérique en captant celle-ci avec un cerf-volant. Le hollandais Musschenbroek invente en 1746 le premier condensateur électrique (appelé la bouteille de Leyde) et le français Coulomb énonce les premières lois physiques sur l’électricité. En 1800, la première pile électrique est créé par l’italien Volta, ouvrant la voie aux progrès décisifs du XIXe siècle.

Le domaine de la chimie est révolutionné par Lavoisier. Une théorie erronée, celle de la phlogistique, a longtemps servi de cadre aux travaux des savants. Elle est illustrée par l’allemand Stahl qui affirme que les métaux, le charbon et tous les corps susceptibles de brûler sont chargés d’un fluide qu’il nomme phlogistique. Ainsi, un corps brûle parce que du phlogistique s’en dégage. La phlogistique expliquerait aussi la corrosion (rouille du fer).
Le chimiste Antoine-Laurent Lavoisier (1743-1794) réalise dès 1772 des expériences décisives sur la combustion. Il constate, sous cloche, que l’augmentation du poids du métal correspond à une diminution du poids de l’air. En 1777, il réalise l’analyse et la synthèse de l’air et démontre la fausseté de la théorie de la phlogistique. Il pose aussi les bases de la loi de la conservation de la matière (« rien ne se créé, rien ne se perd, tout se transforme »). A partir de 1787, avec Guyton de Morveau, Fourcroy et Berthollet, il dote la chimie d’un langage propre en créant une nomenclature simple et commode. Savant exemplaire, il peut être à juste titre considéré comme le père de la chimie moderne. Il est guillotiné en 1794 pendant la Révolution en tant que fermier général.

L’évolution des espèces avant Darwin

Bien que Charles Darwin n’ait formulé sa théorie aujourd’hui admise sur les mécanismes de l’évolution qu’au XIXe siècle, le concept du transformisme est déjà discuté au cours du siècle précédent.
Des savants tentent de classifier les espèces vivantes tel le français Tournefort en 1694 pour la botanique, le suédois Linné avec le Systema naturae (1735) qui rencontre un grand succès ou Buffon qui commence à rédiger en 1739 sa monumentale Histoire naturelle. De ces multiples classifications, et comparaisons entre les différents êtres vivants, vient l’idée, encore très marginale, que les espèces puissent dériver d’ancêtres communs.

La théorie fixiste (immuabilité des espèces) est jusqu’au XVIIIe siècle généralement admise par les savants d’autant plus qu’elle concorde avec le récit biblique de la Création. Cependant, outre les classifications, plusieurs éléments ébranlent la théorie :

  • La découverte de nombreux fossiles correspondant à des espèces disparues.
  • Les progrès de l’anatomie comparée.
  • Les observations de mutations d’espèces végétales.

Certains savants, tel Buffon, se convertissent au transformisme, théorie qui gagne peu à peu du terrain. Mais ce n’est seulement qu’en 1809 que le français Jean-Baptiste de Lamarck expose pour la première fois une théorie cohérente de l’évolution dans sa Philosophie zoologique.

Le progrès des techniques

Relations entre science et technique

Des découvertes scientifiques ont découlé des progrès techniques (le paratonnerre après les expériences de Benjamin Franklin ou l’aérostat des frères Montgolfier inspiré par les connaissances nouvelles sur les propriétés des gaz) mais l’inverse est aussi vrai : les progrès techniques (perfectionnement des instruments d’observation et de mesure : lunette astronomique, microscope, baromètre, etc.) ont facilité les expériences scientifiques, comme les travaux réalisés sur le thermomètre par René de Réaumur et Anders Celsius ou l’étude de l’électricité.

La fin de l’époque moderne voit une réhabilitation de la technique (les « arts mécaniques »), méprisée par de grands savants et philosophes comme Francis Bacon, Descartes, Pascal ou Leibniz. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, l’Encyclopédie (1751-1772) met les « arts et métiers » au même niveau que les sciences.

Les innovations agricoles

Si l’outillage agricole n’évolue fondamentalement pas, un certain nombre d’innovations apparaissent sous l’influence des Hollandais et des Anglais et se répandent dans la seconde moitié du XVIIIe siècle dans certaines parties de l’Europe : notamment l’introduction des cultures fourragères (trèfle, sainfoin, luzerne) dans le cycle de la production agricole, qui permet la suppression de la jachère et le développement de l’élevage. D’autre part, par le biais de la sélection des races, est améliorée la qualité du bétail. Enfin, la culture de la pomme de terre se répand.
Cependant, il ne faut pas non plus exagérer le progrès des techniques agricoles, la révolution agricole ne se fera véritablement qu’au XIXe siècle.

Les nouvelles techniques industrielles

Les premières inventions industrielles, destinées à accroître la production, font leur apparition dans le domaine du textile. En 1733, l’artisan anglais John Kay imagine de lancer la navette de tissage à l’aide de leviers pour remplacer le tissage manuel. Cette innovation permet la croissance rapide du tissage mais par le même coup augmente la demande en fils. C’est ainsi que des filateurs créent des machines à filer : la « spinning jenny » en 1765, le « water-frame » en 1769 et surtout la « mule-jenny » en 1779 qui est une synthèse des deux machines précédentes, qui sont capables de produire le fil plus vite et à un moindre coût.

Du côté de la métallurgie, le maître de forges anglais Abraham Darby met au point en 1735 la technique de transformation de la houille en coke qui permet d’obtenir dans les haut-fourneaux une fonte d’une bien meilleure qualité. En 1784 est mis au point par Henry Cort le procédé du « puddlage » qui affine la fonte par brassage à haute température sur feu de coke dans un four à réverbère, qui diminue la consommation en charbon de bois (problème de la disparition progressive des forêts).

Mais l’invention capitale est celle de mise au point en 1769 de la machine à vapeur par l’écossais James Watt, qui résulte de longs tâtonnements. Watt n’est pas le premier à avoir eu l’idée d’utiliser la vapeur comme force motrice (expériences de Denis Papin ou de Newcomen) mais a le mérite d’avoir apporté deux améliorations décisives: le condenseur (1769) et le double effet (1781).

Si ces innovations techniques restent essentiellement cantonnées à l’Angleterre qui a déjà démarré vers les années 1780 sa révolution industrielle (l’Europe continentale étant restée à l’ère pré-machiniste), elles posent les bases de la révolution industrielle qui prendra son véritable essor au XIXe siècle.

Bibliographie :
LEBRUN François, L’Europe et le monde. XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin, 2002.
HÉLIE Jérôme, Petit atlas historique des Temps modernes, Paris, Armand Colin, 2004.

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