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L'Histoire de France, de l'Europe & du Monde

A la fin du Moyen Âge, l’Europe ne connaît que très mal le vaste monde qui s’étend au-delà de ses frontières. Les récits merveilleux d’un Marco Polo ou d’un Jean de Mandeville donnent aux Européens l’image d’un monde regorgeant de richesses de toutes sortes. Dans un contexte favorable aux Grandes Découvertes, à la fin du XVe siècle, le monde change d’échelle avec la découverte en 1492 de l’Amérique par Christophe Colomb. L’Histoire devient une Histoire mondiale, planétaire.
De nouveaux peuples sont découverts. De vastes empires coloniaux se constituent. Si les Portugais ont été pionniers dans les Grandes Découvertes sous l’impulsion d’Henri le Navigateur, ce sont cependant les Espagnols qui s’assurent une hégémonie mondiale.

Les explorations et la découverte du monde

Les expéditions de Christophe Colomb

Christophe Colomb est né en 1450 et mort en 1506. D’origine génoise, il est issu d’une famille de marchands et s’intéresse aux travaux des géographes de son époque. Son projet de rejoindre les Indes par l’Ouest se heurte au scepticisme au royaume du Portugal.
En revanche, les rois catholiques (en particulier Isabelle de Castille), qui viennent de terminer la Reconquista, soutiennent le projet et lui fournissent trois navires armés : la Santa Maria, la Pinta et la Nina. Un contrat est signé avec Isabelle de Castille : les rois catholiques se réservent notamment un cinquième des trésors à découvrir. Christophe Colomb quant à lui reçoit les titres d’amiral et de vice-roi des terres à découvrir avec un huitième des profits futurs de l’expédition.

Le 3 août 1492 à Palos, Christophe Colomb s’embarque avec ses trois navires et met le cap vers l’Ouest. Colomb, qui pensait aborder l’Asie à la mi-septembre, ne parvient que le 12 octobre à San Salvador. Convaincu d’avoir abordé le continent asiatique, Colomb explore pendant 3 mois les environs des Petites Antilles, Saint-Domingue et Cuba. Déçue de n’avoir trouvé ni l’or ni les épices convoitées, l’expédition retourne en Europe. Le 15 mars 1493, Christophe Colomb arrive en Andalousie.
Jusqu’en 1502, Colomb fait 3 autres voyages. Le second voyage a déjà pour but de s’installer dans les nouvelles terres en établissant des colonies. Cependant, l’installation est difficile : le partage des femmes indiennes fait l’objet de violences entre européens. Des indigènes sont asservis, la conquête commence.

Finalement tombé en disgrâce, Colomb passe la fin de sa vie à lutter pour faire reconnaître ses droits par la Couronne d’Espagne. Lorsqu’il meurt, en 1506, il demeure persuadé qu’il a découvert la route occidentale vers l’Asie.

L’après Colomb

Partis sur les traces de Colomb, d’autres navigateurs mettent en doute ses conclusions. Le navigateur florentin Amerigo Vespucci, qui a conduit en 1500 une exploration au Venezuela, est le premier à découvrir que le nouveau continent est un continent inconnu. En 1507, l’imprimeur allemand Waldseemuller, en hommage, à Vespucci, baptise le nouveau continent « America ».
En 1513, l’isthme d’Amérique centrale est franchi pour la première fois par Nunez de Balboa qui découvre un nouvel océan : il paraît alors calme et est donc nommé « Pacifique ».
Le traité de Tordesillas (7 juin 1494), près de Valladolid, est signé sous l’autorité du pape et définit le partage du monde entre les Portugais et les Espagnols. Une ligne de partage est tracé à partir d’un méridien nord-sud localisé à 370 lieues (1770 km) à l’Ouest des îles du Cap-Vert. Or, tout restait à découvrir en Amérique.

Le tour du monde de Magellan

Magellan (1480-1521) a une grande expérience des voyages. Il propose au roi du Portugal d’atteindre les Indes par l’Ouest en contournant l’Amérique mais il se heurte, comme Colomb auparavant, au scepticisme du souverain. Magellan se tourne alors vers le roi de l’Espagne, Charles Quint, qui, lui, soutient le projet. En août 1519, Magellan quitte l’Espagne. L’expédition franchit le détroit de Magellan en 1520. Elle arrive aux Philippines où Magellan est tué par les indigènes avec 40 de ses hommes. Le 4 septembre 1522 l’expédition est de retour en Espagne avec seulement 28 hommes (sur 278 au départ !). Pour la première fois, des hommes ont fait le tour de la Terre, apportant ainsi la preuve formelle de sa rotondité.

Ces explorations du début du XVIe siècle sont une véritable révolution. En quelques décennies, les Européens ont découvert un nouveau continent, exploré des nouvelles routes, des régions au climat, à la flore et à la faune fortement éloignés de ceux de l’Europe. Ils ont surtout rencontré des civilisations inconnues dont ils ont pu observer les mœurs, les comportements, les croyances et les coutumes. Les hommes de la Renaissance sont ébranlés.

Naissance des empires et rivalités coloniales

Les possessions portugaises

Le traité de Tordesillas (1494) laisse aux Portugais le Brésil, les côtes africaines et les territoires asiatiques. C’est ainsi qu’en 1500, les Portugais, menés par Cabral, mettent le pied au Brésil. Ils y rencontrent des tribus indigènes comme les Tupis. Ces autochtones aident les Portugais à exploiter un bois qui fournit un colorant rouge comme la braise (de là vient le nom « Brésil »).
Jusque vers 1530, le roi du Portugal accorde facilement des autorisations à ceux qui veulent s’installer au Brésil. La côte brésilienne est divisée en lots, chaque lot étant commandé par un capitaine. Prenant exemple sur l’Espagne, le Portugal s’octroie un cinquième des produits de l’exploitation au Brésil. Un gouverneur s’installe à Bahia en 1548 afin de représenter la Couronne. Des Jésuites rejoignent aussi le pays afin d’évangéliser les populations.

Une série de comptoirs commerciaux sont établis sur la route des Indes, le long des côtes africaines. Ces comptoirs sont aussi des lieux où s’achètent les esclaves. En 1498, malgré l’opposition des marchands arabes locaux, Vasco de Gama obtient la permission d’installer un comptoir commercial dans le port indien de Calicut. En 1510, un vice-roi est installé à Goa chargé d’administrer l’ensemble des possessions asiatiques. D’autres comptoirs sont établis sont établis dans la première moitié du XVIe siècle dont Bombay. Les souverains des côtes asiatiques sont contraints par la force des navires portugais et leur artillerie, à accorder des privilèges commerciaux.

Très rapidement, les Portugais arrivent aux portes de l’Extrême-Orient. Si la Chine des Ming reste globalement fermée aux Portugais (arrivés à Canton en 1517, ils ne peuvent s’établir à Macao que quatre décennies plus tard), le Japon des samouraïs alors en pleine anarchie accueille plus favorablement les marchands chrétiens et leurs armes à feu. Une liaison commerciale régulière est ainsi établie entre les comptoirs indiens et le Pays du Soleil Levant. Les Portugais étendent également leur domination jusqu’aux Moluques et leurs précieuses épices.

Les conquêtes espagnoles

La colonisation espagnole a commencé dès Christophe Colomb. Les conquistadors, attirés par l’appât de l’or, vont se lancer dans l’exploration et la conquête de grands empires.

Le premier de ces grands empires est l’empire des Aztèques. En 1519, c’est à la tête d’environ 500 soldats, une dizaine de chevaux et des canons, qu’Hernan Cortès conquiert l’empire aztèque. L’expédition rencontre d’abord les Mayas qui leur offrent une interprète qui parle le Maya et le Nahuatl (langue des Aztèques).
A la tête de l’empire aztèque se trouve un empereur, Moctezuma. Les Aztèques ont soumis une série de peuples dont les Tlaxcaltèques qui se verraient bien libérés du joug de leurs dominateurs. Les Aztèques, extrêmement surpris, n’offrent pas de résistance dans les débuts. Devant l’impopularité des Espagnols, ils finissent cependant par se soulever lors de la Noche Triste à Tenochtitlan. Les Espagnols, qui fuient la ville, se réfugient chez les Tlaxcaltèques et se mettent à préparer le siège de Tenochtitlan finalement et définitivement conquise le 13 août 1521.

Malgré le faible nombre d’Espagnols, plusieurs facteurs peuvent expliquer la chute du puissant empire aztèque : la supériorité technique des Européens, le manque de cohésion de l’empire aztèque et l’effet de surprise. En 1522, les territoires conquis par Cortès deviennent la Nouvelle-Espagne. Ce territoire s’étendra par la suite vers le Sud et le Nord.

Près d’une décennie plus tard, un autre Espagnol, nommé Pizarro, part à la tête de 130 hommes vers le Sud. En 1531, l’expédition rencontre l’empire inca. Son empereur, Atahualpa, est fait prisonnier par Pizarro en échange d’une rançon colossale. La rançon est versée par les Incas, et Pizarro, ne tenant pas sa promesse, exécute l’empereur déchu. Les Espagnols se lancent alors à la conquête de tout le territoire, soutenus par les peuples rebelles. Cuzco, capitale de l’empire inca, est prise et pillée. Les soulèvements indiens sont réprimés. Les Espagnols finissent par s’entretuer et Pizarro meurt en 1539.
La main d’oeuvre africaine est appelée pour exploiter les territoires.

Les concurrents à la puissance ibérique

Le traité de Tordesillas, malgré l’appui du pape, est vu par les autres pays européens comme une affaire hispano-portugaise. La France et l’Angleterre d’abord, puis les Provinces-Unies ensuite, cherchent à se tailler une part du gâteau colonial.
La politique du roi François Ier n’est pas de concurrencer les Espagnols et les Portugais en Amérique, mais de chercher de nouveaux territoires. Les expéditions de Verrazzano, un Italien au service du roi de France, vers l’Inde et la Chine, puis celles surtout de Jacques Cartier dans la vallée du Saint-Laurent, poursuivent ce but. L’Angleterre fait des incursions en Amérique du Nord. Vers 1570, le corsaire anglais Drake fait parler de lui sur les côtes espagnoles de l’Amérique. Quant aux Hollandais, peuple marin, ils vont chercher à concurrencer les Portugais en Extrême-Orient (fondation en 1602 de la Compagnie hollandaise des Indes orientales).

Les conséquences des Grandes Découvertes

Les routes portugaises

La force première de l’empire du Portugal tient dans le contrôle d’une route maritime entre l’Europe et l’Asie avec comme escales les côtes africaines et le golfe Persique.
Entre 1450 et 1500, le trafic africain a rapporté 400 kilos d’or, des centaines de tonnes d’épices et 150 000 esclaves au Portugal. Les caraques portugaises rapportent de l’Orient le poivre du Malabar, les tissus d’indiennes, la cannelle et le clou de girofle des Moluques et de Java, la soie de Perse ou bien encore les parfums d’Arabie. Ces produits s’achètent à prix d’or en Europe.

Au Brésil, une économie sucrière se met en place : entre 1570 et 1610, le nombre de moulins à sucre est quadruplé et la production multipliée par sept. Les populations européennes restent peu nombreuses dans ces territoires (environ une dizaine de milliers de colons), ce qui rend difficile l’exploitation. Les Indiens étant protégés par le roi, une traite négrière se met en place pour pallier la main d’oeuvre manquante. En 1600, les noirs sont numériquement plus nombreux que les Européens.

L’organisation et exploitation des territoires espagnols

Une fois les territoires conquis, le pouvoir met en place des représentants : les vices-rois. La Nouvelle-Espagne et la Nouvelle-Castille se dotent d’un vice-roi. Des tribunaux royaux sont mis en place. Dès 1523, un Conseil des Indes s’occupe des affaires américaines.
La population indienne décroît fortement. Si en 1500, elle est estimée à 80 millions d’individus, en 1570, elle en est réduite à 9. Cette hécatombe ne s’explique pas seulement par le déplacement et la mise au travail forcé des populations mais surtout par le choc microbien (introduction de maladies européennes). Dès 1519, Bartholomé Las Casas dénonce les traitements infligés aux Indiens. L’esclavage indien est alors interdit et ce sont donc des esclaves noirs qui sont importés en Amérique.
On retrouve également une volonté d’évangélisation: l’Inquisition s’installe en Amérique dans le dernier quart du XVIe siècle. Des universités destinées aux élites blanches sont créées.

Les métaux précieux sont exportés en Europe. Le stock d’or a été multiplié par deux au cours du XVIe siècle en Europe, le stock d’argent par trois, peut-être quatre. Certaines activités industrielles (armement, textile,…) ont été stimulées par la colonisation. Un essor économique européen s’amorce.

Le choc intellectuel de l’ouverture du monde

En l’espace de quelques décennies, c’est tout l’univers que côtoyaient les Européens depuis de nombreux siècles qui bascule. L’idée d’une Europe médiévale chrétienne centre du monde limitée par un Islam barbare s’effondre. De nouveaux espaces sont découverts mais surtout de nouvelles civilisations. Si l’expédition de Christophe Colomb a rencontré d’abord les primitifs des Caraïbes, ce qui a conforté les Européens dans l’idée de la supériorité de la civilisation chrétienne, les vestiges mayas d’une civilisation extraordinaire, les puissants et organisés empires aztèques et incas, l’éblouissante Chine des Ming démentent l’idée de civilisations inférieures.
Si les conquérants voient avec mépris ces civilisations fragiles incapables de leur résister dont ils ne discernent que les traits archaïques, les intellectuels européens connaissent le sentiment nouveau de la relativité des valeurs. Face une vision du monde médiéval en pleine décomposition émerge un nouvel esprit européen.

Bibliographie :
LEBRUN François, L’Europe et le monde. XVIe-XVIIIe siècle, Armand Colin, 2002.
BERSTEIN Serge, MILZA Pierre, États et identité européenne. XIVe siècle-1815 (Tome 3), Hatier, 1994.
HÉLIE Jérôme, Petit atlas historique des Temps modernes, Armand Colin, 2004.

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